Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_9/HUG744
Victor HUGO
L'année terrible
1872
MAI
VI
EXPULSÉ DE BELGIQUE
« — Il est enjoint au sieurHugo de par le roi 6+6 a
De quitter le royaume.» — Et je m'en vais. Pourquoi ? 6+6 a
Pourquoi ? mais c'est tout simple,amis. Je suis un homme 6+6 b
Qui, lorsque l'on dit : Tue !hésite à dire : Assomme ! 6+6 b
5 Quand la foule entrnée,hélas ! suit le torrent, 6+6 a
Je me permets d'avoirun avis différent ; 6+6 a
Le talion me fâche,et mon humeur bizarre 6+6 b
Préfère l'ange au tigreet John Brown à Pizarre ; 6+6 b
Je blâme sans pudeurles massacres en grand ; 6+6 a
10 Je ne bois pas de sang ;l'ordre, à l'état flagrant, 6+6 a
Exterminant, hurlant,bavant, tâchant de mordre, 6+6 b
Me semble, à moi songeur,fort semblable au désordre ; 6+6 b
J'assiste sans plaisirà ce hideux tournoi : 6+6 a
Cissey contre Duval,Rigault contre Vinoy. 6+6 a
15 Je hais qu'on joute à quisera le plus féroce ; 6+6 b
Qu'un gueux aille pieds nusou qu'il roule carrosse, 6+6 b
Qu'il soit prince ou goujat,j'ai le très méchant gt 6+6 a
De tout jeter, goujatet prince, au même égout ; 6+6 a
Mon mépris est égalpour la scélératesse 6+6 b
20 Qu'on tutoie et pour celleà qui l'on dit altesse ; 6+6 b
Je crois, s'il faut choisir,que je préfère encor 6+6 a
Le crime teint de boueau crime brodé d'or ; 6+6 a
J'excuse l'ignorant ;je ne crains pas de dire 6+6 b
Que la misère expliqueun accès de délire, 6+6 b
25 Qu'il ne faut pas pousserles gens au désespoir, 6+6 a
Que, si des dictateursfont un forfait bien noir, 6+6 a
L'homme du peuple en estjuste aussi responsable 6+6 b
Que peut l'être d'un coupde vent le grain de sable ; 6+6 b
Le sable, arraché, priset poussé par le vent, 6+6 a
30 Entre dans le simounaffreux, semble vivant, 6+6 a
Brûle et tue, et devientl'atome de l'abîme ; 6+6 b
Il fait la catastropheet le vent fait le crime ; 6+6 b
Le vent c'est le despote.En ces obscurs combats, 6+6 a
S'il faut frapper, frappezen haut, et non en bas. 6+6 a
35 Si Rigault fut chacal,on a tort d'être hyène. 6+6 b
Quoi ! jeter un faubourgde Paris à Cayenne ! 6+6 b
Quoi ! tous ces égarés,en faire des foats ! 6+6 a
Non ! je hais l'Ile-aux-Pinset j'exècre Mazas. 6+6 a
Johannard est cruelet Serisier infâme. 6+6 b
40 Soit. Mais comprenez-vousquelle nuit a dans l'âme 6+6 b
Le travailleur sans painl'été, sans feu l'hiver, 6+6 a
Qui voit son nouveau-népâlir, nu comme un ver, 6+6 a
Qui lutte et souffre avecla faim pour récompense, 6+6 b
Qui ne sait rien, sinonqu'on l'opprime, et qui pense 6+6 b
45 Que détruire un palais,c'est détruire un tyran ? 6+6 a
Que de douleurs ! combiende chômages par an ! 6+6 a
Songez-y, ne peut-ilperdre enfin patience ? 6+6 b
Le croirait-on ? j'écouteen moi la conscience ! 6+6 b
Quand j'entends crier : mort !frappez ! sabrez ! je vais 6+6 a
50 Jusqu'à trouver qu'un meurtreau hasard est mauvais ; 6+6 a
Je m'étonne qu'on puisse,à l'époque nous sommes, 6+6 b
Dans Paris, aller prendreune dizaine d'hommes, 6+6 b
Dire : Ils sont à peu prèsdu quartier qui brûla, 6+6 a
Mitrailler à la hâteen masse tout cela, 6+6 a
55 Et les jeter vivantsou morts dans la chaux vive ; 6+6 b
Je recule devantune fosse plaintive ; 6+6 b
Ils sont là, je le sais,l'un sur l'autre engloutis, 6+6 a
Le mâle et la femelle,hélas ! et les petits ! 6+6 a
Coupables, ignorants,innocents, pêle-mêle ; 6+6 b
60 Autour du noir charniermon âme bat de l'aile. 6+6 b
Si des râles d'enfantsm'appellent dans ce trou, 6+6 a
Je voudrais de la morttirer le froid verrou ; 6+6 a
J'ai par des voix sortantde terre l'âme émue ; 6+6 b
Je n'aime pas sentirsous mes pieds qu'on remue, 6+6 b
65 Et je ne me suis pasencore habitué 6+6 a
A marcher sur les crisd'un homme mal tué ; 6+6 a
C'est pourquoi, moi vaincu,moi proscrit imbécile, 6+6 b
J'offre aux vaincus l'abri,j'offre aux proscrits l'asile, 6+6 b
Je l'offre à tous. A tous !Je suis étrange au point 6+6 a
70 De voir tomber les genssans leur montrer le poing ; 6+6 a
Je suis de ce partidangereux qui fait grâce ; 6+6 b
Et demain j'ouvriraima porte, car tout passe, 6+6 b
A ceux qui sont vainqueursquand ils seront vaincus ; 6+6 a
Je suis pour Cicéronet je suis pour Gracchus ; 6+6 a
75 Il suffit pour me faireindulgent, doux et sombre, 6+6 b
Que je voie une mainsuppliante dans l'ombre ; 6+6 b
Faible, à ceux qui sont fortsj'ose jeter le gant. 6+6 a
Je crie : Ayez pitié !Donc je suis un brigand. 6+6 a
Dehors ce monstre ! il estchez nous ! Il a l'audace 6+6 b
80 De se croire chez lui !d'habiter cette place, 6+6 b
Ce quartier, ce logis,de payer les impôts, 6+6 a
Et de penser qu'il peuty dormir en repos ! 6+6 a
Mais s'il reste, l'Étatcourt des périls, en somme. 6+6 b
Il faut bien vite mettreà la porte cet homme ! 6+6 b
85 Je suis un scélérat.C'est une trahison, 6+6 a
Quand tout le monde est fou,d'invoquer la raison. 6+6 a
Je suis un malfaiteur.Faut-il qu'on vous le prouve ? 6+6 b
Comment ! si je voyaisdans les dents de la louve 6+6 b
Un agneau, je voudraisl'en arracher ! Comment ! 6+6 a
90 Je crois au droit d'asile,au peuple, au Dieu clément ! 6+6 a
Le clergé s'épouvanteet le sénat frissonne. 6+6 b
Horreur ! quoi ! j'ai pour loide n'égorger personne ! 6+6 b
Quoi ! cet homme n'est pasaux vengeances fougueux ! 6+6 a
Il n'a point de colèreet de haine, ce gueux ! 6+6 a
95 Oui, l'accusation,je le confesse, est vraie. 6+6 b
Je voudrais dans le bléne sarcler que l'ivraie ; 6+6 b
Je préfère à la foudreun rayon dans le ciel ; 6+6 a
Pour moi la plaie est malguérie avec du fiel, 6+6 a
Et la fraternitéc'est la grande justice. 6+6 b
100 C'est à qui détruira ;j'aime mieux qu'on bâtisse. 6+6 b
Pour moi la charitévaut toutes les vertus ; 6+6 a
Ceux que puissants on blesse,on les panse abattus ; 6+6 a
La pitié dans l'abîme l'on souffre m'entrne, 6+6 b
Et j'ai cette servanteadorable pour reine ; 6+6 b
105 Je tâche de comprendreafin de pardonner ; 6+6 a
Je veux qu'on examineavant d'exterminer ; 6+6 a
Un feu de pelotonpour résoudre un problème 6+6 b
Me déplt. Fusillerun petit gaon blême, 6+6 b
A quoi bon ? Je voudraisqu'à l'école on l'admît, 6+6 a
110 Hélas ! et qu'il vécût !— Là-dessus on frémit. 6+6 a
Ces opinions-làjamais ne se tolèrent ! 6+6 b
« Et, pour comble d'effroi,les animaux parlèrent*. » 6+6 b
Un monsieur Ribeaucourtm'appelle individu. 6+6 a
Autre preuve. Une nuit,vers mon toit éperdu, 6+6 a
115 Une horde, poussantdes hurlements infâmes, 6+6 b
Accourt, et deux enfantstout petits, quatre femmes, 6+6 b
Sous les pierres, les crisde mort, l'horreur, l'effroi, 6+6 a
Se réveillent… — Qui doncest le bandit ? C'est moi. 6+6 a
Certes !
Le jour d'après,devant mon seuil éparse, 6+6 b
120 Une foule en gants blancsvient rire de la farce, 6+6 b
En criant : — C'est trop peu !Qu'on rase la maison ! 6+6 a
Qu'on y mette le feu !— Cette foule a raison. 6+6 a
Il faut tuer celuiqui ne veut pas qu'on tue ; 6+6 b
C'est juste. Le bon ordreexige une battue 6+6 b
125 Contre cet assassinplus noir qu'il n'en a l'air ; 6+6 a
Et puisqu'on veut brûlerma maison, il est clair 6+6 a
Que j'ai brûlé le Louvre ;et je suis l'étincelle 6+6 b
Qui dévore Parisen restant à Bruxelle. 6+6 b
Honneur à Mouraviefet gloire à Galifet ! 6+6 a
130 On me lapide et l'onm'exile. C'est bien fait. 6+6 a
O beauté de l'aurore !ô majesté de l'astre ! 6+6 b
Gibelin contre Guelfe,Yorck contre Lancastre, 6+6 b
Capulet, Montaigu,qu'importe ! que me font 6+6 a
Leurs cris, puisque voilàle firmament profond ! 6+6 a
135 Âme, on a de la placeaux vtes éternelles. 6+6 b
Le sol manque à nos pieds,non l'azur à nos ailes. 6+6 b
Le despote est partoutsur terre, atroce et laid, 6+6 a
Mtre par un profitet par l'autre valet ; 6+6 a
Mais l'aube est pure, l'airest bon, l'abîme est libre ; 6+6 b
140 L'immense équité sortde l'immense équilibre ; 6+6 b
Évadons-nous là-haut !et vivons ! Le songeur 6+6 a
Se plonge, ô ciel sublime,en ta chaste rougeur ; 6+6 a
Dans ta pudeur sacrée,Ombre, il se réfugie. 6+6 b
Dieu créa le banquetdont l'homme a fait l'orgie. 6+6 b
145 Le penseur hait la fêteaffreuse des tyrans. 6+6 a
Il voit Dieu calme au fonddes gouffres transparents, 6+6 a
Et, saignant, pâle, aprèsles épreuves sans nombre, 6+6 b
Se sent le bienvenudans la profondeur sombre. 6+6 b
Il va. Sa conscienceest là, rien ne dément 6+6 a
150 Cette boussole ayantl'idéal pour aimant ; 6+6 a
Plus de frontière, plusd'obstacle, plus de borne ; 6+6 b
Il plane. En vain sur luila Fatalité morne 6+6 b
Tend son filet sinistre dans les hideux fils 6+6 a
Se croisent les douleurs,les haines, les exils, 6+6 a
155 Il ne se plaint pas. Fierdevant la tourbe immonde, 6+6 b
Il rit puisque le ciels'offre à qui perd le monde, 6+6 b
Puisqu'il a pour abricette hospitalité ; 6+6 a
Et puisqu'il peut, ô joie !ô gouffre ! ô liberté ! 6+6 a
Domptant le sort, bravantle mal, peant les voiles, 6+6 b
160 Par les hommes chassé,s'enfuir dans les étoiles ! 6+6 b
Delille, Géorgiques : Pecudesque locutae.
mètre profil métrique : 6+6
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