Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_9/HUG752
Victor HUGO
L'année terrible
1872
JUIN
VIII
À QUI LA FAUTE ?
Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?
Oui. 6+6 a
J'ai mis le feu là.
— Mais c'est un crime inouï ! 6+6 a
Crime commis par toi contre toi-même, infâme ! 6+6 b
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme ! 6+6 b
5 C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler ! 6+6 a
Ce que ta rage impie et folle ose brûler, 6+6 a
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage ! 6+6 b
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. 6+6 b
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi. 6+6 a
10 Une bibliothèque est un acte de foi 6+6 a
Des générations ténébreuses encore 6+6 b
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore. 6+6 b
Quoi ! dans ce vénérable amas des vérités, 6+6 a
Dans ces chefs-d'œuvre pleins de foudre et de clartés, 6+6 a
15 Dans ce tombeau des temps devenu répertoire, 6+6 b
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire, 6+6 b
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir, 6+6 a
Dans ce qui commença pour ne jamais finir, 6+6 a
Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles, 6+6 b
20 Dans le divin monceau des Eschyles terribles, 6+6 b
Des Homères, des Jobs, debout sur l'horizon, 6+6 a
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison, 6+6 a
Tu jettes, misérable, une torche enflammée ! 6+6 b
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée ! 6+6 b
25 As-tu donc oublié que ton libérateur, 6+6 a
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur ; 6+6 a
Il luit ; parce qu'il brille et qu'il les illumine, 6+6 b
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine 6+6 b
Il parle, plus d'esclave et plus de paria. 6+6 a
30 Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria. 6+6 a
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakspeare, ou Corneille 6+6 b
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ; 6+6 b
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ; 6+6 a
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ; 6+6 a
35 Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître, 6+6 b
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître 6+6 b
A mesure qu'il plonge en ton cœur plus avant, 6+6 a
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ; 6+6 a
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ; 6+6 b
40 Tu te reconnais bon, puis meilleur ; tu sens fondre, 6+6 b
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs, 6+6 a
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs ! 6+6 a
Car la science en l'homme arrive la première. 6+6 b
Puis vient la liberté. Toute cette lumière, 6+6 b
45 C'est à toi, comprends donc, et c'est toi qui l'éteins ! 6+6 a
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints. 6+6 a
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle 6+6 b
Les liens que l'erreur à la vérité mêle, 6+6 b
Car toute conscience est un nœud gordien. 6+6 a
50 Il est ton médecin, ton guide, ton gardien. 6+6 a
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte. 6+6 b
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute ! 6+6 b
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir, 6+6 a
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir, 6+6 a
55 Le progrès, la raison dissipant tout délire. 6+6 b
Et tu détruis cela, toi !
— Je ne sais pas lire. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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