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HUG_8/HUG45
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE QUATRIÈME
1819-1827
ODE PREMIÈRE
LE POÈTE
Muse ! contemple ta victime !
LAMARTINE, L'Enthousiasme.
I
Qu'il passe en paix, au sein d'un monde qui l'ignore, 6+6 a
L'auguste infortuné que son âme dévore ! 6+6 a
Respectez ses nobles malheurs ; 8 b
Fuyez, ô plaisirs vains, son existence austère ; 6+6 c
5 Sa palme qui grandit, jalouse et solitaire, 6+6 c
Ne peut croître parmi vos fleurs. 8 b
Il souffre assez de maux, sans y joindre vos joies ! 6+6 a
Chaque pas qui l'enfonce en de sublimes voies, 6+6 a
Par une douleur est compté. 8 b
10 Il pleure sa jeunesse avant l'âge envolée, 6+6 c
Sa vie, humble roseau, qui se courbe accablée 6+6 c
Du poids de l'immortalité. 8 b
Il pleure, ô belle enfance, et ta grâce et tes charmes, 6+6 a
Et ton rire innocent et tes naïves larmes, 6+6 a
15 Ton bonheur doux et turbulent, 8 b
Et, loin des vastes cieux, l'aile que tu reposes, 6+6 c
Et, dans les jeux bruyants, ta couronne de roses 6+6 c
Que flétrirait son front brûlant ! 8 b
Il accuse et son siècle, et ses chants, et sa lyre, 6+6 a
20 Et la coupe enivrante où, trompant son délire, 6+6 a
La gloire verse tant de fiel, 8 b
Et ses vœux, poursuivant des promesses funestes, 6+6 c
Et son cœur, et la Muse, et tous ces dons célestes, 6+6 c
Hélas ! qui ne sont pas le ciel ! 8 b
II
25 Ah ! si du moins, couché sur le char de la vie, 6+6 a
L'hymne de son triomphe et les cris de l'envie 6+6 a
Passaient sans troubler son sommeil ! 8 b
S'il pouvait dans l'oubli préparer sa mémoire ! 6+6 c
Ou, voilé de rayons, se cacher dans sa gloire, 6+6 c
30 Comme un ange dans le soleil ! 8 b
Mais sans cesse il faut suivre, en la commune arène, 6+6 a
Le flot qui le repousse et le flot qui l'entraîne ! 6+6 a
Les hommes troublent son chemin ! 8 b
Sa voix grave se perd dans leurs vaines paroles, 6+6 c
35 Et leur fol orgueil mêle à leurs jouets frivoles 6+6 c
Le spectre qui pèse à sa main ! 8 b
Pourquoi traîner ce roi si loin de ses royaumes ? 6+6 a
Qu'importe à ce géant un cortège d'atomes ! 6+6 a
Fils du monde, c'est vous qu'il fuit. 8 b
40 Que fait à l'immortel votre éphémère empire ? 6+6 c
Sans les chants de sa voix, sans les sons de sa lyre, 6+6 c
N'avez-vous point assez de bruit ? 8 b
III
Laissez-le dans son ombre où descend la lumière. 6+6 a
Savez-vous qu'une Muse, épurant sa poussière, 6+6 a
45 Y charme en secret ses ennuis ? 8 b
Et que, laissant pour lui les éternelles fêtes, 6+6 c
La colombe du Christ et l'aigle des Prophètes 6+6 c
Souvent y visitent ses nuits ? 8 b
Sa veille redoutable, en ses visions saintes, 6+6 a
50 Voit les soleils naissants et les sphères éteintes 6+6 a
Passer en foule au fond du ciel ; 8 b
Et, suivant dans l'espace un chœur brûlant d'archanges, 6+6 c
Cherche, aux mondes lointains, quelles formes étranges 6+6 c
Y revêt l'Être universel. 8 b
55 Savez-vous que ses yeux ont des regards de flamme ? 6+6 a
Savez-vous que le voile, étendu sur son âme, 6+6 a
Ne se lève jamais en vain ? 8 b
De lumière dorée et de flammes rougie, 6+6 c
Son aile, en un instant, de l'infernale orgie 6+6 c
60 Peut monter au banquet divin. 8 b
Laissez donc loin de vous, ô mortels téméraires, 6+6 a
Celui que le Seigneur marqua, parmi ses frères, 6+6 a
De ce signe funeste et beau, 8 b
Et dont l'œil entrevoit plus de mystères sombres 6+6 c
65 Que les morts effrayés n'en lisent, dans les ombres, 6+6 c
Sous la pierre de leur tombeau ! 8 b
IV
Un jour vient dans sa vie, où la Muse elle-même, 6+6 a
D'un sacerdoce auguste armant son luth suprême, 6+6 a
L'envoie au monde ivre de sang, 8 b
70 Afin que, nous sauvant de notre propre audace, 6+6 c
Il apporte d'en haut à l'homme qui menace 6+6 c
La prière du Tout-Puissant. 8 b
Un formidable esprit descend dans sa pensée. 6+6 a
Il paraît ; et soudain, en éclairs élancée, 6+6 a
75 Sa parole luit comme un feu. 8 b
Les peuples prosternés en foule l'environnent ; 6+6 c
Sina mystérieux, les foudres le couronnent, 6+6 c
Et son front porte tout un Dieu ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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