Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_5/HUG865
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
DERNIÈRE SÉRIE
1883
I
LES GRANDES LOIS
*
Par-dessus le marché | je dois être ravi. 6+6 a
Quoi ! des vivisecteurs, | à la fois, à l'envi, 6+6 a
Des chimistes, anglais, | allemands, tous ensemble, 6+6 b
Loupe et scalpel en main, | m'affirment qu'il leur semble 6+6 b
5 Certain, démontré presque | et probable à peu près 6+6 a
Qu'entre l'homme d'Athène | et le loup des forêts, 6+6 a
Qu'entre un essaim d'égout | et le peuple de France, 6+6 b
Le total fait, il n'est | aucune différence ; 6+6 b
Qu'on trouve, en les traitant | par les mêmes réchauds, 6+6 a
10 La même quantité | de phosphate de chaux 6+6 a
Dans le plus affreux chien | que dans le plus grand homme ; 6+6 b
Que par conséquent Sparte | est égale à Sodome ; 6+6 b
Que mon droit pèse autant | qu'un souffle aérien, 6+6 a
Et que, fussé-je-Eschyle | ou Christ, je ne suis rien, 6+6 a
15 Rien, l'éclair, la vapeur | de la locomotive. 6+6 b
Je dois être enchanté | de cette perspective ; 6+6 b
Sinon, je suis vraiment | bien difficile.
Ah çà ! 6+6 a
Consultez Don Quichotte | ou bien Sancho Pança, 6+6 a
Depuis quand un marcheur, | qui pour sa longue route 6+6 b
20 N'a rien, est-il tenu | d'aimer la banqueroute ? 6+6 b
Depuis quand, grand, petit, | satrape ou chevrier, 6+6 a
L'homme qui cherche femme | et veut se marier, 6+6 a
L'espérant belle, est-il | heureux de l'avoir laide ? 6+6 b
Exigerez-vous donc | que les juifs de Tolède 6+6 b
25 Soient contents d'être cuits | tout vivants dans des fours, 6+6 a
Et qu'on me voie errer | parmi les carrefours, 6+6 a
Triomphant, plein de joie | et d'extase électrique, 6+6 b
Parce que vous m'aurez | promis des coups de trique ? 6+6 b
Examinons.
Sortir | de l'immortalité ; 6+6 a
30 Être un orang-outang | qui, par ancienneté 6+6 a
Ou par faveur, obtient | le grade de jocrisse ; 6+6 b
Avoir l'énorme nuit | des bêtes pour nourrice ; 6+6 b
Être de l'ombre après | avoir été du bruit ; 6+6 a
Suivre d'Argens, qui suit | la Beaumelle, qui suit 6+6 a
35 Locke, qui suit Pyrrhon, | qui suivait Épicure ; 6+6 b
Me remettre à tourner | dans cette roue obscure ; 6+6 b
Recommencer la vieille | aventure d'Isis ; 6+6 a
Épousseter ce tas | de systèmes moisis 6+6 a
Qui tuaient le scrupule | et mettaient au service 6+6 b
40 De Borgia le crime | et de Néron le vice ; 6+6 b
Nier la dignité | des hommes au profit 6+6 a
Des despotes à qui | le vil troupeau suffit ; 6+6 a
Ne point savoir si rien | de ce qu'on pense existe, 6+6 b
Et pourtant affirmer | la négation triste ; 6+6 b
45 Croire qu'aucun soleil | n'a jamais vraiment lui ; 6+6 a
Entre deux doutes prendre | avec amour celui 6+6 a
Qui m'abaisse et m'emplit | de cendre et non de flamme, 6+6 b
Et vouloir être brute | ayant le choix d'être âme ! 6+6 b
Avoir dans l'infini | besoin d'être zéro ! 6+6 a
Eh bien non.
Non !
50 Je puis | tirer un numéro, 6+6 a
Dites-vous, dans ce sac, | la nature profonde, 6+6 b
Dans cette loterie | insondable, le monde, 6+6 b
Où rien n'a commencé | puisque rien ne finit, 6+6 a
Où tout est vie et gouffre, | où l'étoile au zénith 6+6 a
55 Luit comme une paillette | aux plis d'une basquine ; 6+6 b
Eh bien, je ne suis point | charmé d'avoir ce quine : 6+6 b
Gorille. Et j'aime mieux | rester tout bêtement 6+6 a
L'homme, et sentir en moi | vivre le firmament 6+6 a
Quand vous venez me dire : |Un creuset, c'est tout l'homme ; 6+6 b
60 Le destin est un feu, | la fumée est la somme ; 6+6 b
Tout aboutit au même | abîme universel ; 6+6 a
La vertu, c'est du sucre, | et le crime est du sel ; 6+6 a
Au fond, nulle action | n'est mauvaise ni bonne ; 6+6 b
Le droit, c'est un journal | et l'on s'y désabonne ; 6+6 b
65 Aujourd'hui pour, demain | contre ; pas de mépris 6+6 a
Aux méchants, pas de culte | aux bons ! — Je suis surpris, 6+6 a
J'entends des cris en moi. | Quoi ! c'est votre programme ! 6+6 b
L'homme est dans un flot sombre | une inutile rame ! 6+6 b
Quoi ! ni devoir ni droit ! | rien n'est vrai, rien n'est faux ! 6+6 a
70 Quoi ! saluer Bismarck | sous les arcs triomphaux ! 6+6 a
Avoir été la France | et devenir province ! 6+6 b
Quand Poërio meurt | dans le bagne du prince, 6+6 b
Trouver sage le prince | et fou Poërio ! 6+6 a
Vrai, je suis peu tenté | par ce scénario. 6+6 a
*
75 A vous en croire, l'homme | au fond est sur la terre 6+6 b
Juste autant que le bœuf, | l'onagre et la panthère ; 6+6 b
Dans le premier venu | des tigres l'homme est né ; 6+6 a
L'homme est un léopard, | mais perfectionné ; 6+6 a
L'homme est parmi les ours | la brute aristocrate ! 6+6 b
*
80 Certe, Aristote est grand, | mais j'aime mieux Socrate. 6+6 b
Ah ! la science est belle | et sublime, et je hais 6+6 a
Quiconque met obstacle | à ses profonds souhaits ; 6+6 a
Elle prend dans le piège | auguste de ses règles 6+6 b
Les vérités au vol | comme on prendrait des aigles ; 6+6 b
85 Elle sonde le fait, | le chiffre, l'élément ; 6+6 a
Elle est vaste à ce point | qu'il semble par moment 6+6 a
Que son puissant compas | fait le tour de l'espace. 6+6 b
Mais pourtant quelque chose | en l'homme la dépasse, 6+6 b
C'est la vertu. Quelqu'un | est plus grand qu'elle, et va 6+6 a
90 Où jamais le calcul | le plus haut n'arriva, 6+6 a
Quelqu'un sait mieux trouver | l'or que roule le fleuve, 6+6 b
Quelqu'un voit mieux, quelqu'un | prouve plus que la preuve, 6+6 b
C'est toi, Zénon, qui luis ; | c'est toi, Baudin, qui meurs ! 6+6 a
Par la sérénité | superbe de ses mœurs 6+6 a
95 Sparte fait plus qu'aucun | docteur par sa doctrine. 6+6 b
Quoi ! c'est zéro ce cœur | qui bat dans ma poitrine ! 6+6 b
Quoi ! la chimie est tout ! | Quand j'ai mon résidu, 6+6 a
Un peu de cendre, un peu | d'ombre, rien ne m'est dû ! 6+6 a
La statique prouvant, | non le droit, mais la force, 6+6 b
100 Le droit n'est pas ! John Brown, | Spartacus, Wilberforce, 6+6 b
Demeurent interdits | si Biot ne les secourt ! 6+6 a
Quoi ! devant Gay-Lussac | Mazzini reste court ! 6+6 a
Garibaldi ne sait | que dire à Lamettrie ! 6+6 b
Quoi ! tout, hormis l'algèbre | et la géométrie, 6+6 b
105 Tout, excepté Poinsot, | tout, excepté Bezout, 6+6 a
Excepté deux et deux | font quatre, se dissout ! 6+6 a
Quoi ! le martyre est vain ! | l'héroïsme est stupide ! 6+6 b
Brutus, brute ! On te jette | au gouffre, on te lapide, 6+6 b
Pour avoir défendu, | quoi ? ton pays ? niais ! 6+6 a
110 Tibère est fort, donc juste ; | et tu calomniais 6+6 a
Tibère. Le scalpel | fouille tout fibre à fibre 6+6 b
Sans rien voir qui ressemble | à ceci, l'homme libre ; 6+6 b
Donc l'homme libre, ami, | n'est pas. L'homme est du vent. 6+6 a
*
Vous m'offrez de ramper | ver de terre savant ; 6+6 a
115 Eh bien, non. J'aime mieux | l'ignorance étoilée 6+6 b
De Platon, de Pindare, | âme et clarté d'Élée, 6+6 b
Et de ce Dante errant | qui baisse factieux 6+6 a
Son œil farouche où tremble | une lueur des cieux. 6+6 a
L'homme est par eux aussi | lumineux qu'il puisse être. 6+6 b
120 J'ai lu monsieur Leuret, | le sage de Bicêtre, 6+6 b
Et je n'ignore pas | qu'un poète est un fou ; 6+6 a
Je sais que Planche crie | à Milton : casse-cou ! 6+6 a
Qu'avoir fait l'Iliade | est auprès de Nonotte, 6+6 b
Et du bon abbé Gaume, | une mauvaise note, 6+6 b
125 Et qu'au nom du bon sens, | du bon goût et de l'art, 6+6 a
Shakspeare est dédaigné | par monsieur Baculard ; 6+6 a
Je sais cela, j'en suis | tremblant, et pourtant j'ose 6+6 b
Trouver dans tout ce tas | de songeurs quelque chose ; 6+6 b
Je vois ce qu'ils ont vu, | je crois ce qu'ils ont cru ; 6+6 a
130 Le visage du vrai | là-haut m'est apparu, 6+6 a
Splendide, et ma prunelle | en demeure éblouie. 6+6 b
Ils ont affirmé l'âme ; | et tous mes sens, l'ouïe, 6+6 b
Les yeux, rendent chez moi | témoignage pour eux. 6+6 a
Sans doute, il est bien doux | d'être fort malheureux 6+6 a
135 Et de traîner des fers | pendant beaucoup d'années, 6+6 b
Et de se dire : Après | les dures destinées, 6+6 b
Après avoir souffert, | après avoir pleuré, 6+6 a
Après avoir été | de griffes effleuré 6+6 a
Et souffleté par l'aile | obscure de l'envie, 6+6 b
140 Après avoir été | juste toute ma vie, 6+6 b
Après avoir au front | porté comme un cimier 6+6 a
La probité, j'aurai | l'honneur d'être fumier, 6+6 a
Et je serai l'égal | dans le sépulcre infâme 6+6 b
De Nisard comme esprit | et de Judas comme âme. 6+6 b
145 Là s'efface l'immense | et vaine vision ; 6+6 a
Et tous les hommes, ceux | de Tyr, ceux de Sion, 6+6 a
Ceux de Gomorrhe, ceux | de Paris, ceux de Rome, 6+6 b
Marc-Aurèle, du sang | des peuples économe, 6+6 b
Nemrod, tigre accablant | la terre de ses bonds, 6+6 a
150 Ceux qu'on nomme méchants, | ceux qu'on appelle bons, 6+6 a
Tous, l'homme de douceur, | l'homme de violence, 6+6 b
Et le juge effrayant | qui vendit la balance, 6+6 b
Quoi que chacun ait fait, | mêlant les pas aux voix, 6+6 a
Tous dans la vaste nuit | reçoivent à la fois 6+6 a
155 Cette absolution | sinistre, la poussière. 6+6 b
La mort, spectre masqué, | n'a rien sous sa visière. 6+6 b
Le gouffre, où le destin | se résout et s'absout, 6+6 a
Arrive à l'innocence | effroyable de tout ; 6+6 a
Le bourreau vaut autant | que le martyr ; l'asile 6+6 b
160 S'ouvre à Sforce joyeux | comme à Dante imbécile ; — 6+6 b
Avec Caligula | Jésus est acquitté ; 6+6 a
La justice pourrit | avec l'iniquité ; 6+6 a
Et Thersite, Caton, | Davus gai, Bacchus sombre, 6+6 b
Font le même néant | pêle-mêle dans l'ombre. 6+6 b
165 Matière, éclipse, songe, | oubli. Tout est passé. 6+6 a
Eh bien, soyez surpris, | oui, je suis insensé 6+6 a
Jusqu'à ne point vouloir | de cette offre. Elle est belle, 6+6 b
Certes. Oui, les vivants, | vague troupeau qui bêle, 6+6 b
Mordus toute la route | et jusqu'à l'abattoir, 6+6 a
170 Saignent, et je suis un | de ceux que le ciel noir 6+6 a
Frappe et n'empêche pas | de lutter ; nous subîmes 6+6 b
Toute la vaste pluie | engouffrée aux abîmes, 6+6 b
Le sort nous meurtrit tous | sans jamais dire assez, 6+6 a
Et je dois convenir | que vous me proposez 6+6 a
175 Pour consolation | et salaire une place 6+6 b
Dans le cloaque avec | tous les rois populace, 6+6 b
A côté du faussaire, | et, près de l'assassin, 6+6 a
La pourriture avec | Baroche pour voisin. 6+6 a
Eh bien non, j'aime mieux, | après tant de désastres, 6+6 b
180 Être avec ce rêveur | d'Homère dans les astres. 6+6 b
J'aime mieux croire au bien, | au juste, but final, 6+6 a
Avec Tacite, avec | Dante, avec Juvénal. 6+6 a
La certitude d'être | un miasme me laisse 6+6 b
Vraiment froid, et je pousse | à ce point la faiblesse 6+6 b
185 Que je n'ai nulle joie | à penser que je vais 6+6 a
Être on ne sait plus quoi | d'obscur qui sent mauvais ! 6+6 a
Troppmann ne me fait point | plaisir quand il m'avoue 6+6 b
Que je serai sa fange | et qu'il sera ma boue ; 6+6 b
Il faut me pardonner | ma pauvreté d'esprit, 6+6 a
190 Mais je ne puis trouver | Dupin égal au Christ, 6+6 a
Deutz égal à Bayard, | et j'entends le tonnerre 6+6 b
Gronder si je mets Hoche | auprès de Lacenaire. 6+6 b
Non, je ne jette point | dans le même panier 6+6 a
Ferdinand sept geôlier | et Riégo prisonnier. 6+6 a
195 Je voudrais démolir | les deux tours d'injustice, 6+6 b
Celle où Latude expire, | et l'aveugle bâtisse 6+6 b
Des rhéteurs confondant | Caïn avec Abel. 6+6 a
Renverser la Bastille | et détruire Babel. 6+6 a
Quoi donc ! boire, manger, | jouir, voilons nos faces, 6+6 b
200 C'est tout ? Alors, pourvu | que tu te satisfasses 6+6 b
Et que je me contente, | et que, rois, histrions, 6+6 a
Scribes, juges, soldats, | prêtres, nous digérions 6+6 a
Nos crimes devenus | nos festins et nos joies, 6+6 b
Pourvu que, fiers et fous, | vautours parmi les oies, 6+6 b
205 Nous ayons sous nos pieds | les peuples, rions d'eux 6+6 a
Et de nous, cela seul | est réel ; et, hideux, 6+6 a
Nous sommes sages, tout | étant vide ; alors, hommes, 6+6 b
Quoi qu'il fasse, celui | qui, dans l'ombre où nous sommes, 6+6 b
Veut jouir, qui trahit | pour jouir, qui meurtrit 6+6 a
210 Sa patrie, et qui vend | sa ville, a de l'esprit. 6+6 a
Et celui qui, romain, | meurt dans l'exil pour Rome, 6+6 b
Et qui, français, défend | la France, est un pauvre homme ; 6+6 b
Telle est la vérité | que vos calculs nous font. 6+6 a
*
Ah ! si c'est là le but, | ah ! si c'est là le fond, 6+6 a
215 Si c'est la vérité | seule vraie, affirmée 6+6 b
Par Walpole, et par toi, | sénateur Mérimée, 6+6 b
Je la déclare fausse, | ô sacrés firmaments ! 6+6 a
Et je crache dessus, | et je lui dis : Tu mens ! 6+6 a
A cette vérité | qui, vile, atroce, obscène, 6+6 b
220 Donne tort à Barbès | et raison à Bazaine ! 6+6 b
Non ! non ! non ! je l'ai dit | et le dirai cent fois, 6+6 a
Ce n'est point pour cela | qu'on a brisé les rois 6+6 a
Et fait entrer le jour | dans les profonds repaires ! 6+6 b
Non ! non ! non ! ce n'est point | pour cela que nos pères 6+6 b
225 Ont fait cette conquête | altière, l'avenir ! 6+6 a
Qu'ils poussaient leurs chevaux | et les faisaient hennir 6+6 a
De Memphis à Berlin, | de l'Èbre à la Thuringe ! 6+6 b
Non ! j'ai les droits de l'homme | et non les droits du singe. 6+6 b
Je comprends qu'on se penche | avec fraternité 6+6 a
230 Vers les êtres qui sont | hors de l'humanité, 6+6 a
Qu'on éclaire leur nuit ; | mais qu'on s'y précipite, 6+6 b
Non. Je veux, de ce gouffre | où la bête palpite, 6+6 b
Faire monter, labeur | superbe et hasardeux, 6+6 a
Les monstres jusqu'à nous, | et non tomber près d'eux, 6+6 a
235 Je veux être pour eux | non l'égal, mais l'archange, 6+6 b
Et leur donner mon âme | et non prendre leur fange. 6+6 b
*
Êtes-vous la science | après tout ? question. 6+6 a
Non, vous ne l'êtes pas. | Vous doutez. Montyon 6+6 a
Donne un prix de vertu, | Troplong un prix de crime ; 6+6 b
240 Garibaldi délivre | et Bonaparte opprime ; 6+6 b
Où vont-ils ? au néant ? | à Dieu ? Tout le destin, 6+6 a
Si l'on vous en croit, flotte | et ment, rien n'est certain. 6+6 a
L'énigme n'offre au loin | que des plages désertes ; 6+6 b
Vous êtes les premiers | à tout ignorer ; certes, 6+6 b
245 Votre doute est complet | et vous le confessez ; 6+6 a
Vous ne voyez qu'un mur | fermé de noirs fossés, 6+6 a
C'est vous qui l'avouez ; | et nul ne peut conclure 6+6 b
Du présent l'avenir, | du front la chevelure ; 6+6 b
Nul ne voit l'autre aspect | du destin, le trépas ; 6+6 a
250 Nul ne sait rien. Alors | j'ai le choix, n'est-ce pas ? 6+6 a
J'ai mon goût, vous le vôtre ; | après tant de souffrance ; 6+6 b
Le désespoir vous plaît, | moi je prends l'espérance ; 6+6 b
Et puisque selon vous | rien n'est clair, rien n'est sûr, 6+6 a
Vous choisissez la cendre | et je choisis l'azur. 6+6 a
*
255 Je veux être ici-bas | libre, ailleurs responsable, 6+6 b
Je suis plus qu'un brin d'herbe | et plus qu'un grain de sable ; 6+6 b
Je me sens à jamais | pensif, ailé, vivant. 6+6 a
*
Ce n'est point vers la nuit | que je crie en avant ! 6+6 a
Mourir n'est pas finir, | c'est le matin suprême. 6+6 b
260 Non ! je ne donne pas | à la mort ceux que j'aime ! 6+6 b
Je les garde, je veux | le firmament pour eux, 6+6 a
Pour moi, pour tous, et l'aube | attend les ténébreux ; 6+6 a
L'amour en nous, passants | qu'un rayon lointain dore, 6+6 b
Est le commencement | auguste de l'aurore ; 6+6 b
265 Mon cœur, s'il n'a ce jour | divin, se sent banni, 6+6 a
Et, pour avoir le temps | d'aimer, veut l'infini ; 6+6 a
Car la vie est passée | avant qu'on ait pu vivre. 6+6 b
C'est l'azur qui me plaît, | c'est l'azur qui m'enivre, 6+6 b
L'azur sans nuit, sans mort, | sans noirceur, sans défaut ; 6+6 a
270 C'est l'empyrée immense | et profond qu'il me faut, 6+6 a
La terre n'offrant rien | de ce que je réclame, 6+6 b
L'heure humaine étant courte | et sombre, et, pour une âme 6+6 b
Qui vous aime, parents, | enfants, toi ma beauté, 6+6 a
Le ciel ayant à peine | assez d'éternité ! 6+6 a
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