Métrique en Ligne
HUG_9/HUG736
Victor HUGO
L'année terrible
1872
AVRIL
VI
Le penseur est lugubre au fond des solitudes. 6+6 a
Ce n'est plus l'esprit calme aux graves attitudes ; 6+6 a
Les éclairs indignés dans sa prunelle ont lui ; 6+6 b
Il n'est plus libre, il a de la colère en lui ; 6+6 b
5 Il est le prisonnier sinistre de la haine. 6+6 a
Lui, ce frère apaisant l'homme dans sa géhenne, 6+6 a
Lui, dont la vie en flots d'amour se répandit, 6+6 b
Lui le consolateur, le voilà qui maudit ! 6+6 b
Lui qui croyait n'avoir jamais d'autre souffrance 6+6 a
10 Que tout le genre humain, il souffre dans la France ; 6+6 a
Il reconnaît qu'il est sur terre un coin sacré, 6+6 b
La patrie, et cher, même au cœur démesuré, 6+6 b
Et que l'âme du sage est quelquefois amère, 6+6 a
Et qu'il redevient fils s'il voit saigner sa mère. 6+6 a
15 Certe, il ne sera pas toujours désespéré. 6+6 b
Un jour dans son regard reviendront par degré 6+6 b
Les augustes rayons de l'aube après l'éclipse ; 6+6 a
On verra, certe, après l'infâme apoca1ypse, 6+6 a
Reparaître sur lui lentement les blancheurs 6+6 b
20 Que Dieu fait dans la nuit poindre au front des chercheurs, 6+6 b
Et que de loin envoie à l'homme, au gouffre, au bagne, 6+6 a
Le grand astre caché derrière la montagne, 6+6 a
Oui, la paix renaîtra. Les peuples s'aimeront. 6+6 b
En attendant, il gronde et médite. L'affront 6+6 b
25 Est une majesté de plus pour ce génie. 6+6 a
Il a des flamboiements de fureur infinie ; 6+6 a
Fauve, il menace. Arrière, union, joie, amour ! 6+6 b
On doit la paix au cygne et la guerre au vautour. 6+6 b
Est-ce qu'on ne voit pas qu'il pleure sa patrie ? 6+6 a
30 Il jette aux vents sa strophe irritée et meurtrie ; 6+6 a
Par moments il regarde au loin, l'œil plein d'ennui ; 6+6 b
On dirait qu'il fait fuir des monstres devant lui 6+6 b
Avec une secousse énorme de crinière ; 6+6 a
Il semble un spectre errant qui n'a plus de tanière ; 6+6 a
35 Son pied heurte inquiet le sol traître et peu sûr. 6+6 b
Deuil ! la nuit sans étoile et le ciel sans azur ; 6+6 b
L'Europe aux fers ; au lieu de la France, une morte. 6+6 a
La lumière est vaincue et le néant l'emporte ; 6+6 a
L'avenir se dédit, la gloire se dément ; 6+6 b
40 Plus d'honneur, plus de foi, plus rien ; l'abaissement, 6+6 b
L'oubli, l'opprobre, un flot de lâcheté qui monte. 6+6 a
Il sent l'âpre aiguillon de toute cette honte ; 6+6 a
L'allure du blessé redoutable lui sied. 6+6 b
Ce lion boite ayant cette épine à son pied. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 22((aa))
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