Métrique en Ligne
HUG_9/HUG702
Victor HUGO
L'année terrible
1872
DÉCEMBRE
IV
AU CANON LE V. H.
Écoute-moi, ton tour viendra d'être écouté. 6+6 a
O canon, ô tonnerre, ô guerrier redouté, 6+6 a
Dragon plein de colère et d'ombre, dont la bouche 6+6 b
Mêle aux rugissements une flamme farouche, 6+6 b
5 Pesant colosse auquel s'amalgame l'éclair, 6+6 a
Toi qui disperseras l'aveugle mort dans l'air, 6+6 a
Je te bénis. Tu vas défendre cette ville. 6+6 b
O canon, sois muet dans la guerre civile, 6+6 b
Mais veille du côté de l'étranger. Hier 6+6 a
10 Tu sortis de la forge épouvantable et fier ; 6+6 a
Les femmes te suivaient. Qu'il est beau ! disaient-elles. 6+6 b
Car les Cimbres sont là. Leurs victoires sont telles 6+6 b
Qu'il en sort de la honte, et Paris fait de loin 6+6 a
Signe aux princes qu'il prend les peuples à témoin. 6+6 a
15 La lutte nous attend ; viens, ô mon fils étrange, 6+6 b
Doublons-nous l'un par l'autre, et faisons un échange, 6+6 b
Et mets, ô noir vengeur, combattant souverain, 6+6 a
Ton bronze dans mon cœur, mon âme en ton airain. 6+6 a
O canon, tu seras bientôt sur la muraille. 6+6 b
20 Avec ton caisson plein de boîtes à mitraille, 6+6 b
Sautant sur le pavé, traîné par huit chevaux, 6+6 a
Au milieu d'une foule éclatant en bravos, 6+6 a
Tu t'en iras, parmi les croulantes masures, 6+6 b
Prendre ta place altière aux grandes embrasures 6+6 b
25 Où Paris indigné se dresse, sabre au poing. 6+6 a
Là ne t'endors jamais et ne t'apaise point. 6+6 a
Et, puisque je suis l'homme essayant sur la terre 6+6 b
Toutes les guérisons par l'indulgence austère, 6+6 b
Puisque je suis parmi les vivants en rumeur, 6+6 a
30 Au forum ou du haut de l'exil, le semeur 6+6 a
De la paix à travers l'immense guerre humaine, 6+6 b
Puisque vers le grand but où Dieu clément nous mène, 6+6 b
J'ai, triste ou souriant, toujours le doigt levé, 6+6 a
Puisque j'ai, moi, songeur par les deuils éprouvé, 6+6 a
35 L'amour pour évangile et l'union pour bible, 6+6 b
Toi qui portes mon nom, ô monstre, sois terrible ! 6+6 b
Car l'amour devient haine en présence du mal ; 6+6 a
Car l'homme esprit ne peut subir l'homme animal, 6+6 a
Et la France ne peut subir la barbarie ; 6+6 b
40 Car l'idéal sublime est la grande patrie ; 6+6 b
Et jamais le devoir ne fut plus évident 6+6 a
De faire obstacle au flot sauvage débordant, 6+6 a
Et de mettre Paris, l'Europe qu'il transforme, 6+6 b
Les peuples, sous l'abri d'une défense énorme ; 6+6 b
45 Car si ce roi teuton n'était pas châtié, 6+6 a
Tout ce que l'homme appelle espoir, progrès, pitié, 6+6 a
Fraternité, fuirait de la terre sans joie ; 6+6 b
Car César est le tigre et le peuple est la proie, 6+6 b
Et qui combat la France attaque l'avenir ; 6+6 a
50 Car il faut élever, lorsqu'on entend hennir 6+6 a
Le cheval d'Attila dans l'ombre formidable, 6+6 b
Autour de l'âme humaine un mur inabordable, 6+6 b
Et Rome, pour sauver l'univers du néant, 6+6 a
Doit être une déesse, et Paris un géant ! 6+6 a
55 C'est pourquoi des canons que la lyre a fait naître, 6+6 b
Que la strophe azurée enfanta, doivent être 6+6 b
Braqués, gueule béante, au-dessus du fossé ; 6+6 a
C'est pourquoi le penseur frémissant est forcé 6+6 a
D'employer la lumière à des choses sinistres ; 6+6 b
60 Devant les rois, devant le mal et ses ministres, 6+6 b
Devant ce grand besoin du monde, être sauvé, 6+6 a
Il sait qu'il doit combattre après avoir rêvé ; 6+6 a
Il sait qu'il faut lutter, frapper, vaincre, dissoudre, 6+6 b
Et d'un rayon d'aurore il fait un coup de foudre. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 32((aa))
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