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HUG_8/HUG91
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
BALLADES
1823-1828
BALLADE QUATRIÈME
À TRILBY, LE LUTIN D'ARGAIL
À vous, ombre légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement esbranlez ;

J'offre ces violettes,
Ces lys et ces fleurettes.
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraischement escloses
Et ces œillets aussi.
Vieille chanson.
C'est toi, Lutin ! — Qui t'amène ? 7 a
Sur ce rayon du couchant 7 b
Es-tu venu ? Ton haleine 7 a
Me caresse en me touchant ! 7 b
5 À mes yeux tu te révèles. 7 c
Tu m'inondes d'étincelles ! 7 c
Et tes frémissantes ailes 7 c
Ont un bruit doux comme un chant. 7 b
Ta voix, de soupirs mêlée, 7 a
10 M'apporte un accent connu. 7 b
Dans ma cellule isolée, 7 a
Beau Trilby, sois bienvenu ! 7 b
Ma demeure hospitalière 7 c
N'a point d'humble batelière 7 c
15 Dont ta bouche familière 7 c
Baise le sein demi-nu ! 7 b
Viens-tu, dans l'âtre perfide, 7 a
Chercher mon Follet qui fuit, 7 b
Et ma Fée et ma Sylphide, 7 a
20 Qui me visitent sans bruit, 7 b
Et m'apportent, empressées, 7 c
Sur leurs ailes nuancées, 7 c
Le jour de douces pensées, 7 c
Et de doux rêves la nuit ! 7 b
25 Viens-tu pas voir mes Ondines 7 a
Ceintes d'algue et de glaïeul ? 7 b
Mes Nains, dont les voix badines 7 a
N'osent parler qu'à moi seul ? 7 b
Viens-tu réveiller mes Gnomes ? 7 c
30 Poursuivre en l'air les atomes, 7 c
Et lutiner mes Fantômes 7 c
En jouant dans leur linceul ? 7 b
Hélas ! fuis ! — Ces lieux que j'aime 7 a
N'ont plus ces hôtes chéris ! 7 b
35 Des cruels à l'anathème 7 a
Ont livré tous mes Esprits ! 7 b
Mon Ondine est étouffée ; 7 c
Et comme un double trophée, 7 c
Leurs mains ont cloué ma Fée 7 c
40 Près de ma Chauve-Souris ! 7 b
Mes Spectres, mes Nains si frêles, 7 a
Quand leur courroux gronde encor, 7 b
N'osent plus sur les tourelles 7 a
S'appeler au son du cor ; 7 b
45 Ma cour magique, en alarmes, 7 c
A fui leurs pesantes armes ; 7 c
Ils ont de mon Sylphe en larmes 7 c
Arraché les ailes d'or ! 7 b
Toi-même, crains leur tonnerre, 7 a
50 Crains un combat inégal, 7 b
Plus que la voix centenaire 7 a
Qui jadis vengea Dougal, 7 b
Dont la cabane fumeuse 7 c
Voit, durant la nuit brumeuse, 7 c
55 Sur une roche écumeuse, 7 c
S'asseoir l'ombre de Fingal ! 7 b
Celui qui de ta montagne 7 a
T'a rapporté dans nos champs, 7 b
Eut comme toi pour compagne 7 a
60 L'Espérance aux vœux touchants. 7 b
Longtemps la France, sa mère, 7 c
Vit fuir sa jeunesse amère 7 c
Dans l'exil, où comme Homère, 7 c
Il n'emportait que ses chants ! 7 b
65 À la fois triste et sublime, 7 a
Grave en son vol gracieux, 7 b
Le Poète aime l'abîme 7 a
Où fuit l'aigle audacieux, 7 b
Le parfum des fleurs mourantes, 7 c
70 L'or des comètes errantes, 7 c
Et les cloches murmurantes 7 c
Qui se plaignent dans les cieux ! 7 b
Il aime un désert sauvage 7 a
Où rien ne borne ses pas ; 7 b
75 Son cœur, pour fuir l'esclavage, 7 a
Vit plus loin que le trépas. 7 b
Quand l'opprimé le réclame, 7 c
Des peuples il devient l'âme ; 7 c
Il est pour eux une flamme 7 c
80 Que le tyran n'éteint pas. 7 b
Tel est Nodier, le poète ! — 7 a
Va, dis à ce noble ami 7 b
Que ma tendresse inquiète 7 a
De tes périls a frémi ; 7 b
85 Dis-lui bien qu'il te surveille ; 7 a
De tes jeux charme sa veille, 7 a
Enfant ! Et lorsqu'il sommeille, 7 a
Dors sur son front endormi ! 7 a
N'erre pas à l'aventure ! 7 b
90 Car on en veut aux Trilbys. 7 a
Crains les maux et la torture 7 b
Que mon doux Sylphe a subis. 7 a
S'ils te prenaient, quelle gloire ! 7 b
Ils souilleraient d'encre noire, 7 b
95 Hélas ! ton manteau de moire, 7 b
Ton aigrette de rubis ! 7 a
Ou, pour danser avec Faune, 7 a
Contraignant tes pas tremblants, 7 b
Leurs Satyres au pied jaune, 7 a
100 Leurs vieux Sylvains pétulants 7 b
Joindraient tes mains enchaînées 7 c
Aux vieilles mains décharnées 7 c
De leurs Naïades fanées, 7 c
Mortes depuis deux mille ans ! 7 b
mètre profil métrique : 7
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