Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_8/HUG92
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
BALLADES
1823-1828
BALLADE CINQUIÈME
LE GÉANT
Les nuées du ciel elles-mêmes craignent que je ne
vienne chercher mes ennemis dans leur sein…
MOTTENABBI.
Ô guerriers ! je suis né dans le pays des Gaules. 6+6 a
Mes aïeux franchissaient le Rhin comme un ruisseau, 6+6 b
Ma mère me baigna dans la neige des pôles 6+6 a
Tout enfant, et mon père, aux robustes épaules, 6+6 a
5 De trois grandes peaux d'ours décora mon berceau. 6+6 b
Car mon père était fort ! L'âge à présent l'enchaîne. 6+6 a
De son front tout ridé tombent ses cheveux blancs. 6+6 b
Il est faible ; il est vieux. Sa fin est si prochaine, 6+6 a
Qu'à peine il peut encor déraciner un chêne 6+6 a
10 Pour soutenir ses pas tremblants ! 8 b
C'est moi qui le remplace ! et j'ai sa javeline, 6+6 a
Ses bœufs, son arc de fer, ses haches, ses colliers ; 6+6 b
Moi ! qui peux, succédant au vieillard qui décline, 6+6 a
Les pieds dans le vallon, m'asseoir sur la colline, 6+6 a
15 Et de mon souffle au loin courber les peupliers ! 6+6 b
À peine adolescent, sur les Alpes sauvages, 6+6 a
De rochers en rochers je m'ouvrais des chemins ; 6+6 b
Ma tête ainsi qu'un mont arrêtait les nuages ; 6+6 a
Et souvent, dans les cieux épiant leurs passages, 6+6 a
20 J'ai pris des aigles dans mes mains ! 8 b
Je combattais l'orage, et ma bruyante haleine 6+6 a
Dans leur vol anguleux éteignait les éclairs ; 6+6 b
Ou, joyeux, devant moi chassant quelque baleine, 6+6 a
L'océan à mes pas ouvrait sa vaste plaine, 6+6 a
25 Et mieux que l'ouragan mes jeux troublaient les mers ! 6+6 b
J'errais, je poursuivais d'une atteinte trop sûre 6+6 a
Le requin dans les flots, dans les airs l'épervier ; 6+6 b
L'ours, étreint dans mes bras, expirait sans blessure, 6+6 a
Et j'ai souvent, l'hiver, brisé dans leur morsure 6+6 a
30 Les dents blanches du loup-cervier ! 8 b
Ces plaisirs enfantins pour moi n'ont plus de charmes. 6+6 a
J'aime aujourd'hui la guerre et son mâle appareil, 6+6 b
Les malédictions des familles en larmes, 6+6 a
Les camps, et le soldat, bondissant dans ses armes, 6+6 a
35 Qui vient du cri d'alarme égayer mon réveil ! 6+6 b
Dans la poudre et le sang, quand l'ardente Mêlée 6+6 a
Broie et roule une armée en bruyants tourbillons, 6+6 b
Je me lève, je suis sa course échevelée, 6+6 a
Et, comme un cormoran fond sur l'onde troublée, 6+6 a
40 Je plonge dans les bataillons ! 8 b
Ainsi qu'un moissonneur parmi des gerbes mûres, 6+6 a
Dans les rangs écrasés, seul debout, j'apparais. 6+6 b
Leurs clameurs dans ma voix se perdent en murmures ; 6+6 a
Et mon poing désarmé martèle les armures 6+6 a
45 Mieux qu'un chêne noueux choisi dans les forêts. 6+6 b
Je marche toujours nu. Ma valeur souveraine 6+6 a
Rit des soldats de fer dont vos camps sont peuplés. 6+6 b
Je n'emporte au combat que ma pique de frêne, 6+6 a
Et ce casque léger que traîneraient sans peine 6+6 a
50 Dix taureaux au joug accouplés. 8 b
Sans assiéger les forts d'échelles inutiles, 6+6 a
Des chaînes de leurs ponts je brise les anneaux. 6+6 b
Mieux qu'un bélier d'airain je bats leurs murs fragiles. 6+6 a
Je lutte corps à corps avec les tours des villes. 6+6 a
55 Pour combler les fossés j'arrache les créneaux. 6+6 b
Ô ! quand mon tour viendra de suivre mes victimes, 6+6 a
Guerriers ! ne laissez pas ma dépouille au corbeau ; 6+6 b
Ensevélissez-moi parmi des monts sublimes, 6+6 a
Afin que l'étranger cherche en voyant leurs cimes 6+6 a
60 Quelle montagne est mon tombeau ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université