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HUG_4/HUG843
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XXI
LE TEMPS PRÉSENT
Le Cimetière d'Eylau
A mes frères aînés, écoliers éblouis, 6+6 a
Ce qui suit fut conté par mon oncle Louis, 6+6 a
Qui me disait à moi, de sa voix la plus tendre : 6+6 b
— Joue, enfant ! — me jugeant trop petit pour comprendre. 6+6 b
5 J'écoutais cependant, et mon oncle disait : 6+6 a
— Une bataille, bah ! savez-vous ce que c'est ! 6+6 a
De la fumée. A l'aube on se lève, à la brune 6+6 b
On se couche ; et je vais vous en raconter une. 6+6 b
Cette bataille-là se nomme Eylau ; je crois 6+6 a
10 Que j'étais capitaine et que j'avais la croix ; 6+6 a
Oui, j'étais capitaine. Après tout, à la guerre, 6+6 b
Un homme, c'est de l'ombre, et ça ne compte guère, 6+6 b
Et ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Donc, Eylau 6+6 a
C'est un pays en Prusse ; un bois, des champs, de l'eau, 6+6 a
15 De la glace, et partout l'hiver et la bruine. 6+6 b
Le régiment campa près d'un mur en ruine ; 6+6 b
On voyait des tombeaux autour d'un vieux clocher. 6+6 a
Bénigssen ne savait qu'une chose, approcher 6+6 a
Et fuir ; mais l'empereur dédaignait ce manège. 6+6 b
20 Et les plaines étaient toutes blanches de neige. 6+6 b
Napoléon passa, sa lorgnette à la main. 6+6 a
Les grenadiers disaient : Ce sera pour demain. 6+6 a
Des vieillards, des enfants pieds nus, des femmes grosses 6+6 b
Se sauvaient ; je songeais ; je regardais les fosses. 6+6 b
25 Le soir on fit les feux, et le colonel vint ; 6+6 a
Il dit : — Hugo ? — Présent. — Combien d'hommes ? — Cent vingt 6+6 a
— Bien. Prenez avec vous la compagnie entière, 6+6 b
Et faites-vous tuer. — Où ? — Dans le cimetière. 6+6 b
Et je lui répondis : — C'est en effet l'endroit. 6+6 a
30 J'avais ma gourde, il but et je bus ; un vent froid 6+6 a
Soufflait. Il dit : — La mort n'est pas loin. Capitaine, 6+6 b
J'aime la vie, et vivre est la chose certaine, 6+6 b
Mais rien ne sait mourir comme les bons vivants. 6+6 a
Moi, je donne mon cœur ; mais ma peau, je la vends. 6+6 a
35 Gloire aux belles ! Trinquons. Votre poste est le pire. — 6+6 b
Car notre colonel avait le mot pour rire. 6+6 b
Il reprit : — Enjambez le mur et le fossé, 6+6 a
Et restez là ; ce point est un peu menacé, 6+6 a
Ce cimetière étant la clef de la bataille. 6+6 b
40 Gardez-le. — Bien. — Ayez quelques bottes de paille. 6+6 b
On n'en a point. — Dormez par terre. — On dormira. 6+6 a
Votre tambour est-il brave ? — Comme Bara. 6+6 a
Bien. Qu'il batte la charge au hasard et dans l'ombre, 6+6 b
Il faut avoir le bruit quand on n'a pas le nombre. 6+6 b
45 Et je dis au gamin : — Entends-tu, gamin ? — Oui, 6+6 a
Mon capitaine, dit l'enfant, presque enfoui 6+6 a
Sous le givre et la neige, et riant. — La bataille, 6+6 b
Reprit le colonel, sera toute à mitraille ; 6+6 b
Moi, j'aime l'arme blanche, et je blâme l'abus 6+6 a
50 Qu'on fait des lâchetés féroces de l'obus ; 6+6 a
Le sabre est un vaillant, la bombe une traîtresse ; 6+6 b
Mais laissons l'empereur faire. Adieu, le temps presse. 6+6 b
Restez ici demain sans broncher. Au revoir. 6+6 a
Vous ne vous en irez qu'à six heures du soir. — 6+6 a
55 Le colonel partit. Je dis : — Par file à droite ! 6+6 b
Et nous entrâmes tous dans une enceinte étroite ; 6+6 b
De l'herbe, un mur autour, une église au milieu, 6+6 a
Et dans l'ombre, au-dessus des tombes, un bon Dieu. 6+6 a
Un cimetière sombre, avec de blanches lames, 6+6 b
60 Cela rappelle un peu la mer. Nous crénelâmes 6+6 b
Le mur, et je donnai le mot d'ordre, et je fis 6+6 a
Installer l'ambulance au pied du crucifix. 6+6 a
— Soupons, dis-je, et dormons. — La neige cachait l'herbe ; 6+6 b
Nos capotes étaient en loques ; c'est superbe, 6+6 b
65 Si l'on veut, mais c'est dur quand le temps est mauvais. 6+6 a
Je pris pour oreiller une fosse ; j'avais 6+6 a
Les pieds transis, ayant des bottes sans semelle ; 6+6 b
Et bientôt, capitaine et soldats pêle-mêle, 6+6 b
Nous ne bougeâmes plus, endormis sur les morts. 6+6 a
70 Cela dort, les soldats ; cela n'a ni remords, 6+6 a
Ni crainte, ni pitié, n'étant pas responsable ; 6+6 b
Et, glacé par la neige ou brûlé par le sable, 6+6 b
Cela dort ; et d'ailleurs, se battre rend joyeux. 6+6 a
Je leur criai : Bonsoir ! et je fermai les yeux ; 6+6 a
75 A la guerre on n'a pas le temps des pantomimes. 6+6 b
Le ciel était maussade, il neigeait, nous dormîmes. 6+6 b
Nous avions ramassé des outils de labour, 6+6 a
Et nous en avions fait un grand feu. Mon tambour 6+6 a
L'attisa, puis s'en vint près de moi faire un somme. 6+6 b
80 C'était un grand soldat, fils, que ce petit homme. 6+6 b
Le crucifix resta debout, comme un gibet. 6+6 a
Bref le feu s'éteignit ; et la neige tombait. 6+6 a
Combien fut-on de temps à dormir de la sorte ? 6+6 b
Je veux, si je le sais, que le diable m'emporte ! 6+6 b
85 Nous dormions bien. Dormir, c'est essayer la mort. 6+6 a
A la guerre c'est bon. J'eus froid, très froid d'abord ; 6+6 a
Puis je rêvai ; je vis en rêve des squelettes 6+6 b
Et des spectres, avec de grosses épaulettes ; 6+6 b
Par degrés, lentement, sans quitter mon chevet, 6+6 a
90 J'eus la sensation que le jour se levait 6+6 a
Mes paupières sentaient de la clarté dans l'ombre ; 6+6 b
Tout à coup, à travers mon sommeil, un bruit sombre 6+6 b
Me secoua, c'était au canon ressemblant ; 6+6 a
Je m'éveillai ; j'avais quelque chose de blanc 6+6 a
95 Sur les yeux ; doucement, sans choc, sans violence, 6+6 b
La neige nous avait tous couverts en silence 6+6 b
D'un suaire, et j'y fis en me dressant un trou ; 6+6 a
Un boulet, qui nous vint je ne sais trop par où, 6+6 a
M'éveilla tout à fait ; je lui dis : Passe au large ! 6+6 b
100 Et je criai : — Tambour, debout ! et bats la charge ! 6+6 b
Cent vingt têtes alors, ainsi qu'un archipel, 6+6 a
Sortirent de la neige ; un sergent fit l'appel, 6+6 a
Et l'aube se montra, rouge, joyeuse et lente ; 6+6 b
On eût cru voir sourire une bouche sanglante. 6+6 b
105 Je me mis à penser à ma mère ; le vent 6+6 a
Semblait me parler bas ; à la guerre souvent 6+6 a
Dans le lever du jour c'est la mort qui se lève. 6+6 b
Je songeais. Tout d'abord nous eûmes une trêve ; 6+6 b
Les deux coups de canon n'étaient rien qu'un signal, 6+6 a
110 La musique parfois s'envole avant le bal 6+6 a
Et fait danser en l'air une ou deux notes vaines. 6+6 b
La nuit avait figé notre sang dans nos veines, 6+6 b
Mais sentir le combat venir nous réchauffait. 6+6 a
L'armée allait sur nous s'appuyer en effet ; 6+6 a
115 Nous étions les gardiens du centre, et la poignée 6+6 b
D'hommes sur qui la bombe, ainsi qu'une cognée, 6+6 b
Va s'acharner ; et j'eusse aimé mieux être ailleurs. 6+6 a
Je mis mes gens le long du mur, en tirailleurs. 6+6 a
Et chacun se berçait de la chance peu sûre 6+6 b
120 D'un bon grade à travers une bonne blessure ; 6+6 b
A la guerre on se fait tuer pour réussir. 6+6 a
Mon lieutenant, garçon qui sortait de Saint-Cyr, 6+6 a
Me cria : — Le matin est une aimable chose ; 6+6 b
Quel rayon de soleil charmant ! La neige est rose ! 6+6 b
125 Capitaine, tout brille et rit ! quel frais azur ! 6+6 a
Comme ce paysage est blanc, paisible et pur ! 6+6 a
— Cela va devenir terrible, répondis-je. 6+6 b
Et je songeais au Rhin, aux Alpes, à l'Adige, 6+6 b
A tous nos fiers combats sinistres d'autrefois. 6+6 a
130 Brusquement la bataille éclata. Six cents voix 6+6 a
Énormes, se jetant la flamme à pleines bouches, 6+6 b
S'insultèrent du haut des collines farouches, 6+6 b
Toute la plaine fut un abîme fumant, 6+6 a
Et mon tambour battait la charge éperdument. 6+6 a
135 Aux canons se mêlait une fanfare altière, 6+6 b
Et les bombes pleuvaient sur notre cimetière, 6+6 b
Comme si l'on cherchait à tuer les tombeaux ; 6+6 a
On voyait du clocher s'envoler les corbeaux ; 6+6 a
Je me souviens qu'un coup d'obus troua la terre, 6+6 b
140 Et le mort apparut stupéfait dans sa bière, 6+6 b
Comme si le tapage humain le réveillait. 6+6 a
Puis un brouillard cacha le soleil. Le boulet 6+6 a
Et la bombe faisaient un bruit épouvantable. 6+6 b
Berthier, prince d'empire et vice-connétable, 6+6 b
145 Chargea sur notre droite un corps hanovrien 6+6 a
Avec trente escadrons, et l'on ne vit plus rien 6+6 a
Qu'une brume sans fond, de bombes étoilée ; 6+6 b
Tant toute la bataille et toute la mêlée 6+6 b
Avaient dans le brouillard tragique disparu. 6+6 a
150 Un nuage tombé par terre, horrible, accru 6+6 a
Par des vomissements immenses de fumées, 6+6 b
Enfants, c'est là-dessous qu'étaient les deux armées ; 6+6 b
La neige en cette nuit flottait comme un duvet, 6+6 a
Et l'on s'exterminait, ma foi, comme on pouvait. 6+6 a
155 On faisait de son mieux. Pensif dans les décombres 6+6 b
Je voyais mes soldats rôder comme des ombres, 6+6 b
Spectres le long du mur rangés en espalier ; 6+6 a
Et ce champ me faisait un effet singulier, 6+6 a
Des cadavres dessous et dessus des fantômes. 6+6 b
160 Quelques hameaux flambaient ; au loin brûlaient des chaumes. 6+6 b
Puis la brume où du Harz on entendait le cor 6+6 a
Trouva moyen de croître et d'épaissir encor, 6+6 a
Et nous ne vîmes plus que notre cimetière ; 6+6 b
A midi nous avions notre mur pour frontière 6+6 b
165 Comme par une main noire, dans de la nuit, 6+6 a
Nous nous sentîmes prendre, et tout s'évanouit. 6+6 a
Notre église semblait un rocher dans l'écume. 6+6 b
La mitraille voyait fort clair dans cette brume, 6+6 b
Nous tenait compagnie, écrasait le chevet 6+6 a
170 De l'église, et la croix de pierre, et nous prouvait 6+6 a
Que nous n'étions pas seuls dans cette laine obscure. 6+6 b
Nous avions faim, mais pas de soupe ; on se procure 6+6 b
Avec peine à manger dans un tel lieu. Voilà 6+6 a
Que la grêle de feu tout à coup redoubla. 6+6 a
175 La mitraille, c'est fort gênant ; c'est de la pluie ; 6+6 b
Seulement ce qui tombe et ce qui vous ennuie, 6+6 b
Ce sont des grains de flamme et non des gouttes d'eau. 6+6 a
Des gens à qui l'on met sur les yeux un bandeau, 6+6 a
C'était nous. Tout croulait sous les obus, le cloître, 6+6 b
180 L'église et le clocher, et je voyais décroître 6+6 b
Les ombres que j'avais autour de moi debout ; 6+6 a
Une de temps en temps tombait. — On meurt beaucoup, 6+6 a
Dit un sergent pensif comme un loup dans un piège ; 6+6 b
Puis il reprit, montrant les fosses sous la neige : 6+6 b
185 — Pourquoi nous donne-t-on ce champ déjà meublé ? — 6+6 a
Nous luttions. C'est le sort des hommes et du blé 6+6 a
D'être fauchés sans voir la faulx. Un petit nombre 6+6 b
De fantômes rôdait encor dans la pénombre ; 6+6 b
Mon gamin de tambour continuait son bruit ; 6+6 a
190 Nous tirions par-dessus le mur presque détruit. 6+6 a
Mes enfants, vous avez un jardin ; la mitraille 6+6 b
Était sur nous, gardiens de cette âpre muraille, 6+6 b
Comme vous sur les fleurs avec votre arrosoir. 6+6 a
« Vous ne vous en irez qu'à six heures du soir. » 6+6 a
195 Je songeais, méditant tout bas cette consigne. 6+6 b
Des jets d'éclair mêlés à des plumes de cygne, 6+6 b
Des flammèches rayant dans l'ombre les flocons, 6+6 a
C'est tout ce que nos yeux pouvaient voir. — Attaquons ! 6+6 a
Me dit le sergent. — Qui ? dis-je, en ne voit personne. 6+6 b
200 — Mais on entend. Les voix parlent ; le clairon sonne, 6+6 b
Partons, sortons ; la mort crache sur nous ici ; 6+6 a
Nous sommes sous la bombe et l'obus. — Restons-y. 6+6 a
J'ajoutai : — C'est sur nous que tombe la bataille. 6+6 b
Nous sommes le pivot de l'action. — Je bâille, 6+6 b
205 Dit le sergent. — Le ciel, les champs, tout était noir ; 6+6 a
Mais quoiqu'en pleine nuit nous étions loin du soir, 6+6 a
Et je me répétais tout bas : Jusqu'à six heures. 6+6 b
— Morbleu ! nous aurons peu d'occasions meilleures 6+6 b
Pour avancer ! me dit mon lieutenant. Sur quoi, 6+6 a
210 Un boulet l'emporta. Je n'avais guère foi 6+6 a
Au succès ; la victoire au fond n'est qu'une garce. 6+6 b
Une blême lueur, dans le brouillard éparse, 6+6 b
Éclairait vaguement le cimetière. Au loin 6+6 a
Rien de distinct, sinon que l'on avait besoin 6+6 a
215 De nous pour recevoir sur nos têtes les bombes. 6+6 b
L'empereur nous avait mis là, parmi ces tombes ; 6+6 b
Mais, seuls, criblés d'obus et rendant coups pour coups, 6+6 a
Nous ne devinions pas ce qu'il faisait de nous. 6+6 a
Nous étions, au milieu de ce combat, la cible. 6+6 b
220 Tenir bon, et durer le plus longtemps possible, 6+6 b
Tâcher de n'être morts qu'à six heures du soir, 6+6 a
En attendant tuer, c'était notre devoir. 6+6 a
Nous tirions au hasard, noirs de poudre, farouches ; 6+6 b
Ne prenant que le temps de mordre les cartouches, 6+6 b
225 Nos soldats combattaient et tombaient sans parler. 6+6 a
— Sergent, dis-je, voit-on l'ennemi reculer ? 6+6 a
— Non. — Que voyez-vous ? — Rien. — Ni moi. C'est le déluge, 6+6 b
Mais en feu. — Voyez-vous nos gens ? — Non. Si j'en juge 6+6 b
Par le nombre de coups qu'à présent nous tirons, 6+6 a
230 Nous sommes bien quarante. — Un grognard à chevrons, 6+6 a
Qui tiraillait pas loin de moi, dit : — On est trente. 6+6 b
Tout était neige et nuit ; la bise pénétrante 6+6 b
Soufflait, et, grelottants, nous regardions pleuvoir 6+6 a
Un gouffre de points blancs dans un abîme noir. 6+6 a
235 La bataille pourtant semblait devenir pire. 6+6 b
C'est qu'un royaume était mangé par un empire ! 6+6 b
On devinait derrière un voile un choc affreux ; 6+6 a
On eût dit des lions se dévorant entre eux ; 6+6 a
C'était comme un combat des géants de la fable ; 6+6 b
240 On entendait le bruit des décharges, semblable 6+6 b
A des écroulements énormes ; les faubourgs 6+6 a
De la ville d'Eylau prenaient feu ; les tambours 6+6 a
Redoublaient leur musique horrible, et sous la nue 6+6 b
Six cents canons faisaient la basse continue ; 6+6 b
245 On se massacrait ; rien ne semblait décidé ; 6+6 a
La France jouait là son plus grand coup de dé ; 6+6 a
Le bon Dieu de là-haut était-il pour ou contre ? 6+6 b
Quelle ombre ! et je tirais de temps en temps ma montre. 6+6 b
Par intervalle un cri troublait ce champ muet, 6+6 a
250 Et l'on voyait un corps gisant qui remuait. 6+6 a
Nous étions fusillés l'un après l'autre, un râle 6+6 b
Immense remplissait cette ombre sépulcrale. 6+6 b
Les rois ont les soldats comme vous vos jouets. 6+6 a
Je levais mon épée, et je la secouais 6+6 a
255 Au-dessus de ma tête, et je criais : Courage ! 6+6 b
J'étais sourd et j'étais ivre, tant avec rage 6+6 b
Les coups de foudre étaient par d'autres coups suivis ; 6+6 a
Soudain mon bras pendit, mon bras droit, et je vis 6+6 a
Mon épée à mes pieds, qui m'était échappée ; 6+6 b
260 J'avais un bras cassé ; je ramassai l'épée 6+6 b
Avec l'autre, et la pris dans ma main gauche : Amis ! 6+6 a
Se faire aussi casser le bras gauche est permis ! 6+6 a
Criai-je, et je me mis à rire, chose utile, 6+6 b
Car le soldat n'est point content qu'on le mutile, 6+6 b
265 Et voir le chef un peu blessé ne déplaît point. 6+6 a
Mais quelle heure était-il ? je n'avais plus qu'un poing 6+6 a
Et j'en avais besoin pour lever mon épée ; 6+6 b
Mon autre main battait mon flanc, de sang trempée, 6+6 b
Et je ne pouvais plus tirer ma montre. Enfin 6+6 a
270 Mon tambour s'arrêta : — Drôle, as-tu peur ? — J'ai faim, 6+6 a
Me répondit l'enfant. En ce moment la plaine 6+6 b
Eut comme une secousse, et fut brusquement pleine 6+6 b
D'un cri qui jusqu'au ciel sinistre s'éleva. 6+6 a
Je me sentais faiblir ; tout un homme s'en va 6+6 a
275 Par une plaie ; un bras cassé, cela ruisselle ; 6+6 b
Causer avec quelqu'un soutient quand on chancelle ; 6+6 b
Mon sergent me parla ; je dis au hasard : Oui, 6+6 a
Car je ne voulais pas tomber évanoui. 6+6 a
Soudain le feu cessa, la nuit sembla moins noire. 6+6 b
280 Et l'on criait : Victoire ! et je criai : Victoire ! 6+6 b
J'aperçus des clartés qui s'approchaient de nous. 6+6 a
Sanglant, sur une main et sur les deux genoux 6+6 a
Je me traînai ; je dis : — Voyons où nous en sommes. 6+6 b
J'ajoutai : — Debout, tous ! Et je comptai mes hommes. 6+6 b
285 — Présent ! dit le sergent. — Présent ! dit le gamin. 6+6 a
Je vis mon colonel venir, l'épée en main. 6+6 a
— Par qui donc la bataille a-t-elle été gagnée ? 6+6 b
— Par vous, dit-il. — La neige étant de sang baignée, 6+6 b
Il reprit : — C'est bien vous, Hugo ? C'est votre voix ? 6+6 a
290 — Oui. — Combien de vivants êtes-vous ici ? — Trois. 6+6 a
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