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| = césure
HUG_8/HUG26
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE PREMIER
1818-1822
ODE ONZIÈME
BUONAPARTE
De Deo.
I
Quand la terre engloutit | les cités qui la couvrent ; 6+6 a
Que le vent sème au loin | un poison voyageur ; 6+6 b
Quand l'ouragan mugit ; | quand des monts brûlants s'ouvrent ; 6+6 a
C'est le réveil du Dieu vengeur. 8 b
5 Et si, lassant enfin | les clémences célestes, 6+6 c
Le monde à ces signes funestes 8 c
Ose répondre en les bravant, 8 d
Un homme alors, choisi | par la main qui foudroie, 6+6 e
Des aveugles fléaux | ressaisissant la proie, 6+6 e
10 Paraît, comme un fléau vivant ! 8 d
Parfois, élus maudits | de la fureur suprême, 6+6 a
Entre les nations | des hommes sont passés, 6+6 b
Triomphateurs longtemps | armés de l'anathème, — 6+6 a
Par l'anathème renversés ! 8 b
15 De l'esprit de Nemrod | héritiers formidables, 6+6 c
Ils ont sur les peuples coupables 8 c
Régné par la flamme et le fer ; 8 d
Et dans leur gloire impie, | en désastres féconde, 6+6 e
Ces envoyés du ciel | sont apparus au monde, 6+6 e
20 Comme s'ils venaient de l'enfer ! 8 d
II
Naguère, de lois affranchie, 8 a
Quand la Reine des nations 8 b
Descendit de la monarchie, 8 a
Prostituée aux factions, 8 b
25 On vit, dans ce chaos fétide, 8 c
Naître de l'hydre régicide 8 c
Un despote, empereur d'un camp. 8 d
Telle souvent la mer qui gronde 8 e
Dévore une plaine féconde 8 e
30 Et vomit un sombre volcan. 8 d
D'abord, troublant du Nil | les hautes catacombes, 6+6 a
Il vint, chef populaire, | y combattre en courant, 6+6 b
Comme pour insulter | des tyrans dans leurs tombes, 6+6 a
Sous sa tente de conquérant. — 8 b
35 Il revint pour régner | sur ses compagnons d'armes. 6+6 c
En vain l'auguste France en larmes 8 c
Se promettait des jours plus beaux ; 8 d
Quand des vieux pharaons | il foulait la couronne, 6+6 e
Sourd à tant de néant, | ce n'était qu'un grand trône 6+6 e
40 Qu'il rêvait sur leurs grands tombeaux ! 8 d
Un sang royal teignit | sa pourpre usurpatrice ; 6+6 a
Un guerrier fut frappé | par ce guerrier sans foi ; 6+6 b
L'anarchie, à Vincenne, | admira son complice, — 6+6 a
Au Louvre elle adora son roi. 8 b
45 Il fallut presque un Dieu | pour consacrer cet homme. 6+6 c
Le Prêtre-Monarque de Rome 8 c
Vint bénir son front menaçant ; 8 d
Car, sans doute en secret | effrayé de lui-même, 6+6 e
Il voulait recevoir | son sanglant diadème 6+6 e
50 Des mains d'où le pardon descend. 8 d
III
Lorsqu'il veut, le Dieu secourable, 8 a
Qui livre au méchant le pervers, 8 b
Brise le jouet formidable 8 a
Dont il tourmentait l'univers. 8 b
55 Celui qu'un instant il seconde 8 c
Se dit le seul maître du monde ; 8 c
Fier, il s'endort dans son néant ; 8 d
Enfin, bravant la loi commune, 8 e
Quand il croit tenir sa fortune, 8 e
60 Le fantôme échappe au géant. 8 d
IV
Dans la nuit des forfaits, | dans l'éclat des victoires, 6+6 a
Cet homme, ignorant Dieu | qui l'avait envoyé, 6+6 b
De cités en cités | promenant ses prétoires, 6+6 a
Marchait, sur sa gloire appuyé. 8 b
65 Sa dévorante armée | avait, dans son passage, 6+6 c
Asservi les fils de Pélage 8 c
Devant les fils de Galgacus ; 8 d
Et, quand dans leurs foyers | il ramenait ses braves, 6+6 e
Aux fêtes qu'il vouait | à ces vainqueurs esclaves, 6+6 e
70 Il invitait les rois vaincus ! 8 d
Dix empires conquis | devinrent ses provinces. 6+6 a
Il ne fut pas content | dans son orgueil fatal. — 6+6 b
Il ne voulait dormir | qu'en une cour de princes, 6+6 a
Sur un trône continental ! 8 b
75 Ses aigles, qui volaient | sous vingt cieux parsemées, 6+6 c
Au nord, de ses longues armées 8 c
Guidèrent l'immense appareil ; 8 d
Mais là parut l'écueil | de sa course hardie. 6+6 e
Les peuples sommeillaient : | un sanglant incendie 6+6 e
80 Fut l'aurore du grand réveil ! 8 d
Il tomba Roi ; — puis, dans sa route, 8 a
Il voulut, fantôme ennemi, 8 b
Se relever, afin sans doute 8 a
De ne plus tomber à demi. 8 b
85 Alors, loin de sa tyrannie, 8 c
Pour qu'une effrayante harmonie 8 c
Frappât l'orgueil anéanti, 8 b
On jeta ce captif suprême 8 d
Sur un rocher, débris lui-même 8 d
90 De quelque ancien monde englouti ! 8 b
Là, se refroidissant | comme un torrent de lave, 6+6 a
Gardé par ses vaincus, | chassé de l'univers, 6+6 b
Ce reste d'un tyran, | en s'éveillant esclave, 6+6 a
N'avait fait que changer de fers. 8 b
95 Des trônes restaurés | écoutant la fanfare, 6+6 c
Il brillait de loin comme un phare, 8 c
Montrant l'écueil au nautonier. 8 d
Il mourut. — Quand ce bruit | éclata dans nos villes, 6+6 e
Le monde respira | dans les fureurs civiles, 6+6 e
100 Délivré de son prisonnier ! 8 d
Ainsi l'orgueil s'égare | en sa marche éclatante, 6+6 a
Colosse né d'un souffle | et qu'un regard abat. — 6+6 b
Il fit du glaive un sceptre, | et du trône une tente. 6+6 a
Tout son règne fut un combat. 8 b
105 Du fléau qu'il portait | lui-même tributaire, 6+6 c
Il tremblait, prince de la terre ; 8 c
Soldat, on vantait sa valeur. 8 d
Retombé dans son cœur | comme dans un abîme, 6+6 e
Il passa par la gloire, | il passa par le crime, 6+6 e
110 Et n'est arrivé qu'au malheur. 8 d
V
Peuples, qui poursuivez d'hommages 8 a
Les victimes et les bourreaux, 8 b
Laissez-le fuir seul dans les âges ; — 8 a
Ce ne sont point là les héros ! 8 b
115 Ces faux dieux, que leur siècle encense, 8 c
Dont l'avenir hait la puissance, 8 c
Vous trompent dans votre sommeil ; 8 d
Tels que ces nocturnes aurores 8 e
Où passent de grands météores, 8 e
120 Mais que ne suit pas le soleil. 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
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