Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG37
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE TROISIÈME
1824-1828
ODE PREMIÈRE
À M. ALPHONSE DE L.
Or, sachant ces choses, nous venons enseigner
aux hommes la crainte de Dieu.
II COR. V.
I
Pourtant je m'étais dit : « Abritons mon navire. 6+6 a
Ne livrons plus ma voile au vent qui la déchire. 6+6 a
Cachons ce luth. Mes chants peut-être auraient vécu !… 6+6 b
Soyons comme un soldat qui revient sans murmure 6+6 c
5 Suspendre à son chevet un vain reste d'armure, 6+6 c
Et s'endort, vainqueur ou vaincu ! » 8 b
Je ne demandais plus à la muse que j'aime 6+6 a
Qu'un seul chant pour ma mort, solennel et suprême ! 6+6 a
Le Poète avec joie au tombeau doit s'offrir ; 6+6 b
10 S'il ne souriait pas au moment où l'on pleure, 6+6 c
Chacun lui dirait : « Voici l'heure ! 8 c
Pourquoi ne pas chanter, puisque tu vas mourir ? » 6+6 b
C'est que la mort n'est pas ce que la foule en pense ! 6+6 a
C'est l'instant où notre âme obtient sa récompense, 6+6 a
15 Où le fils exilé rentre au sein paternel. 6+6 b
Quand nous penchons près d'elle une oreille inquiète, 6+6 c
La voix du trépassé, que nous croyons muette, 6+6 c
A commencé l'hymne éternel ! 8 b
II
Plus tôt que je n'ai dû, je reviens dans la lice ; 6+6 a
20 Mais tu le veux, ami ! ta muse est ma complice ; 6+6 a
Ton bras m'a réveillé ; c'est toi qui m'as dit : « Va ! 6+6 b
Dans la mêlée encor jetons ensemble un gage. 6+6 c
De plus en plus elle s'engage. 8 c
Marchons, et confessons le nom de Jéhova ! » 6+6 b
25 J'unis donc à tes chants quelques chants téméraires. 6+6 a
Prends ton luth immortel : nous combattrons en frères 6+6 a
Pour les mêmes autels et les mêmes foyers. 6+6 b
Montés au même char, comme un couple homérique, 6+6 c
Nous tiendrons, pour lutter dans l'arène lyrique, 6+6 c
30 Toi la lance, moi les coursiers. 8 b
Puis, pour faire une part à la faiblesse humaine, 6+6 a
Je ne sais quelle pente au combat me ramène. 6+6 a
J'ai besoin de revoir ce que j'ai combattu, 6+6 b
De jeter sur l'impie un dernier anathème, 6+6 c
35 De te dire, à toi, que je t'aime, 8 c
Et de chanter encore un hymne à la vertu ! 6+6 b
III
Ah ! nous ne sommes plus au temps où le poète 6+6 a
Parlait au ciel en prêtre, à la terre en prophète ! 6+6 a
Que Moïse, Isaïe, apparaisse en nos champs, 6+6 b
40 Les peuples qu'ils viendront juger, punir, absoudre, 6+6 c
Dans leurs yeux pleins d'éclairs méconnaîtront la foudre 6+6 c
Qui tonne en éclats dans leurs chants. 8 b
Vainement ils iront s'écriant dans les villes : 6+6 a
« Plus de rébellions ! plus de guerres civiles ! 6+6 a
45 Aux autels du Veau-d'Or pourquoi danser toujours ? 6+6 b
Dagon va s'écrouler ; Baal va disparaître. 6+6 c
Le Seigneur a dit à son prêtre : 8 c
« Pour faire pénitence ils n'ont que peu de jours ! » 6+6 b
« Rois, peuples, couvrez-vous d'un sac souillé de cendre ! 6+6 a
50 Bientôt sur la nuée un juge doit descendre. 6+6 a
Vous dormez ! que vos yeux daignent enfin s'ouvrir. 6+6 b
Tyr appartient aux flots, Gomorrhe à l'incendie. 6+6 c
Secouez le sommeil de votre âme engourdie, 6+6 c
Et réveillez-vous pour mourir ! 8 b
55 « Ah ! malheur au puissant qui s'enivre en des fêtes, 6+6 a
Riant de l'opprimé qui pleure, et des prophètes ! 6+6 a
Ainsi que Balthazar, ignorant ses malheurs, 6+6 b
Il ne voit pas aux murs de la salle bruyante 6+6 c
Les mots qu'une main flamboyante 8 c
60 Trace en lettres de feu parmi les nœuds de fleurs ! 6+6 b
« Il sera rejeté comme ce noir Génie, 6+6 a
Effrayant par sa gloire et par son agonie, 6+6 a
Qui tomba jeune encor, dont ce siècle est rempli. 6+6 b
Pourtant Napoléon du monde était le faîte. 6+6 c
65 Ses pieds éperonnés des rois pliaient la tête, 6+6 c
Et leur tête gardait le pli. 8 b
« Malheur donc ! — Malheur même au mendiant qui frappe, 6+6 a
Hypocrite et jaloux, aux portes du satrape ! 6+6 a
À l'esclave en ses fers ! au maître en son château ! 6+6 b
70 À qui, voyant marcher l'innocent aux supplices, 6+6 c
Entre deux meurtriers complices, 8 c
N'étend point sous ses pas son plus riche manteau ! 6+6 b
« Malheur à qui dira : Ma mère est adultère ! 6+6 a
À qui voile un cœur vil sous un langage austère ! 6+6 a
75 À qui change en blasphème un serment effacé ! 6+6 b
Au flatteur médisant, reptile à deux visages ! 6+6 c
À qui s'annoncera sage entre tous les sages ! 6+6 c
Oui, malheur à cet insensé ! 8 b
« Peuples, vous ignorez le Dieu qui vous fit naître ! 6+6 a
80 Et pourtant vos regards le peuvent reconnaître 6+6 a
Dans vos biens, dans vos maux, à toute heure, en tout lieu ! 6+6 b
Un Dieu compte vos jours, un Dieu règne en vos fêtes ! 6+6 c
Lorsqu'un chef vous mène aux conquêtes, 8 c
Le bras qui vous entraîne est poussé par un Dieu ! 6+6 b
85 « À sa voix, en vos temps de folie et de crime, 6+6 a
Les Révolutions ont ouvert leur abîme. 6+6 a
Les justes ont versé tout leur sang précieux ; 6+6 b
Et les peuples, troupeau qui dormait sous le glaive, 6+6 c
Ont vu, comme Jacob, dans un étrange rêve, 6+6 c
90 Des anges remonter aux cieux ! 8 b
« Frémissez donc ! Bientôt, annonçant sa venue, 6+6 a
Le clairon de l'Archange entrouvrira la nue. 6+6 a
Jour d'éternels tourments ! jour d'éternel bonheur, 6+6 b
Resplendissant d'éclairs, de rayons, d'auréoles, 6+6 c
95 Dieu vous montrera vos idoles, 8 c
Et vous demandera : — Qui donc est le Seigneur ? 6+6 b
« La trompette, sept fois sonnant dans les nuées, 6+6 a
Poussera jusqu'à lui, pâles, exténuées, 6+6 a
Les races, à grands flots se heurtant dans la nuit ; 6+6 b
100 Jésus appellera sa mère virginale ; 6+6 c
Et la porte céleste, et la porte infernale, 6+6 c
S'ouvriront ensemble avec bruit ! 8 b
« Dieu vous dénombrera d'une voix solennelle. 6+6 a
Les rois se courberont sous le vent de son aile. 6+6 a
105 Chacun lui portera son espoir, ses remords. 6+6 b
Sous les mers, sur les monts, au fond des catacombes, 6+6 c
À travers le marbre des tombes, 8 c
Son souffle remûra la poussière des morts ! 6+6 b
« Ô siècle ! arrache-toi de tes pensers frivoles. 6+6 a
110 L'air va bientôt manquer dans l'espace où tu voles ! 6+6 a
Mortels ! gloire, plaisirs, biens, tout est vanité ! 6+6 b
À quoi pensez-vous donc, vous qui dans vos demeures 6+6 c
Voulez voir en riant entrer toutes les heures ?… 6+6 c
L'Éternité ! l'Éternité ! » 8 b
IV
115 Nos sages répondront : — « Que nous veulent ces hommes ? 6+6 a
Ils ne sont pas du monde et du temps dont nous sommes. 6+6 a
Ces poètes sont-ils nés au sacré vallon ? 6+6 b
Où donc est leur Olympe ? où donc est leur Parnasse ? 6+6 c
Quel est leur Dieu qui nous menace ? 8 c
120 A-t-il le char de Mars ? A-t-il l'arc d'Apollon ? 6+6 b
« S'ils veulent emboucher le clairon de Pindare, 6+6 a
N'ont-ils pas Hiéron, la fille de Tyndare, 6+6 a
Castor, Pollux, l'Élide et les Jeux des vieux temps ; 6+6 b
L'arène où l'encens roule en longs flots de fumée, 6+6 c
125 La roue aux rayons d'or, de clous d'airain semée, 6+6 c
Et les quadriges éclatants ? 8 b
« Pourquoi nous effrayer de clartés symboliques ? 6+6 a
Nous aimons qu'on nous charme en des chants bucoliques, 6+6 a
Qu'on y fasse lutter Ménalque et Palémon. 6+6 b
130 Pour dire l'avenir à notre âme débile, 6+6 c
On a l'écumante Sibylle, 8 c
Que bat à coups pressés l'aile d'un noir démon. 6+6 b
« Pourquoi dans nos plaisirs nous suivre comme une ombre ? 6+6 a
Pourquoi nous dévoiler dans sa nudité sombre 6+6 a
135 L'affreux sépulcre, ouvert devant nos pas tremblants ? 6+6 b
Anacréon, chargé du poids des ans moroses, 6+6 c
Pour songer à la mort se comparait aux roses 6+6 c
Qui mouraient sur ses cheveux blancs. 8 b
« Virgile n'a jamais laissé fuir de sa lyre 6+6 a
140 Des vers qu'à Lycoris son Gallus ne pût lire. 6+6 a
Toujours l'hymne d'Horace au sein des ris est né ; 6+6 b
Jamais il n'a versé de larmes immortelles : 6+6 c
La poussière des cascatelles 8 c
Seule a mouillé son luth, de myrtes couronné ! » 6+6 b
V
145 Voilà de quels dédains leurs âmes satisfaites 6+6 a
Accueilleraient, ami, Dieu même et ses prophètes ! 6+6 a
Et puis, tu les verrais, vainement irrité, 6+6 b
Continuer, joyeux, quelque festin folâtre, 6+6 c
Ou pour dormir aux sons d'une lyre idolâtre 6+6 c
150 Se tourner de l'autre côté. 8 b
Mais qu'importe ! accomplis ta mission sacrée. 6+6 a
Chante, juge, bénis ; ta bouche est inspirée ! 6+6 a
Le Seigneur en passant t'a touché de sa main ; 6+6 b
Et, pareil au rocher qu'avait frappé Moïse, 6+6 c
155 Pour la foule au désert assise, 8 c
La poésie en flots s'échappe de ton sein ! 6+6 b
Moi, fussé-je vaincu, j'aimerai ta victoire. 6+6 a
Tu le sais, pour mon cœur, ami de toute gloire, 6+6 a
Les triomphes d'autrui ne sont pas un affront. 6+6 b
160 Poète, j'eus toujours un chant pour les poètes ; 6+6 c
Et jamais le laurier qui pare d'autres têtes 6+6 c
Ne jeta d'ombre sur mon front ! 8 b
Souris même à l'envie amère et discordante. 6+6 a
Elle outrageait Homère, elle attaquait le Dante. 6+6 a
165 Sous l'arche triomphale elle insulte au guerrier. 6+6 b
Il faut bien que ton nom dans ses cris retentisse ; 6+6 c
Le temps amène la justice : 8 c
Laisse tomber l'orage et grandir ton laurier ! 6+6 b
VI
Telle est la majesté de tes concerts suprêmes, 6+6 a
170 Que tu sembles savoir comment les anges mêmes 6+6 a
Sur les harpes du ciel laissent errer leurs doigts ! 6+6 b
On dirait que Dieu même, inspirant ton audace, 6+6 c
Parfois dans le désert t'apparaît face à face, 6+6 c
Et qu'il te parle avec la voix ! 8 b
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