Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_9/HUG765
Victor HUGO
L'année terrible
1872
JUILLET
III
L'AVENIR
Polynice, Étéocle, Abel, Caïn ! ô frères ! 6+6 a
Vieille querelle humaine ! échafauds ! lois agraires ! 6+6 a
Batailles ! ô drapeaux, ô linceuls ! noirs lambeaux ! 6+6 b
Ouverture hâtive et sombre des tombeaux ! 6+6 b
5 Dieu puissant ! quand la mort sera-t-elle tuée ? 6+6 a
O sainte paix !
La guerre est la prostituée ; 6+6 a
Elle est la concubine infâme du hasard. 6+6 b
Attila sans génie et Tamerlan sans art 6+6 b
Sont ses amants ; elle a pour eux des préférences ; 6+6 a
10 Elle traîne au charnier toutes nos espérances, 6+6 a
Égorge nos printemps, foule aux pieds nos souhaits, 6+6 b
Et comme elle est la haine, ô ciel bleu, je la hais ! 6+6 b
J'espère en toi, marcheur qui viens dans les ténèbres, 6+6 a
Avenir !
Nos travaux sont d'étranges algèbres ; 6+6 a
15 Le labyrinthe vague et triste où nous rôdons 6+6 b
Est plein d'effrois subits, de pièges, d'abandons ; 6+6 b
Mais toujours dans la main le fil obscur nous reste. 6+6 a
Malgré le noir duel d'Atrée et de Thyeste, 6+6 a
Malgré Léviathan combattant Béhémoth, 6+6 b
20 J'aime et je crois. L'énigme enfin dira son mot. 6+6 b
L'ombre n'est pas sur l'homme à jamais acharnée. 6+6 a
Non ! Non ! l'humanité n'a point pour destinée 6+6 a
D'être assise immobile au seuil froid des tombeaux, 6+6 b
Comme Jérôme, morne et blême, dans Ombos, 6+6 b
25 Ou comme dans Argos la douloureuse Électre. 6+6 a
Un jour, moi qui ne crains l'approche d'aucun spectre, 6+6 a
J'allai voir le lion de Waterloo. Je vins 6+6 b
Jusqu'à la sombre plaine à travers les ravins ; 6+6 b
C'était l'heure où le jour chasse le crépuscule ; 6+6 a
30 J'arrivai ; je marchai droit au noir monticule. 6+6 a
Indigné, j'y montai ; car la gloire du sang, 6+6 b
Du glaive et de la mort me laisse frémissant. 6+6 b
Le lion se dressait sur la plaine muette ; 6+6 a
Je regardais d'en bas sa haute silhouette ; 6+6 a
35 Son immobilité défiait l'infini ; 6+6 b
On sentait que ce fauve, au fond des cieux banni, 6+6 b
Relégué dans l'azur, fier de sa solitude, 6+6 a
Portait un souvenir affreux sans lassitude ; 6+6 a
Farouche, il était là, ce témoin de l'affront. 6+6 b
40 Je montais, et son ombre augmentait sur mon front. 6+6 b
Et tout en gravissant vers l'âpre plate-forme, 6+6 a
Je disais : Il attend que la terre s'endorme ; 6+6 a
Mais il est implacable ; et, la nuit, par moment 6+6 b
Ce bronze doit jeter un sourd rugissement ; 6+6 b
45 Et les hommes, fuyant ce champ visionnaire, 6+6 a
Doutent si c'est le monstre ou si c'est le tonnerre. 6+6 a
J'arrivai jusqu'à lui, pas à pas m'approchant… 6+6 b
J'attendais une foudre et j'entendis un chant. 6+6 b
Une humble voix sortait de cette bouche énorme. 6+6 a
50 Dans cette espèce d'antre effroyable et difforme 6+6 a
Un rouge-gorge était venu faire son nid ; 6+6 b
Le doux passant ailé que le printemps bénit, 6+6 b
Sans peur de la mâchoire affreusement levée, 6+6 a
Entre ces dents d'airain avait mis sa couvée ; 6+6 a
55 Et l'oiseau gazouillait dans le lion pensif. 6+6 b
Le mont tragique était debout comme un récif 6+6 b
Dans la plaine jadis de tant de sang vermeille ; 6+6 a
Et comme je songeais, pâle et prêtant l'oreille, 6+6 a
Je sentis un esprit profond me visiter, 6+6 b
60 Et, peuples, je compris que j'entendais chanter 6+6 b
L'espoir dans ce qui fut le désespoir naguère, 6+6 a
Et la paix dans la gueule horrible de la guerre. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université