Métrique en Ligne
HUG_8/HUG20
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE PREMIER
1818-1822
ODE CINQUIÈME
LOUIS XVII
Capet, éveille-toi !
I
En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent ; 6+6 a
Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent ; 6+6 a
Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés ; 6+6 b
Et les élus voyaient, lumineuses phalanges, 6+6 c
5 Venir une jeune âme entre de jeunes anges 6+6 c
Sous les portiques étoilés. 8 b
C'était un bel enfant qui fuyait de la terre ; — 6+6 a
Son œil bleu du malheur portait le signe austère ; 6+6 a
Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants ; 6+6 b
10 Et les vierges du ciel, avec des chants de fête, 6+6 c
Aux palmes du Martyre unissaient sur sa tête 6+6 c
La couronne des innocents. 8 b
II
On entendit des voix qui disaient dans la nue : 6+6 a
— « Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue ; 6+6 a
15 Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir ; 6+6 b
Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges, 6+6 c
Séraphins, prophètes, archanges, 8 c
Courbez-vous, c'est un Roi ; chantez, c'est un Martyr ! » 6+6 b
— « Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre. 6+6 a
20 Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi. 6+6 b
Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre. 6+6 a
Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi. 6+6 b
Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère ; 6+6 c
Ses bourreaux, Ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel ; 6+6 d
25 Je suis un orphelin ; je viens chercher ma mère, 6+6 c
Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel. » 8 d
Les anges répondaient : — « Ton Sauveur te réclame. 6+6 a
Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme. 6+6 a
Fuis la terre insensée où l'on brise la Croix, 6+6 b
30 Où jusque dans la mort descend le Régicide, 6+6 c
Où le Meurtre, d'horreurs avide, 8 c
Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois ! » 6+6 b
— « Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ? 6+6 a
Disait-il ; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ? 6+6 b
35 Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste, 6+6 a
Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ? 6+6 b
Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine, 6+6 c
J'ai prié ; Dieu veut-il enfin me secourir ? 6+6 d
Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ? 6+6 c
40 Ai-je eu le bonheur de mourir ? 8 d
« Car vous ne savez point quelle était ma misère ! 6+6 a
Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs ; 6+6 b
Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère 6+6 a
Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs. 6+6 b
45 D'un châtiment sans fin languissante victime, 6+6 c
De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau, 6+6 d
J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime 6+6 c
J'avais commis dans mon berceau. 8 d
« Et pourtant, écoutez : bien loin dans ma mémoire, 6+6 a
50 J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi ; 6+6 b
J'entendais en dormant des bruits confus de gloire, 6+6 a
Et des peuples joyeux veillaient autour de moi. 6+6 b
Un jour tout disparut dans un sombre mystère ; 6+6 c
Je vis fuir l'avenir à mes destins promis ; 6+6 d
55 Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre, 6+6 c
Hélas ! et j'eus des ennemis ! 8 d
« Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires ; 6+6 a
Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil ; 6+6 b
Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères, 6+6 a
60 Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil. 6+6 b
Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières, 6+6 c
Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux ; 6+6 d
Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières, 6+6 c
Car je viens vous prier pour eux. » 8 d
65 Et les anges chantaient : — « L'arche à toi se dévoile, 6+6 a
Suis-nous ; sur ton beau front nous mettrons une étoile. 6+6 a
Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils ; 6+6 b
Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure, 6+6 c
Ou, dans leur brûlante demeure, 8 c
70 D'un souffle lumineux rajeunir les soleils ! » 6+6 b
III
Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent ; 6+6 a
Il baissa son regard par les larmes terni ; 6+6 b
Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent, 6+6 a
Et l'éternelle voix parla dans l'infini : 6+6 b
75 « Ô roi ! je t'ai gardé loin des grandeurs humaines. 6+6 a
Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes. 6+6 a
Va, mon fils, bénis tes revers. 8 b
Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême, 6+6 c
Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème, 6+6 c
80 Si tes bras sont meurtris de fers. 8 b
« Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie ; 6+6 a
Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie 6+6 a
Avait entouré ton berceau ! 8 b
Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines, 6+6 c
85 Et mon Fils, comme toi, Roi couronné d'épines, 6+6 c
Porta le sceptre de roseau ! » 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
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