Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_6/HUG142
Victor HUGO
LES ORIENTALES
1829
XL
Lui
J'étais géant alors, et haut de cent coudées.
BONAPARTE.
I
Toujours lui ! lui partout ! — ou brûlante ou glacée, 6+6 a
Son image sans cesse ébranle ma pensée. 6+6 a
Il verse à mon esprit le souffle créateur. 6+6 b
Je tremble, et dans ma bouche abondent les paroles 6+6 c
5 Quand son nom gigantesque, entouré d'auréoles, 6+6 c
Se dresse dans mon vers de toute sa grandeur. 6+6 b
Là, je le vois, guidant l'obus aux bonds rapides ; 6+6 a
Là, massacrant le peuple au nom des régicides ; 6+6 a
Là, soldat, aux tribuns arrachant leurs pouvoirs ; 6+6 b
10 Là, consul jeune et fier, amaigri par des veilles 6+6 c
Que des rêves d'empire emplissaient de merveilles, 6+6 c
Pâle sous ses longs cheveux noirs. 8 b
Puis, empereur puissant, dont la tête s'incline, 6+6 a
Gouvernant un combat du haut de la colline, 6+6 a
15 Promettant une étoile à ses soldats joyeux, 6+6 b
Faisant signe aux canons qui vomissent les flammes, 6+6 c
De son âme à la guerre armant six cent mille âmes, 6+6 c
Grave et serein, avec un éclair dans les yeux. 6+6 b
Puis, pauvre prisonnier, qu'on raille et qu'on tourmente, 6+6 a
20 Croisant ses bras oisifs sur son sein qui fermente, 6+6 a
En proie aux geôliers vils comme un vil criminel, 6+6 b
Vaincu, chauve, courbant son front noir de nuages, 6+6 c
Promenant sur un roc où passent les orages 6+6 c
Sa pensée, orage éternel. 8 b
25 Qu'il est grand, là surtout ! quand, puissance brisée, 6+6 a
Des porte-clefs anglais misérable risée, 6+6 a
Au sacre du malheur il retrempe ses droits ; 6+6 b
Tient au bruit de ses pas deux mondes en haleine, 6+6 c
Et mourant de l'exil, gêné dans Sainte-Hélène, 6+6 c
30 Manque d'air dans la cage où l'exposent les rois ! 6+6 b
Qu'il est grand à cette heure, où, prêt à voir Dieu même, 6+6 a
Son il qui s'éteint roule une larme suprême ! 6+6 a
Il évoque à sa mort sa vieille armée en deuil, 6+6 b
Se plaint à ses guerriers d'expirer solitaire, 6+6 c
35 Et, prenant pour linceul son manteau militaire, 6+6 c
Du lit de camp passe au cercueil ! 8 b
II
À Rome, où du Sénat hésite le conclave, 6+6 a
À l'Elbe, aux monts blanchis de neige ou noirs de lave, 6+6 a
Au menaçant Kremlin, à l'Alhambra riant, 6+6 b
40 Il est partout ! — Au Nil je le retrouve encore. 6+6 c
L'Égypte resplendit des feux de son aurore ; 6+6 c
Son astre impérial se lève à l'orient. 6+6 b
Vainqueur, enthousiaste, éclatant de prestiges, 6+6 a
Prodige, il étonna la terre des prodiges. 6+6 a
45 Les vieux scheiks vénéraient l'émir jeune et prudent ; 6+6 b
Le peuple redoutait ses armes inouïes ; 6+6 c
Sublime, il apparut aux tribus éblouies 6+6 c
Comme un Mahomet d'occident. 8 b
Leur féerie a déjà réclamé son histoire. 6+6 a
50 La tente de l'Arabe est pleine de sa gloire. 6+6 a
Tout Bédouin libre était son hardi compagnon ; 6+6 b
Les petits enfants, l'œil tourné vers nos rivages, 6+6 c
Sur un tambour français règlent leurs pas sauvages, 6+6 c
Et les ardents chevaux hennissent à son nom. 6+6 b
55 Parfois il vient, porté sur l'ouragan numide, 6+6 a
Prenant pour piédestal la grande pyramide, 6+6 a
Contempler les déserts, sablonneux océans ; 6+6 b
Là, son ombre, éveillant le sépulcre sonore, 6+6 c
Comme pour la bataille y ressuscite encore 6+6 c
60 Les quarante siècles géants. 8 b
Il dit : debout ! soudain chaque siècle se lève, 6+6 a
Ceux-ci portant le sceptre et ceux-là ceints du glaive, 6+6 a
Satrapes, pharaons, mages, peuple glacé. 6+6 b
Immobiles, poudreux, muets, sa voix les compte ; 6+6 c
65 Tous semblent, adorant son front qui les surmonte, 6+6 c
Faire à ce roi des temps une cour du passé. 6+6 b
Ainsi tout, sous les pas de l'homme ineffaçable, 6+6 a
Tout devient monument ; il passe sur le sable, 6+6 a
Mais qu'importe qu'Assur de ses flots soit couvert, 6+6 b
70 Que l'Aquilon sans cesse y fatigue son aile, 6+6 c
Son pied colossal laisse une trace éternelle 6+6 c
Sur le front mouvant du désert. 8 b
III
Histoire, poésie, il joint du pied vos cimes. 6+6 a
Éperdu, je ne puis dans ces mondes sublimes 6+6 a
75 Remuer rien de grand sans toucher à son nom ; 6+6 b
Oui, quand tu m'apparais, pour le culte ou le blâme, 6+6 c
Les chants volent pressés sur mes lèvres de flamme, 6+6 c
Napoléon ! soleil dont je suis le Memnon ! 6+6 b
Tu domines notre âge ; ange ou démon, qu'importe ! 6+6 a
80 Ton aigle dans son vol, haletants, nous emporte. 6+6 a
L'œil même qui te fuit te retrouve partout. 6+6 b
Toujours dans nos tableaux tu jettes ta grande ombre ; 6+6 c
Toujours Napoléon, éblouissant et sombre, 6+6 c
Sur le seuil du siècle est debout. 8 b
85 Ainsi, quand du Vésuve explorant le domaine, 6+6 a
De Naple à Portici l'étranger se promène, 6+6 a
Lorsqu'il trouble, rêveur, de ses pas importuns, 6+6 b
Ischia, de ses fleurs embaumant l'onde heureuse 6+6 c
Dont le bruit, comme un chant de sultane amoureuse, 6+6 c
90 Semble une voix qui vole au milieu des parfums ; 6+6 b
Qu'il hante de Paestum l'auguste colonnade ; 6+6 a
Qu'il écoute à Pouzzol la vive sérénade 6+6 a
Chantant la tarentelle au pied d'un mur toscan ; 6+6 b
Qu'il éveille en passant cette cité momie, 6+6 c
95 Pompéi, corps gisant d'une ville endormie, 6+6 c
Saisie un jour par le volcan ; 8 b
Qu'il erre au Pausilippe avec la barque agile 6+6 a
D'où le brun marinier chante Tasse à Virgile ; 6+6 a
Toujours, sous l'arbre vert, sur les lits de gazon, 6+6 b
100 Toujours il voit, du sein des mers ou des prairies, 6+6 c
Du haut des caps, du bord des presqu'îles fleuries, 6+6 c
Toujours le noir géant qui fume à l'horizon ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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