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HUG_7/HUG603
Victor HUGO
Les Chansons des rues et des bois
1865
LIVRE PREMIER
JEUNESSE
I
FLORÉAL
IV
LE POÈTE BAT AUX CHAMPS
I
Aux champs, compagnons et compagnes ! 8 z
Fils, j'élève à la dignité 8 a
De géorgiques les campagnes 8 z
Quelconques où flambe l'été ! 8 a
5 Flamber, c'est là toute l'histoire 8 b
Du cœur, des sens, de la saison, 8 c
Et de la pauvre mouche noire 8 b
Que nous appelons la raison. 8 c
Je te fais molosse, ô mon dogue ! 8 d
10 L'acanthe manque ? j'ai le thym. 8 e
Je nomme Vaugirard églogue ; 8 d
J'installe Amyntas à Pantin. 8 e
La nature est indifférente 8 f
Aux nuances que nous créons 8 g
15 Entre Gros-Guillaume et Dorante ; 8 f
Tout pampre a ses Anacréons. 8 g
L'idylle volontiers patoise. 8 h
Et je ne vois point que l'oiseau 8 i
Préfère Haliarte à Pontoise 8 h
20 Et Coronée à Palaiseau. 8 i
Les plus beaux noms de la Sicile 8 j
Et de la Grèce ne font pas 8 k
Que l'âne au fouet soit plus docile, 8 j
Que l'amour fuie à moins grands pas. 8 k
25 Les fleurs sont à Sèvre aussi fraîches 8 l
Que sur l'Hybla, cher au sylvain ; 8 e
Montreuil mérite avec ses pêches 8 l
La garde du dragon divin. 8 e
Marton nue est Phyllis sans voiles ; 8 m
30 Fils, le soir n'est pas plus vermeil, 8 n
Sous son chapeau d'ombre et d'étoiles, 8 m
À Banduse qu'à Montfermeil. 8 n
Bercy pourrait griser sept Sages ; 8 o
Les Auteuils sont fils des Tempés ; 8 p
35 Si l'Ida sombre a ses nuages, 8 o
La guinguette a des canapés. 8 p
Rien n'est haut ni bas ; les fontaines 8 q
Lavent la pourpre et le sayon ; 8 c
L'aube d'Ivry, l'aube d'Athènes, 8 q
40 Sont faites du même rayon. 8 c
J'ai déjà dit parfois ces choses, 8 r
Et toujours je les redirai ; 8 p
Car du fond de toutes les proses 8 r
Peut s'élancer le vers sacré. 8 a
45 Si Babet a la gorge ronde, 8 t
Babet égale Pholoé. 8 a
Comme Chypre la Beauce est blonde. 8 t
Larifla descend d'Évohé. 8 a
Toinon, se baignant sur la grève, 8 u
50 A plus de cheveux sur le dos 8 v
Que la Callyrhoé qui rêve 8 u
Dans le grand temple d'Abydos. 8 v
Çà, que le bourgeois fraternise 8 w
Avec les satyres cornus ! 8 x
55 Amis, le corset de Denise 8 w
Vaut la ceinture de Vénus. 8 x
II
Donc, fuyons Paris ! plus de gêne ! 8 y
Bergers, plantons là Tortoni ! 8 z
Allons boire à la coupe pleine 8 y
60 Du printemps, ivre d'infini. 8 z
Allons fêter les fleurs exquises, 8 a
Partons ! Quittons, joyeux et fous, 8 b
Pour les dryades, les marquises, 8 a
Et pour les faunes, les voyous ! 8 b
65 Plus de bouquins, point de gazettes ! 8 c
Je hais cette submersion. 8 c
Nous irons cueillir des noisettes 8 c
Dans l'été, fraîche vision. 8 c
La banlieue, amis, peut suffire. 8 d
70 La fleur, que Paris souille, y naît. 8 e
Flore y vivait avec Zéphyre 8 d
Avant de vivre avec Brunet. 8 e
Aux champs, les vers deviennent strophes. 8 f
À Paris l'étang, c'est l'égout. 8 g
75 Je sais qu'il est des philosophes 8 f
Criant très haut : — « Lutèce est tout ! 8 g
« Les champs ne valent pas la ville ! » 8 j
Fils, toujours le bon sens hurla 8 h
Quand Voltaire à Damilaville 8 j
80 Dit ces calembredaines-là. 8 h
III
Aux champs, la nuit est vénérable, 8 i
Le jour rit d'un rire enfantin ; 8 e
Le soir berce l'orme et l'érable, 8 i
Le soir est beau ; mais le matin, 8 e
85 Le matin, c'est la grande fête ; 8 j
C'est l'auréole où la nuit fond, 8 k
Où le diplomate a l'air bête, 8 j
Où le bouvier a l'air profond. 8 k
La fleur d'or du pré d'azur sombre, 8 l
90 L'astre, brille au ciel clair encor ; 8 m
En bas, le bleuet luit dans l'ombre, 8 l
Étoile bleue en un champ d'or. 8 m
L'oiseau court, les taureaux mugissent ; 8 n
Les feuillages sont enchantés ; 8 p
95 Les cercles du vent s'élargissent 8 n
Dans l'ascension des clartés. 8 p
L'air frémit ; l'onde est plus sonore ; 8 o
Toute âme entrouvre son secret ; 8 e
L'univers croit, quand vient l'aurore, 8 o
100 Que sa conscience apparaît. 8 e
IV
Quittons Paris et ses casernes. 8 p
Plongeons-nous, car les ans sont courts, 8 q
Jusqu'aux genoux dans les luzernes 8 p
Et jusqu'au cœur dans les amours. 8 q
105 Joignons les baisers aux spondées ; 8 r
Souvenons-nous que le hautbois 8 s
Donnait à Platon des idées 8 r
Voluptueuses, dans les bois. 8 s
Vanve a d'indulgentes prairies ; 8 t
110 Ville-d'Avray ferme les yeux 8 u
Sur les douces gamineries 8 t
Des cupidons mystérieux. 8 u
Là, les Jeux, les Ris et les Farces 8 v
Poursuivent, sous les bois flottants, 8 w
115 Les chimères de joie éparses 8 v
Dans la lumière du printemps. 8 w
L'onde à Triel est bucolique ; 8 x
Asnière a des flux et reflux 8 x
Où vogue l'adorable clique 8 x
120 De tous ces petits dieux joufflus. 8 x
Le sel attique et l'eau de Seine 8 y
Se mêlent admirablement. 8 z
Il n'est qu'une chose malsaine, 8 y
Jeanne, c'est d'être sans amant. 8 z
125 Que notre ivresse se signale ! 8 a
Allons où Pan nous conduira. 8 h
Ressuscitons la bacchanale, 8 a
Cette aïeule de l'opéra. 8 h
Laissons, et même envoyons paître 8 b
130 Les bœufs, les chèvres, les brebis, 8 c
La raison, le garde champêtre ! 8 b
Fils, avril chante, crions bis ! 8 c
Qu'à Gif, grâce à nous, le notaire 8 d
Et le marguillier soient émus, 8 x
135 Fils, et qu'on entende à Nanterre 8 d
Les vagues flûtes de l'Hémus ! 8 x
Acclimatons Faune à Vincenne, 8 y
Sans pourtant prendre pour conseil 8 n
L'immense Aristophane obscène, 8 y
140 Effronté comme le soleil. 8 n
Rions du maire, ou de l'édile ; 8 j
Et mordons, en gens convaincus, 8 x
Dans cette pomme de l'idylle 8 j
Où l'on voit les dents de Moschus. 8 x
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