Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_4/HUG847
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XXI
LE TEMPS PRÉSENT
France et Âme
Je m'étais figuré | que lorsque cet Etna, 6+6 a
La Révolution, | prit feu, s'ouvrit, tonna, 6+6 a
Rugit, fendit la terre, | et cracha sur le monde 6+6 b
Sa lave alors terrible | et maintenant féconde, 6+6 b
5 Que, lorsque, vierge altière | et proclamant nos droits, 6+6 a
L'Idée offrit la guerre | au groupe affreux des rois, 6+6 a
Lorsque apparut, hautaine, | à travers les fumées, 6+6 b
Cette Diane, en laisse | ayant quatorze armées, 6+6 b
Que lorsque Danton prit | l'Europe corps à corps, 6+6 a
10 Que lorsqu'on entendit | les meutes et les cors, 6+6 a
Quand la forêt laissa | voir dans sa transparence 6+6 b
L'âpre chasse donnée | aux tyrans par la France, 6+6 b
Moi, pensif, regardant | Kléber et Mirabeau, 6+6 a
Jean-Jacques, ce tison, | Voltaire, ce flambeau, 6+6 a
15 Je m'étais, je l'avoue, | imaginé qu'en somme 6+6 b
L'écroulement des rois | c'est le sacre de l'homme, 6+6 b
Que nous avions vaincu | la matière et la mort, 6+6 a
Et que le résultat | de cet illustre effort, 6+6 a
Le triomphe, l'orgueil, | l'honneur, le phénomène, 6+6 b
20 C'était d'avoir grandi | jusqu'aux cieux l'âme humaine ; 6+6 b
C'était d'avoir montré | dans l'aube qui sourit 6+6 a
L'homme beau par le glaive | et plus beau par l'esprit ; 6+6 a
C'était d'avoir prouvé | que cet être qui change 6+6 b
Sur son épaule d'homme | a des ailes d'archange, 6+6 b
25 Qu'il peut s'épanouir | demi-dieu tout à coup, 6+6 a
Et que, lorsqu'il lui plaît | de se dresser debout, 6+6 a
Son immense rayon | mystérieux éclaire 6+6 b
Toutes les profondeurs | de haine et de colère 6+6 b
Et leur verse l'aurore | et les emplit d'amour ; 6+6 a
30 J'avais pensé que c'est | pour accroître le jour, 6+6 a
Pour embraser le cœur, | pour incendier l'âme, 6+6 b
Pour tirer de l'esprit | humain toute sa flamme, 6+6 b
Que nos pères, français | plus grands que les romains, 6+6 a
Avaient pris et tordu | le passé dans leurs mains, 6+6 a
35 Et jeté dans le feu | de la forge profonde 6+6 b
Ce combustible utile | et hideux, le vieux monde ; 6+6 b
Je m'étais dit que l'homme | avait soif, avait faim 6+6 a
D'être une âme immortelle, | et qu'il avait enfin 6+6 a
Su montrer et prouver | sa divinité fière 6+6 b
40 Par l'agrandissement | subit de la lumière 6+6 b
Et par la délivrance | auguste des vivants ; 6+6 a
J'ai dit que ni les rois, | ni les flots, ni les vents, 6+6 a
Ne pouvaient désormais | rien contre un tel prodige ; 6+6 b
Qu'on avait pour cela | passé le Rhin, l'Adige, 6+6 b
45 Le Nil, l'Èbre, et crié | sur les monts : Liberté ! 6+6 a
Oui, j'avais cru pouvoir | dire qu'une clarté 6+6 a
Sortait de ce grand siècle, | et que cette étincelle 6+6 b
Rattachait l'âme humaine | à l'âme universelle, 6+6 b
Qu'ici-bas, où le sceptre | est un triste hochet, 6+6 a
50 La solidarité | des hommes ébauchait 6+6 a
La solidarité | des mondes, composée 6+6 b
De toute la bonté, | de toute la pensée, 6+6 b
Et de toute la vie | éparse dans les cieux ; 6+6 a
Oui, je croyais, les yeux | fixés sur nos aïeux 6+6 a
55 Que l'homme avait prouvé | superbement son âme. 6+6 b
Aussi, lorsqu'à cette heure | un allemand proclame 6+6 b
Zéro pour but final | et me dit : — O néant, 6+6 a
Salut ! — J'en fais ici | l'aveu, je suis béant ; 6+6 a
Et quand un grave anglais, | correct, bien mis, beau linge, 6+6 b
60 Me dit : — Dieu t'a fait homme | et moi je te fais singe ; 6+6 b
Rends-toi digne à présent | d'une telle faveur ! — 6+6 a
Cette promotion | me laisse un peu rêveur. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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