Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAC_1/LAC11
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
XI
Un clair de lune sous la ligne
A Josselin D**
Et la reine des nuits | au pâle et doux rayon, 6+6 a
Prend son essor léger | des bords de l'horizon, 6+6 a
Et monte en se berçant | dans les airs qui blanchissent ; 6+6 b
A son brillant aspect | les étoiles pâlissent, 6+6 b
5 Effaçant dans l'azur | leurs timides clartés. 6+6 a
Mais la tendre lueur | coule à flots argentés 6+6 a
Et fait briller des mers | la surface immobile. 6+6 b
Le jeune homme au front triste, | à la marche débile, 6+6 b
Chérit, douce Phœbé | ta pieuse splendeur ; 6+6 a
10 Tu sembles d'un regard | caresser son malheur ; 6+6 a
En secret il exhale | à ta paisible flamme, 6+6 b
Les soupirs douloureux | que renferme son âme. 6+6 b
Le timide orphelin, | dans le monde isolé, 6+6 a
Le poète et l'amant, | le sensible exilé, 6+6 a
15 Et la vierge au front pur | qu'embellit la lumière, 6+6 b
Lèvent aussi vers toi | leur humide paupière. 6+6 b
Tu reposes les yeux, | la pensée et le cœur. 6+6 a
Combien de fois, amant | de ton calme rêveur 6+6 a
Je suis venu m'asseoir | aux bords de la colline, 6+6 b
20 Pour écouter au loin | la tendre mandoline, 6+6 b
Soupirant sous les doigts | d'une chaste beauté, 6+6 a
Les accords inspirés | par ton astre enchanté ! 6+6 a
Combien de fois encore, | à ces paisibles heures 6+6 b
Où l'ombre de la nuit | s'étend sur nos demeures, 6+6 b
25 Quand ton pâle croissant | flottait à l'horizon, 6+6 a
J'ai promené mes pas | sur l'humide gazon 6+6 a
Où ton jour affaibli | glissait avec mollesse ! 6+6 b
Du saule aux longs rameaux | éclairant la tristesse 6+6 b
Tu dormais à mes pieds | sur la mousse et les fleurs, 6+6 a
30 Et, du dôme des bois | perçant les profondeurs, 6+6 a
Plus loin tu blanchissais | le noir cyprès des tombes, 6+6 b
Le toit de la chaumière | et le nid des colombes ; 6+6 b
Tu planais sur les monts | comme l'ange des nuits, 6+6 a
Et ta chaste lumière | endormait mes ennuis ; 6+6 a
35 Et la belle de nuit, | frêle et mystérieuse, 6+6 b
S'ouvrait aux blancs reflets | de ta lueur douteuse ; 6+6 b
Comme elle, je sentais | mon cœur s'épanouir, 6+6 a
Et mes tristes pensers | semblaient s'évanouir, 6+6 a
Et sous ton ciel serein | dont le jour la captive, 6+6 b
40 Seule et pensive alors, | ma muse moins craintive 6+6 b
A la brise des soirs | abandonnait ses vers 6+6 a
Que semblait écouter | le silence des airs. 6+6 a
Et, cette nuit sur l'onde | où ma nef est bercée, 6+6 b
Je m'abandonne encore | à ma vague pensée, 6+6 b
45 En te voyant flotter | dans le ciel vaste et pur 6+6 a
Comme un navire aussi | sur une mer d'azur. 6+6 a
Qu'il est doux de rêver | à tes muettes flammes 6+6 b
Qui viennent près de moi | se jouer dans les lames ! 6+6 b
Tu sembles effleurer | d'un vol mystérieux 6+6 a
50 Le flot calme et profond | de l'océan des cieux, 6+6 a
Et le rayon qui pleut | de ton croissant nocturne 6+6 b
Vient baigner ma paupière | et mon front taciturne. 6+6 b
Bel astre, n'es-tu pas | l'éden et le séjour 6+6 a
Des mortels dont les yeux | se sont fermés au jour ; 6+6 a
55 L'asile fortuné, | la flottante demeure, 6+6 b
De ceux que l'on aimait | et qu'ici-bas l'on pleure ? 6+6 b
Peut-être que l'un d'eux, | en ce même moment 6+6 a
Où mon œil te contemple | aux bords du firmament, 6+6 a
Suit aussi des hauteurs | de ta céleste sphère 6+6 b
60 Notre globe natal, | notre paisible terre, 6+6 b
Dont l'orbe voyageur | sur l'abîme emporté 6+6 a
De l'espace et des cieux | parcourt l'immensité. 6+6 a
Ah ! lorsque le trépas | aura clos ma paupière, 6+6 b
Mon âme, libre enfin | de sa prison grossière, 6+6 b
65 Dans le fluide éther | balançant son essor, 6+6 a
Ira se reposer | sur ta planète d'or ! 6+6 a
Là, tel qu'un exilé | dont la vue attendrie 6+6 b
Revoit avec transport | le ciel de la patrie, 6+6 b
Mais qui, des jours passés | gardant le souvenir, 6+6 a
70 Songe au pays lointain | qu'il apprit à bénir ; 6+6 a
Âme heureuse et rendue | à ma gloire première, 6+6 b
Je chercherai parfois | à ta molle lumière, 6+6 b
La terrestre planète | où j'ai reçu le jour, 6+6 a
Et la suivrai long-temps | avec des yeux d'amour. 6+6 a
75 Je me rappellerai | les lieux où mon enfance 6+6 b
Sous un joug oppresseur | a gémi sans défense ; 6+6 b
Où mon cœur jeune encor | rêvait au bruit lointain 6+6 a
De la chanson du nègre | et du bobre africain ; 6+6 a
Où le souffle embaumé, | de la brise alisée 6+6 b
80 Rafraîchit de nos fleurs | la corolle épuisée ; 6+6 b
Où l'oiseau du Bengale | et les tendres ramiers 6+6 a
Viennent gémir d'amour | à l'ombre des palmiers ; 6+6 a
Où les ruisseaux coulant | au milieu des savanes 6+6 b
Portent leur doux murmure | au seuil de nos cabanes 6+6 b
85 Je me rappellerai | mon splendide soleil 6+6 a
Fécondant nos rochers | de son rayon vermeil, 6+6 a
Et ces arbres dont l'ombre, | abritant ma jeunesse, 6+6 b
Caressait de mon corps | l'africaine mollesse : 6+6 b
Le vaste tamarin | où j'aimais à m'asseoir, 6+6 a
90 Et qui ferme sa feuille | aux approches du soir, 6+6 a
Le letchy, balançant | ses grappes de fruits roses 6+6 b
Comme un rosier chargé | de boutons et de roses ; 6+6 b
La colline onduleuse | exhalant la fraîcheur, 6+6 a
D'où l'on voit sur les mers | la barque du pécheur ; 6+6 a
95 Les fronts aériens | des Salazes sublimes 6+6 b
Dont aucun pied mortel | n'a profané les cimes. 6+6 b
Je me rappellerai | les bords de la Dumas, 6+6 a
Lieux aimés du printemps, | inconnus des frimas ; 6+6 a
C'est là que j'ai grandi | sous les yeux de ma mère 6+6 b
100 C'est là que s'élevait | sa modeste chaumière, 6+6 b
Dont le toit dominait | les vastes champs de riz, 6+6 a
Comme un nid balancé | dans des rameaux fleuris. 6+6 a
Je me rappellerai | ces lieux de ma naissance 6+6 b
Que ma sœur parfumait | de grâce et d'innocence ; 6+6 b
105 Et mes yeux pleureront | avec des pleurs d'amour, 6+6 a
Et sous les saints lambris | de l'éternel séjour, 6+6 a
Mariant ses accords | à ma voix attendrie, 6+6 b
Ma lyre chantera | mon ancienne patrie. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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