Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG81
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE CINQUIÈME
1819-1828
ODE DIX-NEUVIÈME
LE VOYAGE
Je veux que mon retour
Te paraisse bien long. Je veux que nuit et jour
Tu m'aimes. (Nuit et jour, hélas ! je me tourmente !)
Présente au milieu d'eux, sois seule, sois absente.
Dors en pensant à moi, rêve-moi près de toi,
Ne vois que moi sans cesse, et sois toute avec moi !
ANDRÉ CHÉNIER.
I
Le cheval fait sonner son harnois qu'il secoue, 6+6 a
Et l'éclair du pavé va jaillir sous la roue : 6+6 a
Il faut partir, adieu ! de ton cœur inquiet 6+6 b
Chasse la crainte amère, adieu ! point de faiblesse ! 6+6 c
5 Mais quoi ! le char s'ébranle et m'emporte, et te laisse… 6+6 c
Hélas ! j'ai cru qu'il t'oubliait ! 8 b
Oh ! suis-le bien longtemps d'une oreille attentive ! 6+6 a
Ne t'en va pas avant d'avoir, triste et pensive, 6+6 a
Écouté des coursiers s'évanouir le bruit ! 6+6 b
10 L'un à l'autre déjà l'espace nous dérobe ; 6+6 c
Je ne vois plus de loin flotter ta blanche robe, 6+6 c
Et toi, tu n'entends plus rouler le char qui fuit !… 6+6 b
Quoi ! plus même un vain bruit ! plus même une vaine ombre ! 6+6 a
L'absence a sur mon âme étendu sa nuit sombre ; 6+6 a
15 C'en est fait ; chaque pas m'y plonge plus avant, 6+6 b
Et dans cet autre enfer, plein de douleurs amères, 6+6 c
De tourments insensés, d'angoisses, de chimères, 6+6 c
Me voilà descendu vivant ! 8 b
II
Que faire maintenant de toutes mes pensées, 6+6 a
20 De mon front, qui dormait dans tes mains enlacées, 6+6 a
De tout ce que j'entends, de tout ce que je vois ? 6+6 b
Que faire de mes maux, sans toi pleins d'amertume, 6+6 c
De mes yeux dont la flamme à tes regards s'allume, 6+6 c
De ma voix qui ne sait parler qu'après ta voix ? 6+6 b
25 Et mon œil tour à tour, distrait, suit dans l'espace 6+6 a
Chaque arbre du chemin qui paraît et qui passe, 6+6 a
Les bois verts, le flot d'or de la jaune moisson, 6+6 b
Et les monts, et du soir l'étincelante étoile, 6+6 c
Et les clochers aigus, et les villes que voile 6+6 c
30 Un dais de brume à l'horizon ! 8 b
Qu'importent les bois verts, la moisson, la colline, 6+6 a
Et l'astre qui se lève et l'astre qui décline, 6+6 a
Et la plainte et les monts, si tu ne les vois pas ? 6+6 b
Que me font ces châteaux, ruines féodales, 6+6 c
35 Si leur donjon moussu n'entend point sur ses dalles 6+6 c
Tes pas légers courir à côté de mes pas ? 6+6 b
Ainsi donc aujourd'hui, demain, après encore, 6+6 a
Il faudra voir sans toi naître et mourir l'aurore, 6+6 a
Sans toi ! sans ton sourire et ton regard joyeux ; 6+6 b
40 Sans t'entendre marcher près de moi quand je rêve ; 6+6 c
Sans que ta douce main, quand mon front se soulève, 6+6 c
Se pose en jouant sur mes yeux ! 8 b
Pourtant, il faut encore, à tant d'ennuis en proie, 6+6 a
Dans mes lettres du soir t'envoyer quelque joie, 6+6 a
45 Dire : « Console-toi, le calme m'est rendu ! » ; 6+6 b
Quand je crains chaque instant qui loin de toi s'écoule, 6+6 c
Et qu'inventant des maux qui t'assiègent en foule, 6+6 c
Chaque heure est sur ma tête un glaive suspendu ! 6+6 b
III
Que fais-tu maintenant ? Près du foyer sans doute 6+6 a
50 La carte est déployée, et ton œil suit ma route ; 6+6 a
Tu dis : « Où peut-il être ? — Ah, qu'il trouve en tous lieux 6+6 b
De tendres soins, un cœur qui l'estime et qui l'aime, 6+6 c
Et quelque bonne hôtesse, ayant, comme moi-même, 6+6 c
Un être cher sous d'autres cieux ! 8 b
55 Comme il s'éloigne vite, hélas ! J'en suis certaine, 6+6 a
Il a déjà franchi cette ville lointaine, 6+6 a
Ces forêts, ce vieux pont d'un grand exploit témoin ; 6+6 b
Peut-être en ce moment il roule en ces vallées, 6+6 c
Par une croix sinistre aux passants signalées, 6+6 c
60 Où, l'an dernier… Pourvu qu'il soit déjà plus loin ! » 6+6 b
Et mon père, essuyant une larme qui brille, 6+6 a
T'invite en souriant à sourire à ta fille : 6+6 a
« Rassurez-vous ! bientôt nous le reverrons tous. 6+6 b
Il rit, il est tranquille, il visite à cette heure 6+6 c
65 De quelque vieux héros la tombe ou la demeure ; 6+6 c
Il prie à quelque autel pour vous. 8 b
Car, vous le savez bien, ma fille, il aime encore 6+6 a
Ces créneaux, ces portails qu'un art naïf décore ; 6+6 a
Il nous a dit souvent, assis à vos côtés, 6+6 b
70 L'ogive chez les Goths de l'Orient venue, 6+6 c
Et la flèche romane aiguisant dans la nue 6+6 c
Ses huit angles de pierre en écailles sculptés ! » 6+6 b
IV
Et puis le Vétéran, à ta douleur trompée, 6+6 a
Conte sa vie errante, et nos grands coups d'épée, 6+6 a
75 Et quelque ancien combat du Tage ou du Tésin, 6+6 b
Et l'empereur, du siècle imposante merveille, — 6+6 c
Tout en baissant sa voix de peur qu'elle n'éveille 6+6 c
Ton enfant qui dort sur ton sein ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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