Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG42
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE TROISIÈME
1824-1828
ODE SIXIÈME
LES DEUX ÎLES
Dites-moi d'où il est venu,
je vous dirai où il est allé.
E. H.
I
 Il est deux îles dont un monde 8 a
 Sépare les deux Oans, 8 b
 Et qui de loin dominent l'onde, 8 a
 Comme des têtes deants. 8 b
5  On devine, en voyant leurs cimes, 8 c
 Que Dieu les tira des abîmes 8 c
 Pour un formidable dessein ; 8 d
 Leur front de coups de foudre fume, 8 e
 Sur leurs flancs nus la mer écume, 8 e
10  Des volcans grondent dans leur sein. 8 d
 Ces îles, le flot se broie 8 a
 Entre des écueils décharnés, 8 b
 Sont comme deux vaisseaux de proie, 8 a
 D'une ancre éternelle enchnés. 8 b
15  La main qui de ces noirs rivages 8 c
 Disposa les sites sauvages, 8 c
 Et d'effroi les voulut couvrir, 8 d
 Les fit si terribles, peut-être, 8 e
 Pour que Bonaparte y pût ntre, 8 e
20  Et Napoléon y mourir ! 8 d
 « — Là fut son berceau ! — Là sa tombe ! » 8 a
 Pour les siècles, c'en est assez. 8 b
 Ces mots, qu'un monde naisse ou tombe, 8 a
 Ne seront jamais effacés. 8 b
25  Sur ces îles à l'aspect sombre 8 c
 Viendront, à l'appel de son ombre, 8 c
 Tous les peuples de l'avenir ; 8 d
 Les foudres qui frappent leurs crêtes, 8 e
 Et leurs écueils, et leurs tempêtes, 8 e
30  Ne sont plus que son souvenir ! 8 d
 Loin de nos rives, ébranlées 8 a
 Par les orages de son sort, 8 b
 Sur ces deux îles isolées 8 a
 Dieu mit sa naissance et sa mort ; 8 b
35  Afin qu'il pût venir au monde 8 c
 Sans qu'une secousse profonde 8 c
 Annonçât son premier moment ; 8 d
 Et que sur son lit militaire, 8 e
 Enfin, sans remuer la terre, 8 e
40  Il pût expirer doucement ! 8 d
II
Comme il était rêveurau matin de son âge ! 6+6 a
Comme il était pensifau terme du voyage ! 6+6 a
C'est qu'il avait jouide son rêve insensé ; 6+6 b
Du trône et de la gloireil savait le mensonge ; 6+6 c
45 Il avait vu de prèsce que c'est qu'un tel songe, 6+6 c
Et quel est le néantd'un avenir passé ! 6+6 b
Enfant, des visions,dans la Corse, sa mère, 6+6 a
Lui révélaient déjàsa couronne éphémère, 6+6 a
Et l'aigle impérialplanant sur son pavois ; 6+6 b
50 Il entendait d'avance,en sa superbe attente, 6+6 c
L'hymne qu'en toute langue,aux portes de sa tente, 6+6 c
Son peuple universelchantait tout d'une voix : 6+6 b
III
ACCLAMATION
« Gloire à Napoléon !gloire au mtre suprême ! 6+6 a
Dieu même a sur son frontposé le diadème. 6+6 a
55 Du Nil au Borysthèneil règne triomphant. 6+6 b
Les rois, fils de cent rois,s'inclinent quand il passe, 6+6 c
 Et dans Rome il ne voit d'espace 8 c
 Que pour le trône d'un enfant ! 8 b
« Pour porter son tonnerreaux villes effrayées, 6+6 a
60 Ses aigles ont toujoursles ailes déployées. 6+6 a
Il régit le Conclave,il commande au Divan. 6+6 b
Il mêle à ses drapeaux,de sang toujours humides, 6+6 c
 Des croissants pris aux Pyramides, 8 c
 Et la croix d'or du grand Yvan ! 8 b
65 « Le Mamelouk bronzé,le Goth plein de vaillance, 6+6 a
Le Polonais, qui porteune flamme à sa lance, 6+6 a
Prêtent leur force aveugleà ses ambitions. 6+6 b
Ils ont son vœu pour loi,pour foi sa renommée. 6+6 c
 On voit marcher dans son armée 8 c
70  Tout un peuple de nations ! 8 b
« Sa main, s'il touche un but son orgueil aspire, 6+6 a
Fait à quelque soldatl'aumône d'un empire, 6+6 a
Ou fait veiller des roisau seuil de son palais, 6+6 b
Pour qu'il puisse, en quittantles combats ou les fêtes, 6+6 c
75  Dormir en paix dans ses conquêtes, 8 c
 Comme un pêcheur sur ses filets ! 8 b
« Il a bâti si hautson aire impériale, 6+6 a
Qu'il nous semble habitercette sphère idéale 6+6 a
jamais on n'entendun orage éclater ! 6+6 b
80 Ce n'est plus qu'à ses piedsque gronde la tempête ; 6+6 c
 Il faudrait, pour frapper sa tête, 8 c
 Que la foudre pût remonter ! » 8 b
IV
La foudre remonta !— Renversé de son aire, 6+6 a
Il tomba, tout fumantde cent coups de tonnerre. 6+6 a
85  Les rois punirent leur tyran. 8 b
On l'exposa vivantsur un roc solitaire ; 6+6 a
Et le géant captiffut remis par la terre 6+6 a
 À la garde de l'océan. 8 b
Oh ! comme à Sainte-Hélèneil dédaignait sa vie, 6+6 a
90 Quand le soir il voyait,avec un œil d'envie, 6+6 a
 Le soleil fuir sous l'horizon, 8 b
Et qu'il s'égarait seulsur le sable des grèves, 6+6 c
Jusqu'à ce qu'un Anglais,l'arrachant de ses rêves, 6+6 c
 Le ramenât dans sa prison ! 8 b
95 Comme avec désespoirce prince de la guerre 6+6 a
S'entendait accuserpar tous ceux qui naguère 6+6 a
 Divinisaient son bras vainqueur ! 8 b
Car des peuples liguésla clameur solennelle 6+6 c
Répondait à la voiximplacable, éternelle, 6+6 c
100  Qui se lamentait dans son cœur ! 8 b
V
IMPRÉCATION
« Honte ! opprobre ! malheur !anathème ! vengeance ! 6+6 a
Que la terre et les cieuxfrappent d'intelligence ! 6+6 a
Enfin nous avons vule colosse crouler ! 6+6 b
Que puissent retombersur ses jours, sur sa cendre, 6+6 c
105  Tous les pleurs qu'il a fait répandre, 8 c
 Tout le sang qu'il a fait couler ! 8 b
« Qu'à son nom, du Volga,du Tibre, de la Seine, 6+6 a
Des murs de l'Alhambra,des fossés de Vincenne, 6+6 a
De Jaffa, du Kremlinqu'il brûla sans remords, 6+6 b
110 Des plaines du carnageet des champs de victoire, 6+6 c
Tonne, comme un échode sa fatale gloire, 6+6 c
 La malédiction des morts ! 8 b
« Qu'il voie autour de luise presser ses victimes ! 6+6 a
Que tout ce peuple, en fouleéchappé des abîmes, 6+6 a
115 Innombrable, annonçantles secrets du cercueil, 6+6 b
Mutilé par le fer,sillonné par la foudre, 6+6 c
Heurtant confusémentdes os noircis de poudre, 6+6 c
Lui fasse un Josaphatde Sainte-Hélène en deuil ! 6+6 b
« Qu'il vive pour mourirtous les jours, à toute heure ! 6+6 a
120 Que le fier conquérantbaisse les yeux, et pleure ! 6+6 a
Sachant sa gloire à peineet riant de ses droits, 6+6 b
Des geôliers ont chargéd'une chne glacée 6+6 c
 Cette main qui s'était lassée 8 c
 À courber la tête des rois ! 8 b
125 « Il crut que sa fortune,en victoires féconde, 6+6 a
Vaincrait le souvenirdu peuple roi du monde ; 6+6 a
Mais Dieu vient, et d'un souffleéteint son noir flambeau, 6+6 b
Et ne laisse au rivalde l'éternelle Rome 6+6 c
Que ce qu'il faut de placeet de temps à tout homme 6+6 c
130  Pour se coucher dans le tombeau. 8 b
« Ces mers auront sa tombe,et l'oubli la devance. 6+6 a
En vain à Saint-Denisil fit parer d'avance 6+6 a
Un sépulcre de marbreet d'or étincelant ; 6+6 b
Le ciel n'a pas vouluque de royales ombres 6+6 c
135 Vissent, en revenantpleurer sous ces murs sombres, 6+6 c
Dormir dans leur tombeauson cadavre insolent ! » 6+6 b
VI
Qu'une coupe vidéeest amère ! et qu'un rêve, 6+6 a
Commencé dans l'ivresse,avec terreur s'achève ! 6+6 a
Jeune, on livre à l'espoirsa crédule raison ; 6+6 b
140 Mais on frémit plus tard,quand l'âme est assouvie, 6+6 c
 Hélas ! et qu'on revoit sa vie 8 c
 De l'autre bord de l'horizon ! 8 b
Ainsi, quand vous passezau pied d'un mont sublime, 6+6 a
Longtemps en conquérantvous admirez sa cime, 6+6 a
145 Et ses pics, que jamaisles ans n'humilieront, 6+6 b
Ses forêts, vert manteauqui pend aux rocs sauvages, 6+6 c
 Et ces couronnes de nuages 8 c
 Qui s'amoncellent sur son front ! 8 b
Montez donc, et tentezces zones inconnues ! — 6+6 a
150 Vous croyiez fuir aux cieux…vous vous perdez aux nues ! 6+6 a
Le mont change à vos yeuxd'aspect et de tableaux ; 6+6 b
C'est un gouffre, obscurcide sapins centenaires, 6+6 c
  les torrents et les tonnerres 8 c
 Croisent des éclairs et des flots ! 8 b
VII
155  Voilà l'image de la gloire : 8 a
 D'abord, un prisme éblouissant, 8 b
 Puis un miroir expiatoire, 8 a
  la pourpre part du sang ! 8 b
 Tour à tour puissante, asservie, 8 c
160  Voilà quel double aspect sa vie 8 c
 Offrit à ses âges divers. 8 d
 Il faut à son nom deux histoires : 8 e
 Jeune, il inventait ses victoires ; 8 e
 Vieux, il méditait ses revers. 8 d
165  En Corse, à Sainte-Hélène encore, 8 a
 Dans les nuits d'hiver, le nocher, 8 b
 Si quelque orageux météore 8 a
 Brille au sommet d'un noir rocher, 8 b
 Croit voir le sombre capitaine, 8 c
170  Projetant son ombre lointaine, 8 c
 Immobile, croiser ses bras ; 8 d
 Et dit que, pour dernière fête, 8 e
 Il vient régner dans la tempête, 8 e
 Comme il régnait dans les combats ! 8 d
VIII
175 S'il perdit un empire,il aura deux patries, 6+6 a
De son seul souvenirillustres et flétries, 6+6 a
L'une aux mers d'Annibal,l'autre aux mers de Vasco ; 6+6 b
Et jamais, de ce siècleattestant la merveille, 6+6 c
On ne prononcerason nom, sans qu'il n'éveille 6+6 c
180  Aux bouts du monde un double écho ! 8 b
Telles, quand une bombeardente, meurtrière, 6+6 a
Décrit dans un ciel noirsa courbe incendiaire, 6+6 a
Se balance au-dessusdes murs épouvantés, 6+6 b
Puis, comme un vautour chauve,à la serre cruelle, 6+6 c
185 Qui frappe en s'abattantla terre de son aile, 6+6 c
Tombe, et fouille à grand bruitle pavé des cités ; 6+6 b
Longtemps après sa chute,on voit fumer encore 6+6 a
La bouche du mortier,large, noire et sonore, 6+6 a
D' monta pour tomberle globe au vol pesant, 6+6 b
190 Et la place la bombe,éclatée en murailles, 6+6 c
Mourut, en vomissantla mort de ses entrailles, 6+6 c
 Et s'éteignit en embrasant ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université