Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAC_1/LAC18
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
XVIII
Calme en mer
A MES AMIS E. ET J. MARINEAU (de la Martinique.)
Le soleil qui descend | sous la vague profonde 6+6 a
A rougi l'occident | que sa lumière inonde. 6+6 a
Le ciel étend sur moi | son pavillon d'azur ; 6+6 a
La vague en réfléchit | l'éclat profond et pur, 6+6 a
5 Et la nuit, déroulant | ses ombres et ses voiles, 6+6 a
Et posant sur son front | sa couronne d'étoiles, 6+6 a
Répand à mes côtés | ses feux mystérieux 6+6 a
Et poursuit dans les airs | son cours silencieux. 6+6 a
Entraîné par le sort | vers de nouvelles plages, 6+6 a
10 De mon pays aimé | j'ai quitté les rivages ; 6+6 a
Et, voguant sur les eaux | du perfide élément, 6+6 a
Je ne vois plus que l'onde | et le bleu firmament. 6+6 a
Mais le souffle des nuits | s'assoupit sur la vague ; 6+6 a
Son haleine affaiblie, | indécise et plus vague, 6+6 a
15 Sur le sein onduleux | du liquide miroir 6+6 a
A répandu la paix | et les pavots du soir ; 6+6 a
Et comme un doux zéphyr | dont l'aile familière 6+6 a
Soulève du lion | la royale crinière, 6+6 a
Il semble, en se jouant | dans l'écume des flots, 6+6 a
20 Du terrible Océan | caresser le repos. 6+6 a
Quel calme sous les cieux ! | Quel auguste silence ! 6+6 a
Le vaisseau lentement | s'incline et se balance ; 6+6 a
J'écoute, et n'entends plus | que les mourants accords 6+6 a
Du flot qui mollement | vient baigner nos sabords ; 6+6 a
25 Aucun bruit dans les airs | n'a frappé mon oreille : 6+6 a
La nuit marche en silence | et l'Océan sommeille. 6+6 a
Mais quelqu'un avec moi | de cette immensité 6+6 a
Ressent-il dans son cœur | la vague majesté ? 6+6 a
Est-il une âme aussi | qui, pensive à cette heure, 6+6 a
30 Et parcourant des yeux | la céleste demeure, 6+6 a
Promène un long regard | sur ce dôme d'azur 6+6 a
D'où descend de la nuit | le rayon doux et pur ; 6+6 a
Et qui, du firmament | étoilé de lumière, 6+6 a
Ramène ainsi que moi | sa rêveuse paupière 6+6 a
35 Sur les flots assoupis | de l'abîme éternel, 6+6 a
Et contemple des mers | le calme solennel ? 6+6 a
Je ne sais : mais peut-être | un chérubin qui passe 6+6 a
Et franchit de l'éther | les déserts et l'espace, 6+6 a
Suspend son vol léger, | et des sphères des cieux 6+6 a
40 Sur ce monde endormi | porte un moment les yeux. 6+6 a
Aux mourantes lueurs | des tremblantes étoiles, 6+6 a
Dont la faible clarté | blanchit au loin nos voiles ; 6+6 a
Il voit notre vaisseau, | comme un cygne des mers, 6+6 a
Laissant tomber son aile | au bord des flots amers, 6+6 a
45 S'endormir au roulis | des onduleuses lames, 6+6 a
Où l'astre de Vénus | fait vaciller ses flammes. 6+6 a
Le voyageur divin, | immobile et surpris, 6+6 a
Laisse flotter sur nous | ses regards attendris ; 6+6 a
Il plaint l'homme imprudent | qu'un fol orgueil égare, 6+6 a
50 Ou que des vains trésors | l'ambition avare 6+6 a
Expose à la fureur | d'un élément fatal 6+6 a
Et ravit au doux ciel | de son climat natal ; 6+6 a
A ses champs abrités | dont l'ombre et le feuillage 6+6 a
Ont voilé tant de fois | les jeux de son bel âge ; 6+6 a
55 A la vallée ombreuse | où de paisibles eaux 6+6 a
Murmurent en coulant | sous l'ombre des roseaux ; 6+6 a
Où la colombe vient | baigner ses pieds de rose 6+6 a
Sur le bord des gazons | qu'une eau limpide arrose ; 6+6 a
A ces beaux lieux enfin | qu'un Dieu dans son amour, 6+6 a
60 Comme un nouvel Éden, | lui donna pour séjour. 6+6 a
Et l'archange attristé | plaint la douleur amère 6+6 a
D'un ami, d'une sœur, | ou d'une pauvre mère, 6+6 a
Que cet ingrat mortel | a laissés loin de lui 6+6 a
Peut-être en ce moment, | sur le bord qu'il a fui, 6+6 a
65 Pensive et solitaire, | et pleurant sur l'absence 6+6 a
De l'ami que son âme | adorait en silence, 6+6 a
Une amante abandonne | au souffle des zéphyrs 6+6 a
Sa plainte douloureuse | et ses secrets soupirs. 6+6 a
Hélas ! je vogue aussi | loin de mon toit champêtre, 6+6 a
70 Loin de l'asile aimé | du champ qui m'a vu naître, 6+6 a
Où d'un Dieu paternel | la prodigue bonté 6+6 a
A versé tout aussi | pour ma félicité 6+6 a
Mais si la soif de l'or | et son ardeur servile 6+6 a
Loin de ces lieux si chers | n'est pas ce qui m'exile, 6+6 a
75 En ai-je moins coûté | bien des regrets amers, 6+6 a
Bien des larmes d'adieux | à ceux qui me sont chers ? 6+6 a
Angélique habitant | des célestes domaines, 6+6 a
Toi qui de l'infini | parcours les vastes plaines, 6+6 a
Guide ton vol léger | vers le lointain séjour 6+6 a
80 Où s'ouvrit ma paupière | à la clarté du jour ; 6+6 a
Tes yeux reconnaîtront | à ses hautes montagnes, 6+6 a
A son ciel rayonnant, | à ses vastes campagnes, 6+6 a
Mon île fortunée | assise au sein des mers 6+6 a
Et montrant son front bleu | dans le vague des airs. 6+6 a
85 Où ma sœur me rappelle, | où ma mère me pleure ; 6+6 a
Alléger des mortels | la peine et la douleur 6+6 a
Des esprits bienheureux | doit être le bonheur ; 6+6 a
Va consoler les maux | qu'a causés mon absence 6+6 a
Et verse dans leur sein | le calme et l'espérance 6+6 a
90 Mais avant de partir, | doux ange, bénis-moi ! 6+6 a
Fais d'un Dieu juste et bon | que j'observe la loi 6+6 a
Mon âge à peine échappe | à celui de l'enfance ; 6+6 a
J'ai besoin d'un ami | pour prendre ma défense, 6+6 a
D'un guide et d'un appui | pour diriger mes pas, 6+6 a
95 Dans les hasards nouveaux | que je ne connais pas. 6+6 a
J'entreprends de mes jours | le long pèlerinage, 6+6 a
J'ai peur de m'égarer ; | indique à mon jeune âge 6+6 a
Les sentiers parfumés | de vertus et de fleurs. 6+6 a
Du remords à mon âme | épargne les douleurs. 6+6 a
100 Débile et malheureux, | prodigue à ma faiblesse 6+6 a
L'espoir de surmonter | le destin qui me blesse. 6+6 a
Viens répandre parfois | dans mon obscurité 6+6 a
Et du bien et du vrai | la divine clarté. 6+6 a
Offre enfin à mes yeux | cette épouse, cette Ève, 6+6 a
105 Ce vague objet d'amour | qu'incessamment je rêve ; 6+6 a
Dont la jeune beauté, | la grâce et la douceur 6+6 a
De mes jours d'ici-bas | consoleront mon cœur. 6+6 a
Et quand pour m'abreuver | d'une douce tristesse, 6+6 a
Je livre à ses pensers | ma rêveuse jeunesse, 6+6 a
110 Et que je vais d'un pas | mélancolique et lent, 6+6 a
M'asseoir près des ruisseaux | sous l'ombrage coulant, 6+6 a
Alors pour consoler | ce qui dans moi soupire, 6+6 a
A mes doigts inspirés | prête parfois la lyre. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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