Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG102
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
BALLADES
1823-1828
BALLADE QUINZIÈME
LA FÉE ET LA PÉRI
Leur ombre vagabonde, a travers le feuillage,
Frémira ; sur les vents ou sur quelque nuage,
Tu les verras descendre ; ou, du sein de la mer
S'élevant comme un songe, étinceler dans l'air ;
Et leur voix, toujours tendre et doucement plaintive,
Caresser en fuyant ton oreille attentive.
ANDRÉ CHÉNIER.
I
Enfants ! Si vous mouriez,gardez bien qu'un esprit 6+6 a
De la route des cieuxne détourne votre âme ! 6+6 b
Voici ce qu'autrefoisun vieux sage m'apprit : — 6+6 a
Quelques démons, sauvésde l'éternelle flamme, 6+6 b
5 Rebelles moins perversque l'Archange proscrit, 6+6 c
Sur la terre, le feu,l'onde ou l'air les réclame, 6+6 b
Attendent, exilés,le jour de Jésus-Christ. 6+6 c
Il en est qui, bannisdes célestes phalanges, 6+6 a
Ont de si douces voixqu'on les prend pour des anges. 6+6 a
10 Craignez-les : pour mille ansexclus du paradis, 6+6 a
Ils vous entrneraient,enfants, au purgatoire ! — 6+6 b
Ne me demandez pasd' me vient cette histoire ; 6+6 b
Nos pères l'ont contée ;et moi, je la redis. 6+6 a
II
LA PÉRI
  vas-tu donc jeune âme ?… Écoute ! 8 a
15  Mon palais pour toi veut s'ouvrir. 8 b
 Suis-moi, des cieux quitte la route ; 8 a
 Hélas ! tu t'y perdrais sans doute, 8 a
 Nouveau-né, qui viens de mourir ! 8 b
 Tu pourras jouer à toute heure 8 a
20  Dans mes beaux jardins aux fruits d'or ; 8 b
 Et de ma riante demeure 8 a
 Tu verras ta mère qui pleure 8 a
 Près de ton berceau, tiède encor. 8 b
 Des Péris je suis la plus belle : 8 a
25  Mes sœurs règnent nt le jour ; 8 b
 Je brille en leur troupe immortelle, 8 a
 Comme, entre les fleurs, brille celle 8 a
 Que l'on cueille en rêvant d'amour, 8 b
 Mon front porte un ruban de soie ; 8 a
30  Mes bras de rubis sont couverts ; 8 b
 Quand mon vol ardent se déploie, 8 a
 L'aile de pourpre qui tournoie 8 a
 Roule trois yeux de flamme ouverts. 8 b
 Plus blanc qu'une lointaine voile, 8 a
35  Mon corps n'en a point la pâleur ; 8 b
 En quelque lieu qu'il se dévoile, 8 a
 Il l'éclaire comme une étoile, 8 a
 Il l'embaume comme une fleur ! 8 b
LA FÉE
 Viens, bel enfant ! je suis la Fée. 8 a
40  Je règne aux bords le soleil 8 b
 Au sein de l'onde réchauffée, 8 a
 Se plonge éclatant et vermeil. 8 b
 Les peuples d'Occident m'adorent 8 a
 Les vapeurs de leur ciel se dorent, 8 a
45  Lorsque je passe en les touchant ; 8 a
 Reine des ombres léthargiques, 8 b
 Je bâtis mes palais magiques 8 b
 Dans les nuages du couchant. 8 a
 Mon aile bleue est diaphane : 8 a
50  L'essaim des Sylphes enchantés 8 b
 Croit voir sur mon dos, quand je plane, 8 a
 Frémir deux rayons argentés. 8 b
 Ma main luit, rose et transparente ; 8 a
 Mon souffle est la brise odorante 8 a
55  Qui, le soir, erre dans les champs ; 8 a
 Ma chevelure est radieuse, 8 b
 Et ma bouche mélodieuse 8 b
 Mêle un sourire à tous ses chants ! 8 a
 J'ai des grottes de coquillages ; 8 a
60  J'ai des tentes de rameaux verts ; 8 b
 C'est moi que bercent les feuillages, 8 a
 Moi que berce le flot des mers. 8 b
 Si tu me suis, ombre ingénue, 8 a
 Je puis t'apprendre va la nue, 8 a
65  Te montrer d' viennent les eaux ; 8 a
 Viens, sois ma compagne nouvelle, 8 b
 Si tu veux que je te révèle 8 b
 Ce que dit la voix des oiseaux. 8 a
III
LA PÉRI
Ma sphère est l'Orient,région éclatante, 6+6 a
70 le soleil est beaucomme un roi dans sa tente ! 6+6 a
Son disque s'y promèneen un ciel toujours pur. 6+6 a
Ainsi, portant l'émird'une riche contrée, 6+6 b
 Aux sons de la flûte sacrée, 8 b
Vogue un navire d'orsur une mer d'azur. 6+6 a
75 Tous les dons ont combléla zone orientale. 6+6 a
Dans tout autre climat,par une loi fatale, 6+6 a
Près des fruits savoureuxcroissent les fruits amers ; 6+6 a
Mais Dieu, qui pour l'Asiea des yeux moins austères, 6+6 b
 Y donne plus de fleurs aux terres, 8 b
80 Plus d'étoiles aux cieux,plus de perles aux mers ! 6+6 a
Mon royaume s'étenddepuis ces catacombes 6+6 a
Qui paraissent des montset ne sont que des tombes, 6+6 a
Jusqu'à ce mur qu'un peupleose en vain assiéger, 6+6 a
Qui, tel qu'une ceinture le Cathay respire, 6+6 b
85  Environnant tout un empire, 8 b
Garde dans l'universcomme un monde étranger ! 6+6 a
J'ai de vastes citésqu'en tous lieux on admire, 6+6 a
Lahore aux champs fleuris ;Golconde ; Cachemire ; 6+6 a
La guerrière Damas ;la royale Ispahan ; 6+6 a
90 Bagdad, que ses rempartscouvrent comme une armure ; 6+6 b
 Alep dont l'immense murmure 8 b
Semble au pâtre lointainle bruit d'un Océan. 6+6 a
Mysore est sur son trôneune reine placée ; 6+6 a
Médine aux mille tours,d'aiguilles hérissée, 6+6 a
95 Avec ses flèches d'or,ses kiosques brillants, 6+6 a
Est comme un bataillon,arrêté dans les plaines, 6+6 b
 Qui, parmi ses tentes hautaines, 8 b
Élève une forêtde dards étincelants. 6+6 a
On dirait qu'au désert,Thèbes, debout encore, 6+6 a
100 Attend son peuple entier,absent depuis l'aurore. 6+6 a
Madras a deux citésdans ses larges contours. 6+6 a
Plus loin brille Delhy,la ville sans rivales, 6+6 b
 Et sous ses portes triomphales 8 b
Douze éléphants de frontpassent avec leurs tours. 6+6 a
105 Bel enfant ! viens errer,parmi tant de merveilles 6+6 a
Sur ces toits pleins de fleursainsi que des corbeilles, 6+6 a
Dans le camp vagabonddes Arabes ligués. 6+6 a
Viens ; nous verrons danserles jeunes bayadères, 6+6 b
 Le soir, lorsque les dromadaires 8 b
110 Près du puits du déserts'arrêtent fatigués. 6+6 a
Là, sous de verts figuiers,sous d'épais sycomores, 6+6 a
Luit le dôme d'étaindu minaret des Maures ; 6+6 a
La pagode de nacreau toit rose et changeant ; 6+6 a
La tour de porcelaineaux clochettes dorées, 6+6 b
115  Et, dans les jonques azurées, 8 b
Le palanquin de pourpreaux longs rideaux d'argent. 6+6 a
J'écarterai pour toiles rameaux du platane 6+6 a
Qui voile dans son bainla rêveuse sultane ; 6+6 a
Viens, nous rassureronscontre un ingrat oubli 6+6 a
120 La vierge, qui, tirnide,ouvrant la nuit sa porte, 6+6 b
 Écoute si le vent lui porte 8 b
La voix qu'elle préfèreau chant du bengali. 6+6 a
L'Orient fut jadisle paradis du monde. — 6+6 a
Un printemps éternelde ses roses l'inonde, 6+6 a
125 Et ce vaste hémisphèreest un riant jardin. 6+6 a
Toujours autour de noussourit la douce joie ; 6+6 b
 Toi qui gémis, suis notre voie : 8 b
Que t'importe le Ciel,quand je t'ouvre l'Éden ? 6+6 a
LA FÉE
L'Occident nébuleuxest ma patrie heureuse. 6+6 a
130 Là, variant dans l'airsa forme vaporeuse, 6+6 a
Fuit la blanche nuée,et de loin bien souvent 6+6 a
Le mortel isoléqui, radieux ou sombre, 6+6 b
 Poursuit un songe ou pleure une ombre, 8 b
 Assis, la contemple en rêvant ! 8 a
135 Car il est des douceurspour les âmes blessées 6+6 a
Dans les brumes du lacsur nos bois balancées, 6+6 a
Dans nos monts l'hiversemble à jamais s'asseoir ; 6+6 a
Dans l'étoile, pareilleà l'espoir solitaire, 6+6 b
 Qui vient, quand le jour fuit la terre, 8 b
140  Mêler son orient au soir. 8 a
Nos cieux voilés plairontà ta douleur amère, 6+6 a
Enfant, que Dieu retireet qui pleures ta mère ! 6+6 a
Viens, l'écho des vallons,les soupirs du ruisseau, 6+6 a
Et la voix des forêtsau bruit des vents unie, 6+6 b
145  Te rendront la vague harmonie 8 b
 Qui t'endormait dans ton berceau ! 8 a
Crains des bleus horizonsle cercle monotone. 6+6 a
Les brouillards, les vapeurs,le nuage qui tonne, 6+6 a
Tempèrent le soleildans nos cieux parvenu ; 6+6 a
150 Et l'œil voit au loin fuirleurs lignes nébuleuses, 6+6 b
 Comme des flottes merveilleuses 8 b
 Qui viennent d'un monde inconnu ! 8 a
C'est pour moi que les ventsfont, sur nos mers bruyantes 6+6 a
Tournoyer l'air et l'ondeen trombes foudroyantes ; 6+6 a
155 La tempête à mes chantssuspend son vol fatal ; 6+6 a
L'arc-en-ciel pour mes pieds,qu'un or fluide arrose, 6+6 b
 Comme un pont de nacre, se pose 8 b
 sur les cascades de cristal. 8 a
Du moresque Alhambraj'ai les frêles portiques ; 6+6 a
160 J'ai la grotte enchantéeaux piliers basaltiques, 6+6 a
la mer de Staffabrise un flot inégal ; 6+6 a
Et j'aide le pêcheur,roi des vagues brumeuses, 6+6 b
 À bâtir ses huttes fumeuses 8 b
 Sur les vieux palais de Fingal. 8 a
165 Épouvantant les nuitsd'une trompeuse aurore, 6+6 a
Là, souvent à ma voixun rouge météore 6+6 a
Croise en vte de feuses gerbes dans les airs ; 6+6 a
Et le chasseur, deboutsur la roche pendante, 6+6 b
 Croit voir une comète ardente 8 b
170  Baignant ses flammes dans les mers ! 8 a
Viens, jeune âme, avec moi,de mes sœurs obéie, 6+6 a
Peupler de gais folletsla morose abbaye ; 6+6 a
Mes nains et mes géantste suivront à ma voix ; 6+6 a
Viens, troublant de ton corles monts inaccessibles, 6+6 b
175  Guider ces meutes invisibles 8 b
 Qui la nuit chassent dans nos bois. 8 a
Tu verras les barons,sous leurs tours féodales, 6+6 a
De l'humble pèlerindétachant les sandales ; 6+6 a
Et les sombres créneauxd'écussons décorés ; 6+6 a
180 Et la dame tout baspriant, pour un beau page, 6+6 b
 Quelque mystérieuse image 8 b
 Peinte sur des vitraux dorés. 8 a
C'est nous qui, visitantles gothiques églises, 6+6 a
Ouvrons leur nef sonoreau murmure des brises ; 6+6 a
185 Quand la lune du trembleargente les rameaux, 6+6 a
Le pâtre voit dans l'air,avec des chants mystiques, 6+6 b
 Folâtrer nos chœurs fantastiques 8 b
 Autour du clocher des hameaux. 8 a
De quels enchantementsl'Occident se décore ! 6+6 a
190 Viens, le ciel est bien loin,ton aile est faible encore ! 6+6 a
Oublie en notre empireun voyage fatal. 6+6 a
Un charme s'y révèleaux lieux les plus sauvages ; 6+6 b
 Et l'étranger dit nos rivages 8 b
 Plus doux que le pays natal ! 8 a
IV
195 Et l'enfant hésitait,et déjà moins rebelle 6+6 a
Écoutait des espritsl'appel fallacieux ; 6+6 b
La terre qu'il fuyaitsemblait pourtant si belle ! — 6+6 a
Soudain il disparutà leur vue infidèle 6+6 a
 Il avait entrevu les cieux ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université