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HUG_9/HUG687
Victor HUGO
L'année terrible
1872
OCTOBRE
II
Et voilà donc les jours tragiques revenus ! 6+6 a
On dirait, à voir tant de signes inconnus, 6+6 a
Que pour les nations commence une autre hégire. 6+6 b
Pâle Alighieri, toi, frère de Cynégire, 6+6 b
5 O sévères témoins, ô justiciers égaux, 6+6 a
Penchés, l'un sur Florence et l'autre sur Argos, 6+6 a
Vous qui fîtes, esprits sur qui l'aigle se pose, 6+6 b
Ces livres redoutés où l'on sent quelque chose 6+6 b
De ce qui gronde et luit derrière l'horizon, 6+6 a
10 Vous que le genre humain lit avec un frisson, 6+6 a
Songeurs qui pouvez dire en vos tombeaux : nous sommes, 6+6 b
Dieux par le tremblement mystérieux des hommes ! 6+6 b
Dante, Eschyle, écoutez et regardez.
Ces rois 6+6 a
Sous leur large couronne ont des fronts trop étroits. 6+6 a
15 Vous les dédaigneriez. Ils n'ont pas la stature 6+6 b
De ceux que votre vers formidable torture, 6+6 b
Ni du chef argien, ni du baron pisan ; 6+6 a
Mais ils sont monstrueux pourtant, convenez-en. 6+6 a
Des premiers rois venus ils ont l'aspect vulgaire ; 6+6 b
20 Mais ils viennent avec des légions de guerre. 6+6 b
Ils poussent sur Paris les sept peuples saxons. 6+6 a
Hideux, casqués, dorés, tatoués de blasons, 6+6 a
Il faut que chacun d'eux de meurtre se repaisse ; 6+6 b
Chacun de ces rois prend pour emblème une espèce 6+6 b
25 De bête fauve et fait luire à son morion 6+6 a
La chimère d'un rude et morne alérion, 6+6 a
Ou quelque impur dragon agitant sa crinière ; 6+6 b
Et le grand chef arbore à sa haute bannière, 6+6 b
Teinte des deux reflets du tombeau tour à tour, 6+6 a
30 Un aigle étrange, blanc la nuit et noir le jour. 6+6 a
Avec eux, à grand bruit, et sous toutes les formes, 6+6 b
Krupps, bombardes, canons, mitrailleuses énormes, 6+6 b
Ils traînent sous ce mur qu'ils nomment ennemi 6+6 a
Le bronze, ce muet, cet esclave endormi, 6+6 a
35 Qui, tout à coup hurlant lorsqu'on le démusèle, 6+6 b
Est pris d'on ne sait quel épouvantable zèle 6+6 b
Et se met à détruire une ville, sans frein, 6+6 a
Sans trêve, avec la joie horrible de l'airain, 6+6 a
Comme s'il se vengeait, sur ces tours abattues, 6+6 b
40 D'être employé par l'homme à d'infâmes statues ; 6+6 b
Et comme s'il disait : Peuple, contemple en moi 6+6 a
Le monstre avec lequel tu fais ensuite un roi ! 6+6 a
Tout tremble, et les sept chefs dans la haine s'unissent. 6+6 b
Ils sont là, menaçant Paris. Ils le punissent. 6+6 b
45 De quoi ? D'être la France et d'être l'univers, 6+6 a
De briller au-dessus des gouffres entr'ouverts, 6+6 a
D'être un bras de géant tenant une poignée 6+6 b
De rayons, dont l'Europe est à jamais baignée ; 6+6 b
Ils punissent Paris d'être la liberté ; 6+6 a
50 Ils punissent Paris d'être cette ci 6+6 a
Où Danton gronde, où luit Molière, où rit Voltaire ; 6+6 b
Ils punissent Paris d'être âme de la terre, 6+6 b
D'être ce qui devient de plus en plus vivant, 6+6 a
Le grand flambeau profond que n'éteint aucun vent, 6+6 a
55 L'idée en feu perçant ce nuage, le nombre, 6+6 b
Le croissant du progrès clair au fond du ciel sombre ; 6+6 b
Ils punissent Paris de dénoncer l'erreur, 6+6 a
D'être l'avertisseur et d'être l'éclaireur, 6+6 a
De montrer sous leur gloire affreuse un cimetière, 6+6 b
60 D'abolir l'échafaud, le trône, la frontière, 6+6 b
La borne, le combat, l'obstacle, le fossé, 6+6 a
Et d'être l'avenir quand ils sont le passé. 6+6 a
Et ce n'est pas leur faute ; ils sont les forces noires. 6+6 b
Ils suivent dans la nuit toutes les sombres gloires, 6+6 b
65 Caïn, Nemrod, Rhamsés, Cyrus, Gengis, Timour. 6+6 a
Ils combattent le droit, la lumière, l'amour. 6+6 a
Ils voudraient être grands et ne sont que difformes. 6+6 b
Terre, ils ne veulent pas qu'heureuse, tu t'endormes 6+6 b
Dans les bras de la paix sacrée, et dans l'hymen 6+6 a
70 De la clarté divine avec l'esprit humain. 6+6 a
Ils condamnent le frère à dévorer le frère, 6+6 b
Le peuple à massacrer le peuple, et leur misère 6+6 b
C'est d'être tout-puissants et que tous leurs instincts 6+6 a
Allumés pour l'enfer, soient pour le ciel éteints. 6+6 a
75 Rois hideux ! On verra, certe, avant que leur âme 6+6 b
Renonce à la tuerie, au glaive, au meurtre infâme, 6+6 b
Aux clairons, au cheval de guerre qui hennit, 6+6 a
L'oiseau ne plus savoir le chemin de son nid, 6+6 a
Le tigre épris du cygne, et l'abeille oublieuse 6+6 b
80 De sa ruche sauvage au creux noir de l'yeuse. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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