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HUG_8/HUG33
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE DEUXIÈME
1822-1823
ODE SEPTIÈME
LA GUERRE D'ESPAGNE
Sine clade victor.
I
Oh ! que la Royauté, puissante et vénérable, 6+6 a
Fille, aux cheveux blanchis, des âges révolus, 6+6 b
Perçant de ses clartés leur nuit impénétrable, 6+6 a
Où tant d'astres ne brillent plus ; 8 b
5 Soumettant l'aigle au cygne et l'autour aux colombes ; 6+6 c
S'élevant de tombes en tombes ; 8 c
Géant, que grandit son fardeau ; 8 d
Consacrant sur l'autel le fer dont elle est ceinte, 6+6 e
Et mêlant les rayons de l'auréole sainte 6+6 e
10 Aux fleurons du royal bandeau ; 8 d
Oh ! que la Royauté, peuples, est douce et belle ! — 6+6 a
À force de bienfaits elle achète ses droits. 6+6 b
Son bras fort, quand bouillonne une foule rebelle, 6+6 a
Couvre les sceptres d'une croix. 8 b
15 Ce colosse d'airain, de ses mains séculaires, 6+6 c
Dans les nuages populaires 8 c
Lève un phare aux feux éclatants ; 8 d
Et, liant au passé l'avenir qu'il féconde, 6+6 e
Pose à la fois ses pieds, en vain battus de l'onde, 6+6 e
20 Sur les deux rivages du temps. 8 d
II
Aussi, que de malheurs suprêmes 8 a
Elle impose aux infortunés, 8 b
Qui, sous le joug des diadèmes, 8 a
Courbèrent leurs fronts condamnés ! 8 b
25 Il faut que leur cœur soit sublime. 8 c
Affrontant la foudre et l'abîme, 8 c
Leur nef ne doit pas fuir l'écueil. 8 d
Un roi, digne de la couronne, 8 e
Ne sait pas descendre du trône, 8 e
30 Mais il sait descendre au cercueil. 8 d
Il faut, comme un soldat, qu'un prince ait une épée, 6+6 a
Il faut, des factions quand l'astre impur a lui, 6+6 b
Que nuit et jour, bravant leur attente trompée, 6+6 a
Un glaive veille auprès de lui ; 8 b
35 Ou que de son armée il se fasse un cortège ; 6+6 c
Que son fier palais se protège 8 c
D'un camp au front étincelant ; 8 d
Car de la Royauté la Guerre est la compagne : 6+6 e
On ne peut te briser, sceptre de Charlemagne, 6+6 e
40 Sans briser le fer de Roland ! 8 d
III
Roland ! — N'est-il pas vrai, noble élu de la guerre, 6+6 a
Que ton ombre, éveillée aux cris de nos guerriers, 6+6 b
Aux champs de Roncevaux lorsqu'ils passaient naguère, 6+6 a
Les prit pour d'anciens chevaliers ? 8 b
45 Car le héros, assis sur sa tombe célèbre, 6+6 c
Les voyait, vers les bords de l'Èbre 8 c
Déployant leur vol immortel, 8 d
Du haut des monts, pareils à l'aigle ouvrant ses ailes, 6+6 e
Secouer, pour chasser de nouveaux infidèles, 6+6 e
50 L'éclatant cimier de Martel ! 8 d
Mais un autre héros encore, 8 a
Pélage, l'effroi des tyrans, 8 b
Pélage, autre vainqueur du Maure, 8 a
Dans les cieux saluait nos rangs ; 8 b
55 Au char où notre gloire brille, 8 c
Il attelait de la Castille 8 c
Le vieux lion fier et soumis ; 8 d
Répétant notre cri d'alarmes, 8 e
Il mêlait sa lance à nos armes, 8 e
60 Et sa voix nous disait : Amis ! 8 d
IV
Des pas d'un conquérant l'Espagne encor fumante 6+6 a
Pleurait, prostituée à notre Liberté, 6+6 b
Entre les bras sanglants de l'effroyable amante, 6+6 a
Sa royale virginité. 8 b
65 Ce peuple altier, chargé de despotes vulgaires, 6+6 c
Maudissait, épuisé de guerres, 8 c
Le monstre en ses champs accouru ; 8 d
Si las des vils tribuns et des tyrans serviles, 6+6 e
Que lui-même appelait l'étranger dans ses villes, 6+6 e
70 Sans frémir d'être secouru ! 8 d
Les français sont venus : — du Rhin jusqu'au Bosphore, 6+6 a
Peuples de l'aquilon, du couchant, du midi, 6+6 b
Pourquoi, vous dont le front, que l'effroi trouble encore, 6+6 a
Se courba sous leur pied hardi ; 8 b
75 Nations, de la veille à leur chaîne échappées, 6+6 c
Qu'on vit tomber sous leurs épées, 8 c
Ou qui par eux avez vécu ; 8 d
Empires, potentats, cités, royaumes, princes ! 6+6 e
Pourquoi, puissants états, qui fûtes nos provinces, 6+6 e
80 Me demander s'ils ont vaincu ? 8 d
Ils ont appris à l'anarchie 8 a
Ce que pèse le fer gaulois ; 8 b
Mais par eux l'Espagne affranchie 8 a
Ne peut rougir de leurs exploits ; 8 b
85 Tous les peuples, que Dieu seconde, 8 c
Quand l'hydre, en désastre féconde, 8 c
Tourne vers eux son triple dard, 8 d
Ont, ligués contre sa furie, 8 e
Le temple pour même patrie, 8 e
90 La croix pour commun étendard. 8 d
V
Pourtant, que désormais Madrid taise à l'histoire 6+6 a
Des succès trop longtemps par son orgueil redits, 6+6 b
Et le royal captif que l'ingrate victoire 6+6 a
Dans ses murs envoya jadis. 8 b
95 Cadix nous a vengés de l'affront de Pavie. 6+6 c
À l'ombre d'un héros ravie 8 c
La gloire a rendu tous ses droits ; 8 d
Oubliant quel Français a porté ses entraves, 6+6 e
La fière Espagne a vu si les mains de nos braves 6+6 e
100 Savent briser les fers des rois ! 8 d
Préparez, Castillans, des fêtes solennelles, 6+6 a
Des murs de Saragosse aux champs d'Almonacid. 6+6 b
Mêlez à nos lauriers vos palmes fraternelles ; 6+6 a
Chantez Bayard — chantons le Cid ! 8 b
105 Qu'au vieil Escurial le vieux Louvre réponde ; 6+6 c
Que votre drapeau se confonde 8 c
À nos drapeaux victorieux ; 8 d
Que Gadès édifie un autel sur sa plage ! 6+6 e
Que de lui-même, aux monts d'où se leva Pélage, 6+6 e
110 S'allume un feu mystérieux ! 8 d
Pour témoigner de leurs paroles, 8 a
Où sont ces nouveaux Décius ? 8 b
Le brasier attend les Scévoles ! 8 a
Le gouffre attend les Curtius ! 8 b
115 Quoi ! traînant leurs fronts dans la poudre, 8 c
Tous, de Bourbon, qui tient la foudre, 8 c
Embrassent les sacrés genoux !… — 8 d
Ah ! la victoire est généreuse, 8 e
Leur cause inique est malheureuse, 8 e
120 Ils sont vaincus, ils sont absous ! 8 d
VI
Un Bourbon pour punir ne voudrait pas combattre. 6+6 a
Le droit de son triomphe est toujours le pardon. 6+6 b
Pourtant des factions que son bras vient d'abattre, 6+6 a
Il éteint le dernier brandon. 8 b
125 Oh ! de combien de maux, peuples, il vous délivre ! 6+6 c
Hélas ! à quels forfaits se livre 8 c
Le monstre, à ses pieds frémissant ! 8 d
Nous qui l'avons vaincu, nous fûmes sa conquête. 6+6 e
Nous savons, lorsque tombe une royale tête, 6+6 e
130 Combien il en coule de sang ! 8 d
Ô nos guerriers, venez ! vos mères sont contentes ! 6+6 a
Vos bras, terreur du monde, en deviennent l'appui. 6+6 b
Assez on vit crouler de trônes sous vos tentes ! 6+6 a
Relevez les rois aujourd'hui. 8 b
135 Dieu met sur votre char son arche glorieuse ; 6+6 c
Votre tente victorieuse 8 c
Est son tabernacle immortel ; 8 d
Des saintes légions votre étendard dispose ; 6+6 e
Il veut que votre casque à sa droite repose 6+6 e
140 Entre les vases de l'autel ! 8 d
VII
C'en est fait ; loin de l'espérance 8 a
Chassant le crime épouvanté, 8 b
Les cieux commettent à la France 8 a
La garde de la Royauté. 8 b
145 Son génie, éclairant les trames, 8 c
Luit comme la lampe aux sept flammes, 8 c
Cachée aux temples du Jourdain ; 8 d
Gardien des trônes qu'il relève, 8 e
Son glaive est le céleste glaive 8 e
150 Qui flamboie aux portes d'Éden ! 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
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