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F = "e" féminin
| = césure
LAC_1/LAC13
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
XIII
A Mr. L. T. V
pendant sa détention pour cause politique
Souvent triste et rêveur, sur un roc solitaire 6+6 a
Je m'assieds en portant mes regards sur la terre, 6+6 a
Et des pleurs tombent de mes yeux. 8 b
C'est qu'alors la douleur et présente et passée, 6+6 c
5 De son voile de deuil ombrageant ma pene, 6+6 c
Courbe mon front silencieux. 8 b
Puis mon regard s'élève à la voûte céleste : 6+6 a
J'y retrouve l'ami, le seul ami qui reste 6+6 a
A l'homme affaissé sous ses maux ; 8 b
10 Ma voix monte à ce Dieu qui dans notre détresse, 6+6 c
Daigne encore assoupir notre amère tristesse 6+6 c
A ses chants qui n'ont pas d'échos. 8 b
Nos droits à son amour, c'est notre âme qui fume 6+6 a
De ce céleste encens que son regard allume 6+6 a
15 Dans un cœur jeune et malheureux ; 8 b
C'est de souffrir, hélas ! d'un joug illégitime, 6+6 c
D'être des préjugés une faible victime, 6+6 c
Et d'être innocent à ses yeux. 8 b
Juste dans ses rigueurs, jamais à l'innocence 6+6 a
20 Dieu ne vient demander compte de sa naissance ; 6+6 a
Baisant au front l'humilié, 8 b
Il sait, du pauvre enfant que ce n'est pas la faute, 6+6 c
Si dans ce monde il vint, étranger, comme un hôte 6+6 c
Que l'on avait pas convié. 8 b
25 Qu'importe qu'on le fuie et qu'il n'ait sur la terre, 6+6 a
Nul ami pour l'aider à porter sa misère, 6+6 a
Aux sombres jours de son malheur ? 8 b
Pour relever son front que l'infortune affaisse, 6+6 c
Pour alléger ses fers sous le sort qui l'oppresse, 6+6 c
30 Ne lui restes-tu pas, Seigneur ? 8 b
Il a tourné vers toi son humide paupière, 6+6 a
Tes anges dans les cieux t'ont porté sa prière, 6+6 a
Ah ! prête l'oreille à sa voix ! 8 b
Ses accents douloureux sont ceux de la gazelle 6+6 c
35 Ceux du timide agneau qui se plaint et qui bêle 6+6 c
Égaré dans la nuit des bois. 8 b
C'est un autre Israël pleurant sa servitude, 6+6 a
C'est l'imprudent oiseau tombé de lassitude 6+6 a
Sur l'abîme orageux des mers ; 8 b
40 Il fait de vains efforts pour regagner la plage ; 6+6 c
Ne sauveras-tu pas cet oiseau de passage 6+6 c
De la fureur des flots amers ? 8 b
Quand ces tristes pensers s'amassent dans ma tête, 6+6 a
Tel qu'un faible roseau qu'a courbé la tempête, 6+6 a
45 Mon front s'incline sur mon sein ; 8 b
Mon âme s'abandonne à sa douleur profonde, 6+6 c
Et mon luth, arro d'une larme inféconde 6+6 c
Demeure sans voix sous ma main. 8 b
Mais plus souvent, ami, pour charmer ma tristesse, 6+6 a
50 Sur la lyre, mes doigts, errant avec mollesse, 6+6 a
Mêlent de murmurants accords 8 b
Aux mille accords secrets qu'exhale la nature, 6+6 c
Aux soupirs de la nuit, au faible et doux murmure 6+6 c
De l'onde expirant sur ses bords. 8 b
55 Car celui qui dispense une eau féconde et pure 6+6 a
A l'humble fleur des champs qui germa sans culture, 6+6 a
Comme au lis qu'arrosent nos mains ; 8 b
Éclaira mon esprit à sa flamme secrète, 6+6 c
Et dans ma bouche a mis les doux chants du poète 6+6 c
60 Pour consoler mes lendemains. 8 b
Oh ! Que j'aime le bruit des ondes sur les grèves ! 6+6 a
Alors le vague objet que caressent mes rêves 6+6 a
Déployant ses ailes d'azur 8 b
Sur le front de celui qu'a repoussé le monde, 6+6 c
65 Assoupit de mon cœur la tristesse profonde 6+6 c
A son accent plaintif et pur. 8 b
Si l'astre de la nuit, entr'ouvrant sa paupière, 6+6 a
Verse d'un jour plus doux la tremblante lumière 6+6 a
Sur le sein endormi des eaux ; 8 b
70 Alcyon sur les flots d'une amère existence, 6+6 c
Je gémis, et ma voix qu'écoute le silence 6+6 c
A ses soupirs endort mes maux. 8 b
Si la brise des soirs qui balance la feuille, 6+6 a
Si le souffle amoureux d'un doux zéphyr qui cueille 6+6 a
75 Des baisers sur le sein des fleurs, 8 b
De son frémissement vient flatter mon oreille ; 6+6 c
Je demande à mon luth que d'une voix pareille 6+6 c
Il chante pour sécher mes pleurs. 8 b
O toi, qu'un sort fatal abreuva d'amertume, 6+6 a
80 Chante donc pour charmer l'ennui qui te consume ! 6+6 a
La muse a pour le malheureux 8 b
Des paroles d'amour, des secrets pleins de charmes ; 6+6 c
Elle pleure s'il pleure, et pour verser des larmes 6+6 c
Combien il est doux d'être deux ! 8 b
85 Chante pour oublier ton affligeante histoire 6+6 a
Pour que le souvenir qui pèse à ta mémoire 6+6 a
En soit à jamais effacé ; 8 b
Comme ces monts altiers, rois géants de notre île, 6+6 c
Qui montrent dans les cieux un front calme et tranquille 6+6 c
90 Alors que l'orage a passé ! 8 b
Fuis le pénible aspect des misères mortelles, 6+6 a
Ami, prends ton essor de ces rives cruelles 6+6 a
Où gémit le faible opprimé, 8 b
Vers les célestes lieux où de la poésie, 6+6 c
95 Ta muse versera l'enivrante ambroisie 6+6 c
Dans le cœur de son bien-aimé. 8 b
Et sur un luth plaintif, dans une amère ivresse 6+6 a
Exhale tes soupirs et tes chants de tristesse 6+6 a
Avec tant d'âme et de douceurs, 8 b
100 Que le cœur le plus dur s'attendrisse à tes peines 6+6 c
Que ton sombre geôlier même, en rivant tes chaînes 6+6 c
T'écoute… et répande des pleurs. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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