Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG48
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE QUATRIÈME
1819-1827
ODE QUATRIÈME
LE DÉVOUEMENT
In urbi omne mortalium genus vis pestilentiae
depopulabatur, nulla coeli intemperie quae occurreret
oculis. Sed domus corporibus exanimis, itinera
funeribus complebantur ; non sexus, non aetas
periculo vacua.
TACITE.
Dans la ville, la peste dévorait tout ce qui meurt ;
aucun nuage dans le ciel ne s'offrait aux yeux ;
mais les maisons étaient pleines de corps sans vie,
les voies de funérailles. Ni le sexe ni l'âge
n'étaient exempts du péril.
I
Je rends grâce au Seigneur : il m'a donné la vie ! 6+6 a
La vie est chère à l'homme, entre les dons du ciel ; 6+6 b
Nous bénissons toujours le Dieu qui nous convie 6+6 a
Au banquet d'absinthe et de miel. 8 b
5 Un nœud de fleurs se mêle aux fers qui nous enlacent ; 6+6 c
Pour vieillir parmi ceux qui passent, 8 c
Tout homme est content de souffrir ; 8 d
L'éclat du jour nous plaît ; l'air des cieux nous enivre. 6+6 e
Je rends grâce au Seigneur : — c'est le bonheur de vivre 6+6 e
10 Qui fait la gloire de mourir ! 8 d
Malheureux le mortel qui meurt, triste victime, 6+6 a
Sans qu'un frère sauvé vive par son trépas, 6+6 b
Sans refermer sur lui, comme un Romain sublime, 6+6 a
Le gouffre où se perdent ses pas ! 8 b
15 Infortuné le peuple, en proie à l'anathème, 6+6 c
Qui voit, se consumant lui-même, 8 c
Périr son nom et son orgueil, 8 d
Sans que toute la terre à sa chute s'incline, 6+6 e
Sans qu'un beau souvenir reste sur sa ruine, 6+6 e
20 Comme un flambeau sur un cercueil ! 8 d
II
Quand Dieu, las de forfaits, se lève en sa colère, 6+6 a
Il suscite un Fléau formidable aux cités, 6+6 b
Qui laisse après sa fuite un effroi séculaire 6+6 a
Aux murs, longtemps inhabités. 8 b
25 D'un vil germe, ignoré des peuples en démence, 6+6 c
Un Géant pâle, un Spectre immense 8 c
Sort et grandit au milieu d'eux ; 8 d
Et la Ville veut fuir, mais le Monstre fidèle, 6+6 e
Comme un horrible époux, la couvre de son aile, 6+6 e
30 Et l'étreint de ses bras hideux ! 8 d
Le peuple en foule alors sous le mal qui fermente 6+6 a
Tombe, ainsi qu'en nos champs la neige aux blancs flocons ; 6+6 b
Tout succombe, et partout la mort qui s'alimente 6+6 a
Renaît des cadavres féconds. 8 b
35 Le monstre l'une à l'autre enchaîne ses victimes ; 6+6 c
Il les traîne aux mêmes abîmes ; 8 c
Il se repaît de leurs lambeaux ; 8 d
Et, parmi les bûchers, le deuil et les décombres, 6+6 e
Les vivants sans abris, tels que d'impures ombres, 6+6 e
40 Errent loin des morts sans tombeaux. 8 d
Quand le cirque s'ouvrait, aux jours des funérailles, 6+6 a
Tous les Romains en paix, par leurs licteurs couverts, 6+6 b
Voyaient de loin lutter les captifs des batailles, 6+6 a
Livrés aux tigres des déserts. 8 b
45 Ainsi dans leur effroi les nations s'assemblent ; 6+6 c
Un long cri monte aux cieux qui tremblent, 8 c
Au loin de mers en mers porté. 8 d
Le monde armé, craignant l'Hydre aux ailes rapides, 6+6 e
Garde sous leur fléau ces mourants homicides, 6+6 e
50 Et les menace, épouvanté ! 8 d
III
Alors n'est-il pas vrai, sybarites des villes, 6+6 a
Que les jeux sont plus doux, et les plaisirs meilleurs, 6+6 b
Lorsqu'un mal plus affreux que les haines civiles 6+6 a
Sème en d'autres murs les douleurs ? 8 b
55 Loin des couches de feu qu'infecte un germe immonde, 6+6 c
Qu'avec charme l'enfant du monde 8 c
Sur un lit parfumé s'endort ! 8 d
Et qu'on savoure mieux l'air natal de la vie, 6+6 e
Quand tout un peuple en deuil, qui pleure et nous envie, 6+6 e
60 Respire ailleurs un vent de mort ! 8 d
Chacun reste absorbé dans un cercle éphémère. 6+6 a
La mère embrasse en paix l'enfant qui lui sourit, 6+6 b
Sans s'informer des lieux où le sein d'une mère 6+6 a
Est mortel au fils qu'il nourrit ! 8 b
65 Quelque pitié vulgaire au fond des cœurs s'éveille, 6+6 c
Entre les fêtes de la veille 8 c
Et les fêtes du lendemain ; 8 d
Car tels sont les humains, plaindre les importune. 6+6 e
Ils passent à côté d'une grande infortune, 6+6 e
70 Sans s'arrêter sur le chemin. 8 d
IV
Quelques hommes pourtant, qu'un feu secret anime, 6+6 a
Se lèvent de la foule, et chacun dans leurs yeux 6+6 b
Cherche quel beau destin, quel avenir sublime 6+6 a
Rayonne sur leurs fronts joyeux. — 8 b
75 Un triomphe éclatant peut-être les réclame ? 6+6 c
Quel espoir enivre leur âme ? 8 c
Quel bien ? quel trésor ? quel honneur ?… — 8 d
Ainsi toujours, hélas ! dans ce monde stérile, 6+6 e
Si la vertu paraît, à son aspect tranquille 6+6 e
80 Nous la prenons pour le bonheur ! 8 d
Ô peuples ! ces mortels, qu'un Dieu guide et seconde, 6+6 a
Vont d'un pas assuré, d'un regard radieux, 6+6 b
Combattre le fléau devant qui fuit le monde : 6+6 a
Adressez-leur vos longs adieux. 8 b
85 Et vous, ô leurs parents, leurs épouses, leurs mères ! 6+6 c
Contenez vos larmes amères ; 8 c
Laissez les victimes s'offrir ; 8 d
Ne les poursuivez pas de plaintes téméraires ; 6+6 c
Devaient-ils préférer aucun d'entre leurs frères 6+6 c
90 À ceux pour qui l'on peut mourir ? 8 d
Bientôt s'ouvre pour eux la cité solitaire. 6+6 a
Mille spectres vivants les appellent en pleurs, 6+6 b
Surpris qu'il soit encore un mortel sur la terre 6+6 a
Qui vienne au cri de leurs douleurs. 8 b
95 Ils parlent ; et déjà leur voix rassure et guide 6+6 c
Ces peuples qu'un fléau livide 8 c
Pousse au tombeau d'un bras de fer, 8 d
Et le monstre, attaqué dans les murs qu'il opprime, 6+6 e
Frémit comme Satan, quand, sauveur et victime, 6+6 e
100 Un Dieu parut dans son enfer ! 8 d
Ils contemplent de près l'hydre non assouvie. 6+6 a
Pour ravir ses secrets résignés à leur sort, 6+6 b
Leur art audacieux lui dispute la vie, 6+6 a
Ou l'interroge dans la mort. 8 b
105 Quand leurs secours sont vains, leur prière console. 6+6 c
Le mourant croit à leur parole 8 c
Que le ciel ne peut démentir ; 8 d
Et si le trépas même, enfin, frappe leur tête, 6+6 e
De l'apôtre serein l'humble voix ne s'arrête 6+6 e
110 Qu'au dernier souffle du martyr ! 8 d
V
Ô mortels trop heureux ! qui pourrait vous atteindre, 6+6 a
Vous qui domptez la mort en affrontant ses coups ? 6+6 b
Lorsqu'en vous admirant la foule ose vous plaindre 6+6 a
Je vous suis de mes pleurs jaloux. 8 b
115 Infortuné ! jamais, victime volontaire, 6+6 c
Je n'irai, pour sauver la terre, 8 c
Braver un fléau dévorant, 8 d
Ni, calmant par mes soins ses douleurs meurtrières, 6+6 e
Mêler ma plainte amie et mes saintes prières 6+6 e
120 Aux soupirs impurs d'un mourant ! 8 d
Hélas ! ne puis-je aussi m'immoler pour mes frères ? 6+6 a
N'est-il plus d'opprimés ? n'est-il plus de bourreaux ? 6+6 b
Sur quel noble échafaud, dans quels murs funéraires 6+6 a
Chercher le trépas des héros ? 8 b
125 Oui, que brisant mon corps, la torture sanglante, 6+6 c
Sur la croix, à ma soif brûlante 8 c
Offre le breuvage de fiel ; 8 d
Fier et content, Seigneur, je dirai vos louanges ; 6+6 e
Car l'ange du martyre est le plus beau des anges 6+6 e
130 Qui portent les âmes au ciel ! 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université