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F = "e" féminin
| = césure
HUG_8/HUG89
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
BALLADES
1823-1828
BALLADE DEUXIÈME
LE SYLPHE
Le vent, le froid et l'orage
Contre l'enfant faisaient rage.
— Ouvrez, dit-il, je suis nu !
LA FONTAINE, Imitation d'Anacréon.
« Toi, qu'en ces murs, pareille | aux rêveuses Sylphides, 6+6 a
Ce vitrage éclairé | montre à mes yeux avides, 6+6 a
Jeune fille, ouvre-moi ! | Voici la nuit, j 'ai peur, 6+6 b
La nuit, qui, peuplant l'air | de figures livides, 6+6 a
5 Donne aux âmes des morts | des robes de vapeur ! 6+6 b
« Vierge, je ne suis point | de ces pèlerins sages 6+6 a
Qui font de longs récits | après de longs voyages ; 6+6 a
Ni de ces paladins, | qu'aime et craint la beauté, 6+6 b
Dont le cor, éveillant | les varlets et les pages, 6+6 a
10 Porte un appel de guerre | à l'hospitalité. 6+6 b
« Je n'ai ni lourd bâton, | ni lance redoutée, 6+6 a
Point de longs cheveux noirs, | point de barbe argentée, 6+6 a
Ni d'humble chapelet, | ni de glaive vainqueur. 6+6 b
Mon souffle, dont une herbe | est à peine agitée, 6+6 a
15 N'arrache au cor des preux | qu'un murmure moqueur. 6+6 b
« Je suis l'enfant de l'air, | un sylphe, moins qu'un rêve, 6+6 a
Fils du printemps qui naît, | du matin qui se lève, 6+6 a
L'hôte du clair foyer, | durant les nuits d'hiver, 6+6 b
L'esprit que la lumière | à la rosée enlève, 6+6 a
20 Diaphane habitant | de l'invisible éther. 6+6 b
« Ce soir un couple heureux, | d'une voix solennelle, 6+6 a
Parlait tout bas d'amour | et de flamme éternelle. 6+6 a
J'entendais tout ; près d'eux | je m'étais arrêté 6+6 b
Ils ont dans un baiser | pris le bout de mon aile, 6+6 a
25 Et la nuit est venue | avant ma liberté. 6+6 b
« Hélas ! il est trop tard | pour rentrer dans ma rose ! 6+6 a
Châtelaine, ouvre-moi, | car ma demeure est close. 6+6 a
Recueille un fils du jour, | égaré dans la nuit ; 6+6 b
Permets, jusqu'à demain, | qu'en ton lit je repose ; 6+6 a
30 Je tiendrai peu de place | et ferai peu de bruit. 6+6 b
« Mes frères ont suivi | la lumière éclipsée, 6+6 a
Ou les larmes du soir | dont l'herbe est arrosée ; 6+6 a
Les lys leur ont ouvert | leurs calices de miel ; 6+6 b
Où fuir ?… Je ne vois plus | de gouttes de rosée, 6+6 a
35 Plus de fleurs dans les champs ! | plus de rayons au ciel ! 6+6 b
« Damoiselle, entends-moi, | de peur que la Nuit sombre, 6+6 a
Comme en un grand filet, | ne me prenne en son ombre, 6+6 a
Parmi les spectres blancs | et les fantômes noirs, 6+6 b
Les démons, dont l'enfer | même ignore le nombre, 6+6 a
40 Les hiboux du sépulcre | et l'autour des manoirs ! 6+6 b
« Voici l'heure où les morts | dansent d'un pied débile. 6+6 a
La lune au pâle front | les regarde, immobile ; 6+6 a
Et le hideux vampire, | ô comble de frayeur ! 6+6 b
Soulevant d'un bras fort | une pierre inutile, 6+6 a
45 Traîne en sa tombe ouverte | un tremblant fossoyeur. 6+6 b
« Bientôt, nains monstrueux, | noirs de poudre et de cendre, 6+6 a
Dans leur gouffre sans fond | les Gnomes vont descendre. 6+6 a
Le follet fantastique | erre sur les roseaux. 6+6 b
Au frais Ondin s'unit | l'ardente Salamandre, 6+6 a
50 Et de bleuâtres feux | se croisent sur les eaux. 6+6 b
« Oh !… Si pour amuser | son ennui taciturne, 6+6 a
Un mort, parmi ses os, | m'enfermait dans son urne ! 6+6 a
Si quelque nécromant, | riant de mon effroi, 6+6 b
Dans la tour, d'où minuit | lève sa voix nocturne, 6+6 a
55 Liait mon vol paisible | au sinistre beffroi ! 6+6 b
« Que ta fenêtre s'ouvre ! |… Ah ! si tu me repousses, 6+6 a
Il me faudra chercher | quelques vieux nids de mousses, 6+6 a
À des lézards troublés | livrer de grands combats… 6+6 b
Ouvre !… mes yeux sont purs, | mes paroles sont douces 6+6 a
60 Comme ce qu'à sa belle | un amant dit tout bas. 6+6 b
« Et je suis si joli ! | Si tu voyais mes ailes 6+6 a
Trembler aux feux du jour, | transparentes et frêles !… 6+6 a
J'ai la blancheur des lys | où, le soir, nous fuyons ; 6+6 b
Et les roses, nos sœurs, | se disputent entr'elles 6+6 a
65 Mon souffle de parfums | et mon corps de rayons. 6+6 b
« Je veux qu'un rêve heureux | te révèle ma gloire. 6+6 a
Près de moi (ma Sylphide | en garde la mémoire), 6+6 a
Les papillons sont lourds, | les colibris sont laids, 6+6 b
Quand, roi vêtu d'azur, | et de nacre et de moire, 6+6 a
70 Je vais de fleurs en fleurs | visiter mes palais. 6+6 b
« J'ai froid : l'ombre me glace, | et vainement je pleure. 6+6 a
Si je pouvais t'offrir, | pour m'ouvrir ta demeure, 6+6 a
Ma goutte de rosée | ou mes corolles d'or ! 6+6 b
Mais non : je n'ai plus rien, | il faudra que je meure. 6+6 a
75 Chaque soleil me donne | et me prend mon trésor. 6+6 b
« Que veux-tu qu'en dormant | je t'apporte en échange ? 6+6 a
L'écharpe d'une fée, | ou le voile d'un ange ?… 6+6 a
J'embellirai ta nuit | des prestiges du jour ! 6+6 b
Ton sommeil passera, | sans que ton bonheur change, 6+6 a
80 Des beaux songes du ciel | aux doux rêves d'amour. 6+6 b
« Mais mon haleine en vain | ternit la vitre humide ! 6+6 a
Ô Vierge, crois-tu donc | que, dans la nuit perfide, 6+6 a
La voix du Sylphe errant | cache un amant trompeur ? 6+6 b
Ne me crains pas, c'est moi | qui suis faible et timide, 6+6 a
85 Et Si j 'avais une ombre, | hélas ! j'en aurais peur. » 6+6 b
Il pleurait. — Tout à coup | devant la tour antique, 6+6 a
S'éleva, murmurant | comme un appel mystique, 6+6 a
Une voix… ce n'était | sans doute qu'un esprit ! 6+6 b
Bientôt parut la dame | à son balcon gothique : — 6+6 a
90 On ne sait si ce fut | au Sylphe qu'elle ouvrit. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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