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| = césure
HUG_7/HUG668
Victor HUGO
Les Chansons des rues et des bois
1865
LIVRE SECOND
III
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
V
L'ASCENSION HUMAINE
Tandis qu'au loin des nuées, 7 z
Qui semblent des paradis, 7 a
Dans le bleu sont remuées, 7 z
Je t'écoute, et tu me dis : 7 a
5 « Quelle idée as-tu de l'homme, 7 b
« De croire qu'il aide Dieu ? 7 c
« L'homme est-il donc l'économe 7 b
« De l'eau, de l'air et du feu ? 7 c
« Est-ce que, dans son armoire, 7 d
10 « Tu l'aurais vu de tes yeux 7 e
« Serrer les rouleaux de moire 7 d
« Que l'aube déploie aux cieux ? 7 e
« Est-ce lui qui gonfle et ride 7 f
« La vague, et lui dit : Assez ! 7 g
15 « Est-ce lui qui tient la bride 7 f
« Des éléments hérissés ? 7 g
« Sait-il le secret de l'herbe ? 7 i
« Parle-t-il au nid vivant ? 7 j
« Met-il sa note superbe 7 i
20 « Dans le noir clairon du vent ? 7 j
« La marée âpre et sonore 7 k
« Craint-elle son éperon ? 7 l
« Connaît-il le météore ? 7 k
« Comprend-il le moucheron ? 7 l
25 « L'homme aider Dieu ! lui, ce songe, 7 m
« Ce spectre en fuite et tremblant ! 7 j
« Est-ce grâce à son éponge 7 m
« Que le cygne reste blanc ? 7 j
« Le fait veut, l'homme acquiesce. 7 o
30 « Je ne vois pas que sa main 7 p
« Découpe à l'emporte-pièce 7 o
« Les pétales du jasmin. 7 p
« Donne-t-il l'odeur aux sauges, 7 q
« Parce qu'il sait faire un trou 7 r
35 « Pour mêler le grès des Vosges 7 q
« Au salpêtre du Pérou ? 7 r
« Règle-t-il l'onde et la brise, 7 t
« Parce qu'il disséquera 7 u
« De l'argile qu'il a prise 7 t
40 « Près de Rio-Madera ? 7 u
« Ôte Dieu ; puis imagine, 7 v
« Essaie, invente ; épaissis 7 a
« L'idéal subtil d'Égine 7 v
« Par les dogmes d'Éleusis ; 7 a
45 « Soude Orphée à Lamettrie ; 7 w
« Joins, pour ne pas être à court, 7 x
« L'école d'Alexandrie 7 w
« À l'école d'Édimbourg ; 7 x
« Va du conclave au concile, 7 z
50 « D'Anaximandre à Destutt ; 7 a
« Dans quelque cuve fossile 7 z
« Exprime tout l'institut ; 7 a
« Démaillote la momie ; 7 w
« Presse Œdipe et Montyon ; 7 l
55 « Mets en pleine académie 7 w
« Le sphinx à la question ; 7 l
« Fouille le doute et la grâce ; 7 b
« Amalgame en ton guano 7 c
« À la Sybaris d'Horace 7 b
60 « Les Chartreux de saint Bruno ; 7 c
« Combine Genève et Rome ; 7 b
« Fais mettre par ton fermier 7 g
« Toutes les vertus de l'homme 7 b
« Dans une fosse à fumier ; 7 g
65 « Travaille avec patience 7 d
« En puisant au monde entier ; 7 g
« Prends pour pilon la science 7 d
« Et l'abîme pour mortier ; 7 g
« Va, forge ! je te défie 7 w
70 « De faire de ton savoir 7 e
« Et de ta philosophie 7 w
« Sortir un grain de blé noir ! 7 e
« Dieu, de sa droite, étreint, fauche, 7 f
« Sème, et tout est rajeuni ; 7 g
75 « L'homme n'est qu'une main gauche 7 f
« Tâtonnant dans l'infini. 7 g
« Aux heures mystérieuses, 7 h
« Quand l'eau se change en miroir, 7 e
« Rôdes-tu sous les yeuses, 7 h
80 « L'esprit plongé dans le soir ? 7 e
« Te dis-tu : — Qu'est-ce que l'homme ? 7 b
« Sonde, ami, sa nullité ; 7 g
« Cherche, de quel chiffre, en somme, 7 b
« Il accroît l'éternité ! 7 g
85 « L'homme est vain. Pourquoi, poète, 7 i
« Ne pas le voir tel qu'il est, 7 g
« Dans le sépulcre squelette, 7 i
« Et sur la terre valet ! 7 g
« L'homme est nu, stérile, blême, 7 k
90 « Plus frêle qu'un passereau ; 7 c
« C'est le puits du néant même 7 k
« Qui s'ouvre dans ce zéro. 7 c
« Va, Dieu crée et développe 7 l
« Un lion très réussi, 7 g
95 « Un bélier, une antilope, 7 l
« Sans le concours de Poissy. 7 g
« Il fait l'aile de la mouche 7 m
« Du doigt dont il façonna 7 u
« L'immense taureau farouche 7 m
100 « De la Sierra Morena ; 7 u
« Et dans l'herbe et la rosée 7 n
« Sa génisse au fier sabot 7 o
« Règne, et n'est point éclipsée 7 n
« Par la vache Sarlabot. 7 o
105 « Oui, la graine dans l'espace 7 b
« Vole à travers le brouillard, 7 p
« Et de toi le vent se passe, 7 b
« Semoir Jacquet-Robillard ! 7 p
« Ce laboureur, la tempête, 7 i
110 « N'a pas, dans les gouffres noirs, 7 q
« Besoin que Grignon lui prête 7 i
« Sa charrue à trois versoirs. 7 q
« Germinal, dans l'atmosphère, 7 r
« Soufflant sur les prés fleuris, 7 a
115 « Sait encor mieux son affaire 7 r
« Qu'un maraîcher de Paris. 7 a
« Quand Dieu veut teindre de flamme 7 s
« Le scarabée ou la fleur, 7 t
« Je ne vois point qu'il réclame 7 s
120 « La lampe de l'émailleur. 7 t
« L'homme peut se croire prêtre, 7 u
« L'homme peut se dire roi, 7 v
« Je lui laisse son peut-être, 7 u
« Mais je doute, quant à moi, 7 v
125 « Que Dieu, qui met mon image 7 w
« Au lac où je prends mon bain, 7 p
« Fasse faire l'étamage 7 w
« Des étangs, à Saint-Gobain. 7 p
« Quand Dieu pose sur l'eau sombre 7 x
130 « L'arc-en-ciel comme un siphon, 7 l
« Quand au tourbillon plein d'ombre 7 x
« Il attelle le typhon, 7 l
« Quand il maintient d'âge en âge 7 w
« L'hiver, l'été, mai vermeil, 7 y
135 « Janvier triste, et l'engrenage 7 w
« De l'astre autour du soleil, 7 y
« Quand les zodiaques roulent, 7 z
« Amarrés solidement, 7 j
« Sans que jamais elles croulent, 7 z
140 « Aux poutres du firmament, 7 j
« Quand tournent, rentrent et sortent 7 a
« Ces effrayants cabestans 7 b
« Dont les extrémités portent 7 a
« Le ciel, les saisons, le temps ; 7 b
145 « Pour combiner ces rouages 7 c
« Précis comme l'absolu, 7 d
« Pour que l'urne des nuages 7 c
« Bascule au moment voulu, 7 d
« Pour que la planète passe, 7 b
150 « Tel jour, au point indiqué, 7 g
« Pour que la mer ne s'amasse 7 b
« Que jusqu'à l'ourlet du quai, 7 e
« Pour que jamais la comète 7 i
« Ne rencontre un univers, 7 e
155 « Pour que l'essaim sur l'Hymète 7 i
« Trouve en juin les lys ouverts, 7 e
« Pour que jamais, quand approche 7 g
« L'heure obscure où l'azur luit, 7 h
« Une étoile ne s'accroche 7 g
160 « À quelque angle de la nuit, 7 h
« Pour que jamais les effluves 7 i
« Les forces, le gaz, l'aimant, 7 j
« Ne manquent aux vastes cuves 7 i
« De l'éternel mouvement, 7 j
165 « Pour régler ce jeu sublime, 7 j
« Cet équilibre béni, 7 g
« Ces balancements d'abîme, 7 j
« Ces écluses d'infini, 7 g
« Pour que, courbée ou grandie, 7 w
170 « L'œuvre marche sans un pli, 7 g
« Je crois peu qu'il étudie 7 w
« La machine de Marly ! » 7 g
Ton ironie est amère, 7 r
Mais elle se trompe, ami. 7 g
175 Dieu compte avec l'éphémère, 7 r
Et s'appuie à la fourmi. 7 g
Dieu n'a rien fait d'inutile. 7 z
La terre, hymne où rien n'est vain, 7 p
Chante, et l'homme est le dactyle 7 z
180 De l'hexamètre divin. 7 p
L'homme et Dieu sont parallèles : 7 k
Dieu créant, l'homme inventant. 7 j
Dieu donne à l'homme ses ailes. 7 k
L'éternité fait l'instant. 7 j
185 L'homme est son auxiliaire 7 r
Pour le bien et la vertu. 7 d
L'arbre est Dieu, l'homme est le lierre ; 7 r
Dieu de l'homme s'est vêtu. 7 d
Dieu s'en sert, donc il s'en aide. 7 l
190 L'astre apparaît dans l'éclair ; 7 g
Zéus est dans Archimède, 7 l
Et Jéhovah dans Képler. 7 g
Jusqu'à ce que l'homme meure, 7 n
Il va toujours en avant. 7 j
195 Sa pensée a pour demeure 7 n
L'immense idéal vivant. 7 j
Dans tout génie il s'incarne ; 7 o
Le monde est sous son orteil ; 7 y
Et s'il n'a qu'une lucarne, 7 o
200 Il y pose le soleil. 7 y
Aux terreurs inabordable, 7 p
Coupant tous les fatals nœuds, 7 e
L'homme marche formidable, 7 p
Tranquille et vertigineux. 7 e
205 De limon il se fait lave, 7 r
Et colosse d'embryon ; 7 l
Épictète était esclave, 7 r
Molière était histrion, 7 l
Ésope était saltimbanque, 7 s
210 Qu'importe !il n'est arrêté 7 g
Que lorsque le pied lui manque 7 s
Au bord de l'éternité. 7 g
L'homme n'est pas autre chose 7 t
Que le prête-nom de Dieu. 7 c
215 Quoi qu'il fasse, il sent la cause 7 t
Impénétrable, au milieu. 7 c
Phidias cisèle Athènes ; 7 u
Michel-Ange est surhumain ; 7 p
Cyrus, Rhamsès, capitaines, 7 u
220 Ont une flamme à la main ; 7 p
Euclide trouve le mètre, 7 u
Le rythme sort d'Amphion ; 7 l
Jésus-Christ vient tout soumettre, 7 u
Même le glaive, au rayon ; 7 l
225 Brutus fait la délivrance ; 7 d
Platon fait la liberté ; 7 g
Jeanne d'Arc sacre la France 7 d
Avec sa virginité ; 7 g
Dans le bloc des erreurs noires 7 v
230 Voltaire enfonce ses coins ; 7 w
Luther brise les mâchoires 7 v
De Rome entre ses deux poings ; 7 w
Dante ouvre l'ombre et l'anime ; 7 j
Colomb fend l'océan bleu… 7 c
235 C'est Dieu sous un pseudonyme, 7 j
C'est Dieu masqué, mais c'est Dieu. 7 c
L'homme est le fanal du monde. 7 x
Ce puissant esprit banni 7 g
Jette une lueur profonde 7 x
240 Jusqu'au seuil de l'infini. 7 g
Cent carrefours se partagent 7 y
Ce chercheur sans point d'appui ; 7 g
Tous les problèmes étagent 7 y
Leurs sombres voûtes sur lui. 7 g
245 Il dissipe les ténèbres ; 7 z
Il montre dans le lointain 7 p
Les promontoires funèbres 7 z
De l'abîme et du destin. 7 p
Il fait voir les vagues marches 7 a
250 Du sépulcre, et sa clarté 7 g
Blanchit les premières arches 7 a
Du pont de l'éternité. 7 g
Sous l'effrayante caverne 7 b
Il rayonne, et l'horreur fuit. 7 h
255 Quelqu'un tient cette lanterne ; 7 b
Mais elle t'éclaire, ô nuit ! 7 h
Le progrès est en litige 7 c
Entre l'homme et Jéhovah ; 7 u
La greffe ajoute à la tige ; 7 c
260 Dieu cacha, l'homme trouva. 7 u
De quelque nom qu'on la nomme, 7 b
La science au vaste vœu 7 c
Occupe le pied de l'homme 7 b
À faire les pas de Dieu. 7 c
265 La mer tient l'homme et l'isole, 7 e
Et l'égare loin du port ; 7 f
Par le doigt de la boussole 7 e
Il se fait montrer le nord. 7 f
Dans sa morne casemate, 7 h
270 Penn rend ce damné meilleur ; 7 t
Jenner dit : Va-t'en, stigmate ! 7 h
Jackson dit : Va-t'en, douleur ! 7 t
Dieu fait l'épi, nous la gerbe ; 7 i
Il est grand, l'homme est fécond ; 7 i
275 Dieu créa le premier verbe 7 i
Et Gutenberg le second. 7 i
La pesanteur, la distance, 7 d
Contre l'homme aux luttes prêt, 7 j
Prononcent une sentence ; 7 d
280 Montgolfier casse l'arrêt. 7 j
Tous les anciens maux tenaces, 7 j
Hurlant sous le ciel profond, 7 i
Ne sont plus que des menaces 7 j
De fantômes qui s'en vont. 7 i
285 Le tonnerre au bruit difforme 7 l
Gronde…on raille sans péril 7 m
La marionnette énorme 7 l
Que Franklin tient par un fil. 7 m
Nemrod était une bête 7 i
290 Chassant aux hommes, parmi 7 g
La démence et la tempête 7 i
De l'ancien monde ennemi. 7 g
Dracon était un cerbère 7 r
Qui grince encor sous le ciel 7 y
295 Avec trois têtes : Tibère, 7 r
Caïphe et Machiavel. 7 y
Nemrod s'appelait la Force, 7 n
Dracon s'appelait la Loi ; 7 v
On les sentait sous l'écorce 7 n
300 Du vieux prêtre et du vieux roi. 7 v
Tous deux sont morts. Plus de haines ! 7 u
Oh ! ce fut un puissant bruit 7 h
Quand se rompirent les chaînes 7 u
Qui liaient l'homme à la nuit ! 7 h
305 L'homme est l'appareil austère 7 r
Du progrès mystérieux ; 7 e
Dieu fait par l'homme sur terre 7 r
Ce qu'il fait par l'ange aux cieux. 7 e
Dieu sur tous les êtres pose 7 t
310 Son reflet prodigieux, 7 e
Créant le bien par la chose, 7 t
Créant par l'homme le mieux. 7 e
La nature était terrible, 7 o
Sans pitié, presque sans jour ; 7 p
315 L'homme la vanne en son crible, 7 o
Et n'y laisse que l'amour. 7 p
Toutes sortes de lois sombres 7 q
Semblaient sortir du destin ; 7 p
Le mal heurtait aux décombres 7 q
320 Le pied de l'homme incertain. 7 p
Pendant qu'à travers l'espace 7 b
Elle roule en hésitant ; 7 j
Un flot de ténèbres passe 7 b
Sur la terre à chaque instant ; 7 j
325 Mais des foyers y flamboient, 7 r
Tout s'éclaircit, on le sent, 7 j
Et déjà les anges voient 7 r
Ce noir globe blanchissant. 7 j
Sous l'urne des jours sans nombre 7 x
330 Depuis qu'il suit son chemin, 7 p
La décroissance de l'ombre 7 x
Vient des yeux du genre humain. 7 p
L'autel n'ose plus proscrire ; 7 s
La misère est morte enfin ; 7 p
335 Pain à tous ! on voit sourire 7 s
Les sombres dents de la faim. 7 p
L'erreur tombe ; on l'évacue ; 7 t
Les dogmes sont muselés ; 7 h
La guerre est une vaincue ; 7 t
340 Joie aux fleurs et paix aux blés ! 7 h
L'ignorance est terrassée ; 7 n
Ce monstre, à demi dormant, 7 j
Avait la nuit pour pensée 7 n
Et pour voix le bégaiement. 7 j
345 Oui, voici qu'enfin recule 7 u
L'affreux groupe des fléaux ! 7 v
L'homme est l'invincible hercule, 7 u
Le balayeur du chaos. 7 v
Sa massue est la justice, 7 t
350 Sa colère est la bonté. 7 g
Le ciel s'appuie au solstice 7 t
Et l'homme à sa volonté. 7 g
Il veut. Tout cède et tout plie. 7 w
Il construit quand il détruit ; 7 h
355 Et sa science est remplie 7 w
Des lumières de la nuit. 7 h
Il enchaîne les désastres, 7 x
Il tord la rébellion, 7 l
Il est sublime ; et les astres 7 x
360 Sont sur sa peau de lion. 7 l
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