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HUG_9/HUG681
Victor HUGO
L'année terrible
1872
SEPTEMBRE
I
CHOIX ENTRE LES DEUX NATIONS
À L'ALLEMAGNE
Aucune nation n'est plus grande que toi ; 6+6 a
Jadis, toute la terre étant un lieu d'effroi, 6+6 a
Parmi les peuples forts tu fus le peuple juste. 6+6 b
Une tiare d'ombre est sur ton front auguste ; 6+6 b
5 Et pourtant comme l'Inde, aux aspects fabuleux, 6+6 a
Tu brilles ; ô pays des hommes aux yeux bleus, 6+6 a
Clarté hautaine au fond ténébreux de l'Europe, 6+6 b
Une gloire âpre, informe, immense, t'enveloppe ; 6+6 b
Ton phare est allumé sur le mont des Géants ; 6+6 a
10 Comme l'aigle de mer qui change d'océans, 6+6 a
Tu passas tour à tour d'une grandeur à l'autre ; 6+6 b
Huss le sage a suivi Crescentius l'apôtre ; 6+6 b
Barberousse chez toi n'empêche pas Schiller ; 6+6 a
L'empereur, ce sommet, craint l'esprit, cet éclair. 6+6 a
15 Non, rien ici-bas, rien ne t'éclipse, Allemagne. 6+6 b
Ton Vitikind tient tête à notre Charlemagne, 6+6 b
Et Charlemagne même est un peu ton soldat. 6+6 a
Il semblait par moments qu'un astre te guidât ; 6+6 a
Et les peuples t'ont vue, ô guerrière féconde, 6+6 b
20 Rebelle au double joug qui pèse sur le monde, 6+6 b
Dresser, portant l'aurore entre tes poings de fer, 6+6 a
Contre César Hermann, contre Pierre Luther. 6+6 a
Longtemps, comme le chêne offrant ses bras au lierre, 6+6 b
Du vieux droit des vaincus tu fus la chevalière ; 6+6 b
25 Comme on mêle l'argent et le plomb dans l'airain, 6+6 a
Tu sus fondre en un peuple unique et souverain 6+6 a
Vingt peuplades, le Hun, le Dace, le Sicambre ; 6+6 b
Le Rhin te donne l'or et la Baltique l'ambre ; 6+6 b
La musique est ton souffle ; âme, harmonie, encens, 6+6 a
30 Elle fait alterner dans tes hymnes puissants 6+6 a
Le cri de l'aigle avec le chant de l'alouette ; 6+6 b
On croit voir sur tes burgs croulants la silhouette 6+6 b
De l'hydre et du guerrier vaguement aperçus 6+6 a
Dans la montagne, avec le tonnerre au-dessus ; 6+6 a
35 Rien n'est frais et charmant comme tes plaines vertes ; 6+6 b
Les brèches de la brume aux rayons sont ouvertes, 6+6 b
Le hameau dort, groupé sous l'aile du manoir, 6+6 a
Et la vierge, accoudée aux citernes le soir, 6+6 a
Blonde, a la ressemblance adorable des anges. 6+6 b
40 Comme un temple exhaussé sur des piliers étranges 6+6 b
L'Allemagne est debout sur vingt siècles hideux, 6+6 a
Et sa splendeur qui sort de leurs ombres, vient d'eux. 6+6 a
Elle a plus de héros que l'Athos n'a de cimes. 6+6 b
La Teutonie, au seuil des nuages sublimes 6+6 b
45 Où l'étoile est mêlée à la foudre, apparaît ; 6+6 a
Ses piques dans la nuit sont comme une forêt ; 6+6 a
Au-dessus de sa tête un clairon de victoire 6+6 b
S'allonge, et sa légende égale son histoire ; 6+6 b
Dans la Thuringe, où Thor tient sa lance en arrêt, 6+6 a
50 Ganna, la druidesse échevelée, errait ; 6+6 a
Sous les fleuves, dont l'eau roulait de vagues flammes, 6+6 b
Les sirènes chantaient, monstres aux seins de femmes, 6+6 b
Et le Harz que hantait Velléda, le Taunus 6+6 a
Où Spillyre essuyait dans l'herbe ses pieds nus, 6+6 a
55 Ont encor toute l'âpre et divine tristesse 6+6 b
Que laisse dans les bois profonds la prophétesse ; 6+6 b
La nuit, la Forêt-Noire est un sinistre éden ; 6+6 a
Le clair de lune, aux bords du Neckar, fait soudain 6+6 a
Sonores et vivants les arbres pleins de fées. 6+6 b
60 O Teutons, vos tombeaux ont des airs de trophées ; 6+6 b
Vos aïeux n'ont semé que de grands ossements ; 6+6 a
Vos lauriers sont partout ; soyez fiers, Allemands. 6+6 a
Le seul pied des titans chausse votre sandale. 6+6 b
Tatouage éclatant, la gloire féodale 6+6 b
65 Dore vos morions, blasonne vos écus ; 6+6 a
Comme Rome Coclès vous avez Galgacus, 6+6 a
Vous avez Beethoven comme la Grèce Homère ; 6+6 b
L'Allemagne est puissante et superbe.
À LA FRANCE
Ô ma mère ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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