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| = césure
HUG_4/HUG853
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XXIII
LES PETITS
Guerre civile
La foule était tragique et terrible ; on criait : 6+6 a
A mort ! Autour d'un homme altier, point inquiet, 6+6 a
Grave ! et qui paraissait lui-même inexorable, 6+6 b
Le peuple se pressait : A mort le misérable ! 6+6 b
5 Et lui, semblait trouver toute simple la mort. 6+6 a
La partie est perdue, on n'est pas le plus fort, 6+6 a
On meurt, soit. Au milieu de la foule accourue, 6+6 b
Les vainqueurs le traînaient de chez lui dans la rue. 6+6 b
— A mort l'homme ! — On l'avait saisi dans son logis ; 6+6 a
10 Ses vêtements étaient de carnage rougis ; 6+6 a
Cet homme était de ceux qui font l'aveugle guerre 6+6 b
Des rois contre le peuple, et ne distinguent guère 6+6 b
Scévola de Brutus, ni Barbès de Blanqui ; 6+6 a
Il avait tout le jour tué n'importe qui ; 6+6 a
15 Incapable de craindre, incapable d'absoudre, 6+6 b
Il marchait, laissant voir ses mains noires de poudre. 6+6 b
Une femme le prit au collet : — A genoux ! 6+6 a
C'est un sergent de ville. Il a tiré sur nous ! 6+6 a
— C'est vrai, dit l'homme. — A bas ! à mort ! qu'on le fusille ! 6+6 b
20 Dit le peuple. — Ici ! Non ! Plus loin ! A la Bastille ! 6+6 b
A l'arsenal ! Allons ! Viens ! Marche ! — Où vous voudrez, 6+6 a
Dit le prisonnier. — Tous, hagards, les rangs serrés, 6+6 a
Chargèrent leurs fusils. — Mort au sergent de ville ! 6+6 b
Tuons-le comme un loup ! — Et l'homme dit, tranquille : 6+6 b
25 — C'est bien, je suis le loup, mais vous êtes les chiens. 6+6 a
— Il nous insulte ! A mort ! — Les pâles citoyens 6+6 a
Croisaient leurs poings crispés sur le captif farouche ; 6+6 b
L'ombre était sur son front et le fiel dans sa bouche ; 6+6 b
Cent voix criaient : — A mort ! A bas ! Plus d'empereur ! — 6+6 a
30 On voyait dans ses yeux un reste de fureur 6+6 a
Remuer vaguement comme une hydre échouée ; 6+6 b
Il marchait poursuivi par l'énorme huée, 6+6 b
Et, calme, il enjambait, plein d'un superbe ennui, 6+6 a
Des cadavres gisants, peut-être faits par lui. 6+6 a
35 Le peuple est effrayant lorsqu'il devient tempête ; 6+6 b
L'homme sous plus d'affronts levait plus haut la tête ; 6+6 b
Il était plus que pris, il était envahi. 6+6 a
Dieu ! comme il haïssait ! comme il était haï ! 6+6 a
Comme il les eût, vainqueur, fusillés tous ! — Qu'il meure ! 6+6 b
40 Il nous criblait encor de balles tout à l'heure ! 6+6 b
A bas cet espion, ce traître, ce maudit ! 6+6 a
A mort ! c'est un brigand ! — Soudain on entendit 6+6 a
Une petite voix qui disait : — C'est mon père ! 6+6 b
Et quelque chose fit l'effet d'une lumière. 6+6 b
45 Un enfant apparut. Un enfant de six ans. 6+6 a
Ses deux bras se dressaient suppliants, menaçants. 6+6 a
Tous criaient : — Fusillez le mouchard ! Qu'on l'assomme ! 6+6 b
Et l'enfant se jeta dans les jambes de l'homme, 6+6 b
Et dit, ayant au front le rayon baptismal : 6+6 a
50 — Père, je ne veux pas qu'on te fasse de mal ! 6+6 a
Et cet enfant sortait de la même demeure. 6+6 b
Les clameurs grossissaient : — A bas l'homme ! Qu'il meure ! 6+6 b
A-bas, finissons-en avec cet assassin ! 6+6 a
Mort ! — Au loin le canon répondait au tocsin. 6+6 a
55 Toute la rue était pleine d'hommes sinistres. 6+6 b
— A bas les rois ! A bas les prêtres, les ministres, 6+6 b
Les mouchards ! Tuons tout ! c'est un tas de bandits ! 6+6 a
Et l'enfant leur cria : — Mais puisque je vous dis 6+6 a
Que c'est mon père ! — Il est joli, dit une femme, 6+6 b
60 Bel enfant ! — On voyait dans ses yeux bleus une âme ; 6+6 b
Il était tout en pleurs, pâle, point mal vêtu. 6+6 a
Une autre femme dit — Petit, quel âge as-tu ? 6+6 a
Et l'enfant répondit : Ne tuez pas mon père ! 6+6 b
Quelques regards pensifs étaient fixés à terre, 6+6 b
65 Les poings ne tenaient plus l'homme si durement. 6+6 a
Un des plus furieux, entre tous inclément, 6+6 a
Dit à l'enfant : — Va-t'en ! — Où ? — Chez toi. — Pourquoi faire ? 6+6 b
— Chez ta mère. — Sa mère est morte, dit le père. 6+6 b
— Il n'a donc plus que vous ? — Qu'est-ce que cela fait ? 6+6 a
70 Dit le vaincu. Stoïque et calme, il réchauffait 6+6 a
Les deux petites mains dans sa rude poitrine, 6+6 b
Et disait à l'enfant : — Tu sais bien, Catherine ? 6+6 b
— Notre voisine ? — Oui. — Va chez elle. — Avec toi ? 6+6 a
— J'irai plus tard. — Sans toi je ne veux pas. — Pourquoi ? 6+6 a
75 — Parce qu'on te ferait du mal. — Alors le père 6+6 b
Parla tout bas au chef de cette sombre guerre : 6+6 b
— Lâchez-moi le collet. Prenez-moi par la main, 6+6 a
Doucement. Je vais dire à l'enfant : A demain ! 6+6 a
Vous me fusillerez au détour de la rue, 6+6 b
80 Ailleurs, où vous voudrez. — Et, d'une voix bourrue : 6+6 b
— Soit, dit le chef, lâchant le captif à moitié. 6+6 a
Le père dit : — Tu vois. C'est de bonne amitié. 6+6 a
Je me promène avec ces messieurs. Sois bien sage, 6+6 b
Rentre. — Et l'enfant tendit au père son visage, 6+6 b
85 Et s'en alla, content, rassuré, sans effroi. 6+6 a
— Nous sommes à notre aise à présent, tuez-moi, 6+6 a
Dit le père aux vainqueurs ; où voulez-vous que j'aille ? — 6+6 b
Alors, dans cette foule où grondait la bataille, 6+6 b
On entendit passer un immense frisson, 6+6 a
90 Et le peuple cria : Rentre dans ta maison ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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