Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_4/HUG840
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XXI
LE TEMPS PRÉSENT
La Vérité, lumièreeffrayée, astre en fuite, 6+6 a
Évitant on ne saitquelle obscure poursuite, 6+6 a
Après s'être montréeun instant, dispart. 6+6 b
Ainsi qu'une clartépasse en une forêt, 6+6 b
5 Elle s'en est alléeau loin dans l'étendue, 6+6 a
Et s'est dans l'infinimystérieux perdue, 6+6 a
Mêlée à l'ouragan,mêlée à la vapeur, 6+6 b
Sombre ; et de leur côtéles hommes ont eu peur. 6+6 b
Peur d'elle, comme elle apeur des hommes peut-être. 6+6 a
10 Son effacement laisseobscure la fenêtre 6+6 a
Ouverte dans notre âmeet béante au milieu 6+6 b
De l'ombre l'épaisseurdu temple cache Dieu. 6+6 b
Maintenant il fait nuit,le mensonge est à l'aise. 6+6 a
Cependant, par moments,sur la noire falaise, 6+6 a
15 D' l'on voit l'inconnusans borne, et les roulis 6+6 b
Du firmament tordantles astres dans ses plis, 6+6 b
Sommet d' l'on entendDieu tourner son registre, 6+6 a
Et d' l'on apeoitle modelé sinistre 6+6 a
Des mondes ignorés,des vagues univers, 6+6 b
20 L'un pour l'autre effrayantsparce qu'ils sont divers, 6+6 b
Fte les visionsse confrontent entre elles, 6+6 a
les réalités,pour nous surnaturelles, 6+6 a
Semblent avoir parfoisla figure du mal, 6+6 b
Du haut de cette cimeappelée Idéal, 6+6 b
25 Par instants un chercheurfait l'annonce sacrée, 6+6 a
Et dit : — La Vérité,qui guide, échauffe et crée 6+6 a
Haute lueur par quiâme s'épanouit, 6+6 b
Vivants, va revenirbientôt dans votre nuit ; 6+6 b
Attendez-la. Soyezprêts à la voir partre. — 6+6 a
30 La terre alors se metà rire ; alors le prêtre, 6+6 a
Alors le juge, alorsle rtre, alors le roi, 6+6 b
Quiconque vit d'erreur,d'imposture et d'effroi, 6+6 b
Dracon au nom des lois,Tibère au nom des hommes, 6+6 a
Caïphe au nom du ciel,tout ce que les Sodomes 6+6 a
35 Contiennent de plus sageet de plus vertueux, 6+6 b
Tous les cœurs nés, ainsique l'hydre, tortueux, 6+6 b
Les frivoles, les purs,les doctes, les obscènes, 6+6 a
Tout le bourdonnementde ces mouches malsaines, 6+6 a
S'acharne ; un homme est foudu moment qu'il est seul. 6+6 b
40 On rit d'abord ; le rirea fait plus d'un linceul ; 6+6 b
Puis on s'indigne : — Il fautqu'un tel forfait s'expie ; 6+6 a
L'homme osant n'être pasaveugle, est un impie ! 6+6 a
Quoi ! celui-ci prétendqu'il voit de la clarté ! 6+6 b
Il dit qu'il voit de loinvenir la vérité ! 6+6 b
45 Il sait l'heure, il conntl'astre, il a l'insolence 6+6 a
D'être une voix chez nousqui sommes le silence, 6+6 a
D'être un flambeau chez nousqui sommes la noirceur ! 6+6 b
Il vit là-haut ! il estce monstre, le penseur ! 6+6 b
Quoi ! sa prunelle est sainte,et serait la première 6+6 a
50 Qu'éblouirait l'augusteet lointaine lumière ! 6+6 a
L'abîme est noir pour nouset pour lui serait bleu ! 6+6 b
Si ce n'est pas un fou,ce serait donc un dieu ! 6+6 b
A bas ! — Et cris, fureurs,sarcasme, affronts, supplices ! 6+6 a
Les ignorants naïfset les savants complices, 6+6 a
55 Tous, car c'est l'homme auquelon ne pardonne point, 6+6 b
Arrivent, et chacunavec sa pierre au poing. 6+6 b
Ah ! tu viens annoncerla vérité ! prédire 6+6 a
La fin de la batailleet la fin du délire, 6+6 a
La fin des guerres, plusd'échafaud, le grand jour, 6+6 b
60 Le plein midi, la paix,la liberté, l'amour ! 6+6 b
Ah ! tu vois tout celad'avance ! Plus d'envie, 6+6 a
L'homme buvant la joieaux sources de la vie, 6+6 a
Et la fraternité,de ses larges rameaux 6+6 b
Laissant tomber les biensen foule et non les maux. 6+6 b
65 Pour avoir de tels yeuxil faut être stupide ! 6+6 a
A mort ! — Et chacun grince,et trépigne, et lapide ; 6+6 a
Avec tout ce qu'on asous la main, fouets, bâtons, 6+6 b
On frappe, on raille, on tueau hasard, à tâtons, 6+6 b
Tant les âmes ont peurde manquer de ténèbres, 6+6 a
70 Et tant les hommes sontfacilement funèbres ! 6+6 a
L'ennemi public meurt.Bien. Tout s'évanouit. 6+6 b
Nous allons donc avoirtranquillement la nuit ! 6+6 b
La sainte cécitépublique est rétablie. 6+6 a
On boit, on mange, on rampe,on chuchote, on oublie. 6+6 a
75 L'ordre n'est plus troublépar un noir songe-creux ; 6+6 b
On est des loups contentset des ânes heureux ; 6+6 b
Le bonze met son masqueet le temple son voile ; 6+6 a
Quant au rêveur marchanten avant de l'étoile, 6+6 a
Qui venait dérangerMoïse et Mahomet, 6+6 b
80 On ne sait même pluscomment il se nommait. 6+6 b
Et qu'annonçait-il donc ?La vérité ? Quel songe ! 6+6 a
Au fond, la vérité,vivants, c'est un mensonge ; 6+6 a
La vérité n'est pas.Fermons les yeux. Dormons. 6+6 b
Tout à coup, au milieudes psaumes, des sermons, 6+6 b
85 Des hymnes, des chansons,des cris, des ironies, 6+6 a
Quelque chose à traversles brumes infinies 6+6 a
Semble appartre au seuildu ciel, et l'on croit voir 6+6 b
Un point confus blanchirau fond du gouffre noir, 6+6 b
Comme un aigle arrivantdont grandit l'envergure ; 6+6 a
90 Et le point lumineuxdevient une figure, 6+6 a
Et la figure crtde moment en moment, 6+6 b
Et devient, ô terreur,un éblouissement ! 6+6 b
C'est elle, c'est l'étoileinouïe et profonde, 6+6 a
La Vérité ! C'est elle,âme errante du monde, 6+6 a
95 Avec son évidence nul rayon ne ment, 6+6 b
Et son mystère aussid' sort un flamboiement ; 6+6 b
Elle, de tous les yeuxle seul que rien n'endorme, 6+6 a
Elle, la regardéeet la voyante énorme, 6+6 a
C'est elle ! O Vérité,c'est toi ! Divinement, 6+6 b
100 Elle surgit ; ainsiqu'un vaste apaisement 6+6 b
Son radieux levers'épand dans l'ombre immense ; 6+6 a
Menace pour les uns,pour les autres clémence, 6+6 a
Elle approche ; elle éclaire,à Thèbes, dans Ombos, 6+6 b
Dans Rome, dans Paris,dans Londres, des tombeaux, 6+6 b
105 Une ciguë en Grèce,une croix en Judée, 6+6 a
Et dit : Terre, c'est moi.Qui donc m'a demandée ? 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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