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| = césure
HUG_4/HUG838
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XIX
TOUT LE PASSÉ ET TOUT L'AVENIR
Tout le Passé et tout l'Avenir
I
L'être mystérieux qui me parle à ses heures 6+6 a
Disait :
*
— Vivants ! l'orgueil habite vos demeures. 6+6 a
Il fait nuit dans votre cité ! 8 a
Le ciel s'étonne, ô foule en vices consumée, 6+6 b
5 Qu'il sorte de la paille en feu tant de fumée, 6+6 b
De l'homme tant de vanité ! 8 a
Tu regardes les cieux de travers, triste race ! 6+6 a
Tu ne te trouves pas sous l'azur à ta place. 6+6 a
Tu te plains, homme, ombre, roseau ! 8 a
10 Balbutiant : Peut-être, et bégayant : Que sais-je ? 6+6 b
Tu reproches le soir à l'aube, au lys la neige, 6+6 b
Et ton sépulcre à ton berceau ! 8 a
Tu reproches à Dieu l'œuvre incommensurable. 6+6 a
Tu frémis de trner sur ton dos misérable 6+6 a
15 Tes vieux forfaits mal expiés, 8 a
D'être pris dans ton ciel comme en un marécage, 6+6 b
Et de sentir, ainsi qu'un écureuil en cage, 6+6 b
Tourner ta prison sous tes pieds ! 8 a
Homme, si tu pouvais, tu tenterais l'espace. 6+6 a
20 Ce globe, si ta force égalait ton audace, 6+6 a
S'évaderait sous ton orteil, 8 a
Et la création irait à l'aventure 6+6 b
Si ton souffle pouvait, ô folle créature, 6+6 b
Casser l'amarre du soleil ! 8 a
25 Car rien n'est à ton gré ; tout te met mal à l'aise. 6+6 a
Ce coin du ciel est donc fait de plomb, qu'il te pèse ? 6+6 a
Oh ! tu voudrais rompre le sceau ! 8 a
Comme tu frapperais dans tes mains, ombre frêle, 6+6 b
Pour la faire envoler de sa branche éternelle, 6+6 b
30 Si la terre était un oiseau ! 8 a
Hautain, dédaignant tout, que ta nef vogue ou sombre, 6+6 a
Tu voudrais t'en aller dans le désert de l'ombre, 6+6 a
Fuir comme fuyaient les hébreux. 8 a
Tu dis : Rien de nouveau ! tu dis avec colère 6+6 b
35 Toujours la même aurore ! Et l'étoile polaire 6+6 b
T'ennuie, ô pauvre œil ténébreux. 8 a
Tu t'irrites d'être homme, oubli, poussière, atome ; 6+6 a
D'ignorer quel épi tu portes, ô vil chaume ! 6+6 a
D'être une algue dans le reflux ; 8 a
40 De trembler comme un cerf que suit une lionne, 6+6 b
Et d'être, sous le ciel qui reste et qui rayonne, 6+6 b
Celui qui passe et qui n'est plus ; 8 a
Et de ne pouvoir pas faire avec tes menaces, 6+6 a
Avec tes doigts crispés et tes ongles tenaces, 6+6 a
45 Ta sagesse et ta passion, 8 a
Tes faux temples, tes faux soleils, tes faux tonnerres, 6+6 b
Tes meurtres, tes fureurs, tes crimes et tes guerres, 6+6 b
Un pli dans la création ! 8 a
Ces myopes, jugeant le monde à leur optique, 6+6 a
50 Disent : — « Tout est manqué, la mer épileptique 6+6 a
Bave sur les écueils grondants ; 8 a
La nuit fait le hibou si le jour fait le cygne, 6+6 b
La mort, chienne de l'ombre, à qui Satan fait signe, 6+6 b
Tient l'âme humaine entre ses dents. 8 a
55 « Que nous veut la planète ? et le globe ? et la sphère ? 6+6 a
Un monde est un néant. Dieu ne savait que faire, 6+6 a
Et bâillait, seul dans son réduit, 8 a
Quand, semant au hasard son œuvre et ses paroles, 6+6 b
Il jeta dans les cieux toutes ces outres folles, 6+6 b
60 Ivres de vent, pleines de bruit. 8 a
« Qu'est-ce qu'un Dieu masqué dans l'incompréhensible ? 6+6 a
Pourquoi le bien voilé ? Pourquoi le mal visible ? 6+6 a
Pourquoi tant de brume autour d'eux ? 8 a
Pourquoi tant de Fléaux sur la terre indignée ? 6+6 b
65 Et pourquoi voyons-nous ces toiles d'araignée 6+6 b
Dans le crépuscule hideux ? 8 a
« Pourquoi le dur taureau qui frappe à coups de corne ? 6+6 a
Pourquoi l'impur typhus sorti du marais morne 6+6 a
Où jadis l'hydre s'embourbait ? 8 a
70 Christ voyait ; à quoi bon aveugler Pythagore ? 6+6 b
Le lys est beau ; pourquoi créer la mandragore 6+6 b
Des gouttes de sang du gibet ? 8 a
« L'azur est radieux ; mais pourquoi le nuage ? 6+6 a
L'amour rit ; mais pourquoi la douleur, ce péage ? 6+6 a
75 Pourquoi Caïn auprès d'Abel ? 8 a
Pourquoi livrer l'esprit de l'homme au trouble immense, 6+6 b
Et faire tournoyer l'alphabet en démence 6+6 b
Dans la spirale de Babel ? 8 a
« Pourquoi la pourriture et pourquoi les décombres ? 6+6 a
80 Pourquoi le mille-pieds trnant ses pattes sombres ? 6+6 a
Pourquoi la ronce qui nous hait ? 8 a
Pourquoi l'épine au seuil des bois, comme une lance ? 6+6 b
Pourquoi la mort ? Pourquoi l'espace, ce silence 6+6 b
Pourquoi l'univers, ce muet ? 8 a
85 « On comprend le printemps, l'aube, le nid, la rose ; 6+6 a
Mais pourquoi les glaçons ? Pourquoi le houx morose ? 6+6 a
Pourquoi l'autour, ce criminel ? 8 a
Pourquoi cette ombre froide où le jour se termine ? 6+6 b
Pourquoi la bête fauve, et pourquoi la vermine ? 6+6 b
90 — Pourquoi vous ? répond l'Éternel. 8 a
Ainsi parlent ces fous malheureux. Pour ces hommes 6+6 a
Qui ne t'épellent pas, mystère en qui nous sommes, 6+6 a
Et qui regardent sans les voir 8 a
Les rites transparents qu'en ta nuit tu célèbres, 6+6 b
95 Dieu, c'est une figure au milieu des ténèbres, 6+6 b
C'est l'horreur difforme au front noir. 8 a
C'est on ne sait quel spectre accroupi dans son antre, 6+6 a
Monstre dont on voit moins la face que le ventre, 6+6 a
Blême au seuil des gouffres ouverts, 8 a
100 Idiot éternel que l'immensité porte, 6+6 b
Et qui rêve, ayant l'ombre en sa prunelle morte, 6+6 b
Au cou ce goitre, l'univers. 8 a
Ah ! tu trouves tout mal ! trop d'ombre et de misères 6+6 a
D'autres mondes mieux faits te semblent nécessaires. 6+6 a
105 L'astre naît de brouillard terni ; 8 a
On peut se servir mieux du germe et du mystère ! — 6+6 b
Parle. Dieu formidable attend, ô ver de terre, 6+6 b
Tes commandes dans l'infini. 8 a
Ah ! le travail te pèse et la douleur t'étonne ! 6+6 a
110 Ah ! décembre après juin te semble monotone ! 6+6 a
Ah ! pourrir répugne à ta chair ! 8 a
Ah ! tu n'es pas content de ce cercle où l'on erre ! 6+6 b
Bien. Fais la guerre à Dieu. Canonne le tonnerre, 6+6 b
Croise l'épée avec l'éclair. 8 a
115 Ah ! tu portes en toi, reptile, un exemplaire 6+6 a
D'idéal qu'il eût dû copier pour te plaire ! 6+6 a
Tu compares, homme de peu, 8 a
Moucheron que prendrait l'araignée en ses toiles, 6+6 b
Ce que ton front contient au ciel rempli d'étoiles, 6+6 b
120 Ce dedans du crâne de Dieu ! 8 a
Montre ta force. Allons, règne. Que l'étendue 6+6 a
Sous ton vaste regard se prosterne éperdue ; 6+6 a
Prouve aux astres leur cécité ; 8 a
Déplace les milieux, les axes et les centres ; 6+6 b
125 Fouille l'onde et l'éther ; poursuis dans tous ses antres 6+6 b
La monstrueuse immensité ! 8 a
Questionne, surprends, scrute, découvre, arrache ! 6+6 a
Harponne au fond des mers le typhon qui s'y cache ; 6+6 a
Trouve ce que nul n'a trouvé ; 8 a
130 Sois le tout-puissant ; fais des pêches inouïes ; 6+6 b
Sonde et plonge ; et reviens, trnant par les ouïes 6+6 b
L'hydre océan sur le pavé ! 8 a
Ah ! tu dis : — Dieu n'est pas, puisque le mal existe. 6+6 a
Je chasse Jéhovah parce que je suis triste. — 6+6 a
135 Bien. Dresse-toi sur ton séant ; 8 a
Étouffe en toi l'amour et l'espoir ; raille et blâme ; 6+6 b
Ferme ton volet sourd ; allume dans ton âme 6+6 b
Le hideux réchaud du néant ! 8 a
Mars, Jupiter, Saturne, ô planètes profondes, 6+6 a
140 Vous, du moins, vous croyez ! Le jour où tous les mondes 6+6 a
Épars dans le gouffre vermeil, 8 a
Retirant l'air céleste à leur voûte obscurcie, 6+6 b
Nieraient à la fois Dieu, cette sombre asphyxie 6+6 b
Irait éteindre le soleil ! 8 a
145 Oh ! la création est une apothéose. 6+6 a
Le mont, l'arbre, l'oiseau, le lion et la rose 6+6 a
Disent dans l'ombre : Sois béni ! 8 a
L'immense azur écoute, et leurs hymnes l'enchantent ; 6+6 b
Et l'océan farouche et l'âpre ouragan chantent 6+6 b
150 Chacun leur strophe à l'infini. 8 a
L'homme seul nie et crie : A bas ! tout est mensonge, 6+6 a
Rien n'existe. Le ciel est creux. L'être est un songe. 6+6 a
Pillons les jours comme un butin ! — 8 a
Dieu tranquille et lointain dore, à travers la brume, 6+6 b
155 Toute cette colère et toute cette écume 6+6 b
Brisée à ce roc, le destin. 8 a
Donc tu fais de toi l'axe et le sommet des êtres ! 6+6 a
Ton ventre est ton autel et tes sens sont tes prêtres ; 6+6 a
Vivre est le but que tu poursuis. 8 a
160 Tu prétends que le ciel redoutable te craigne. 6+6 b
Tu dis aux mers : Je veux ! tu dis aux vents : Je règne ! 6+6 b
Tu dis aux étoiles : Je suis ! 8 a
Ta chair s'adore et met à la torture l'âme. 6+6 a
Toi ! toi seul ! t'assouvir, voilà ton culte infâme ; 6+6 a
165 Tes plaisirs sont des cruautés ; 8 a
Tu fais le mal au bord du mystère sublime ; 6+6 b
Tu viens t'accouder là ; dans le puits de l'abîme 6+6 b
Tu craches tes iniquités. 8 a
Rien ne rassasierait ta folie incurable. 6+6 a
170 Tu voudrais exprimer dans le broc misérable 6+6 a
Où tu bois, homme plein d'ennuis, 8 a
Dans ton verre où les vins immondes se répandent, 6+6 b
Les constellations, grappes d'astres qui pendent 6+6 b
A la treille immense des nuits. 8 a
175 Car ton bâillement croit avoir, ô créature, 6+6 a
Droit de vie et de mort sur toute la nature ; 6+6 a
Jéhovah n'est pas excepté. 8 a
Oh ! comme frémirait d'orgueil ton âme noire, 6+6 b
Bandit, si tu pouvais condenser, prendre et boire 6+6 b
180 Le monde en une volupté ! 8 a
Hélas ! pour en extraire une goutte d'ivresse, 6+6 a
Tu tordrais l'univers, l'aube qui te caresse, 6+6 a
La femme, l'enfant à l'œil bleu, 8 a
Content, sans hésiter à la savourer toute, 6+6 b
185 Et sans t'inquiéter si cette sombre goutte 6+6 b
Est une larme devant Dieu ! 8 a
Dieu n'est pas ! Et d'ailleurs, quand, faisant ton entrée, 6+6 a
Beau, fier, devant la rampe assez mal éclairée, 6+6 a
Tu viens éblouir tes pareils, 8 a
190 Toi, premier rôle, roi du drame où tu te plonges, 6+6 b
Toi, l'acteur du destin, veut-on pas que tu songes 6+6 b
A cet allumeur de soleils ? 8 a
S'il existe — il faudrait d'abord que je le visse, 6+6 a
Dis-tu, — c'est bon, qu'il soit ! et fasse son service ! — 6+6 a
195 Ah ! l'homme en qui rien n'éteindra 8 a
La folle volon de sonder l'insondable, 6+6 b
Mériterait qu'on mît son orgueil formidable 6+6 b
Sous ta douche, ô Niagara ! 8 a
Nains ! Dieu vous met sa marque afin qu'on vous réclame. 6+6 a
200 Croyez-vous que la mort, qui n'accepte que l'âme, 6+6 a
Et qui pèse tout dans sa main, 8 a
Si son incorruptible et sinistre prunelle 6+6 b
N'y reconnaissait pas l'effigie éternelle, 6+6 b
Recevrait le liard humain ? 8 a
205 Dieu n'est pas ! ce seul mot serait une torture. 6+6 a
Vous n'avez donc jamais regardé la nature ? 6+6 a
Heureux le sage, humble roseau, 8 a
Qui songe, et qui, pensif, voit bondir l'avalanche 6+6 b
De montagne en montagne, et qui, de branche en branche, 6+6 b
210 Voit sauter le petit oiseau ! 8 a
Vous n'avez donc jamais erré dans les ravines ? 6+6 a
Vous n'avez donc jamais, parmi les fleurs divines, 6+6 a
Respiré la brise en marchant, 8 a
Et jamais écouté, dans les fermes lointaines, 6+6 b
215 Mugir les bœufs rêveurs quand rampent dans les plaines 6+6 b
Les longues ombres du couchant ? 8 a
Vous n'avez donc jamais contemplé l'invisible ? 6+6 a
Jamais vu l'idéal, et gravi du possible 6+6 a
Le sommet désert, triste et grand ? 8 a
220 Hélas ! vous n'avez donc jamais, sous le ciel calme, 6+6 b
Vu luire l'auréole et frissonner la palme 6+6 b
Et sourire un martyr mourant ? 8 a
Vous n'avez donc jamais vu dans votre pensée 6+6 a
L'étendue, où s'en vont, d'une course insensée, 6+6 a
225 Les ténèbres, fuyant le jour ? 8 a
Jamais vu l'infini qui rit à la chaumière, 6+6 b
Que le soleil ne peut emplir de sa lumière, 6+6 b
Mais que l'âme remplit d'amour ? 8 a
Dis, tu n'as donc jamais attaché ta prunelle 6+6 a
230 Sur la profondeur morne, obscure et solennelle, 6+6 a
A l'heure où le croissant reluit, 8 a
Où l'on voit s'arrondir sur les mers remuées 6+6 b
Ce fer d'or qu'a laissé tomber dans les nuées 6+6 b
Le sombre cheval de la nuit ? 8 a
235 D'autres sont les croyants, pires que les impies. 6+6 a
Toutes les passions dans leur âme accroupies 6+6 a
Leur disent tout bas : Jouissez ! 8 a
De Jéhovah qui tonne ils font leur économe ; 6+6 b
Dieu n'est que le valet du coffre-fort de l'homme ; 6+6 b
240 Hélas, hélas, ces insensés 8 a
De la religion ont fait leur sentinelle ; 6+6 a
Cieux profonds ! ils ont mis leur sac d'or sous son aile ; 6+6 a
L'ange veille au lot du mortel ; 8 a
Leur champ importe au monde, à l'astre, à l'aube austère. 6+6 b
245 Ils ont fait une borne à ce morceau de terre 6+6 b
Avec la pierre de l'autel. 8 a
Pour faire une clôture à leur haie, à leur ferme, 6+6 a
Pour servir de lien à la barre qui ferme 6+6 a
Leur verger, leur vigne ou leur pré, 8 a
250 Pour joindre les poteaux de leur porte en ruines, 6+6 b
Ils prennent, ô Jésus, la couronne d'épines 6+6 b
Qui fait saigner ton front sacré ! 8 a
Leur visage rayonne et plaît ; leur voix caresse ; 6+6 a
Ils sont doux et charmants ; la grâce enchanteresse 6+6 a
255 Mêle son miel à leur jargon ; 8 a
Leur sourire est la fleur s'ouvrant sous les rosées ; 6+6 b
Le dedans est horrible, et toutes leurs pensées 6+6 b
Ont la figure du dragon. 8 a
De leur humili leur vanité se venge ; 6+6 a
260 Ils disent : Que me font, si je vis et je mange, 6+6 a
La famine et le choléra ? 8 a
Le faux poids dans leur droite, ils vendent, ils achètent ; 6+6 b
Leur âme a des secrets que les démons cachettent 6+6 b
Et qu'un jour Dieu seul ouvrira. 8 a
265 La femme sous leurs pieds souffre, à peine vivante ; 6+6 a
Autrefois leur esclave, aujourd'hui leur servante ! 6+6 a
Ils la pèsent avec l'argent. 8 a
L'enfant rampe ignorant et nu ; que leur importe ? 6+6 b
De quel droit est-il né ? Le marteau de leur porte 6+6 b
270 Glace la main de l'indigent. 8 a
Les maximes d'amour sur leur visage écrites 6+6 a
Mentent ; ils sont méchants, avares, hypocrites, 6+6 a
Faux devant l'aurore qui naît ; 8 a
Ils remettent aux fers ceux que Jésus délivre ; 6+6 b
275 Puis, parce qu'à des jours indiqués sur un livre 6+6 b
Pendant qu'une cloche sonnait, 8 a
Ils ont pris sous leur bras un recueil de cantiques, 6+6 a
Décroché leur enseigne et fermé leurs boutiques 6+6 a
Et dit un bénédicité, 8 a
280 Et qu'ils ont regardé pendant une heure un prêtre, 6+6 b
Et crié du latin dans l'ombre, ils pensent être 6+6 b
Quittes avec l'immensité ! 8 a
Ce grand Dieu se corrompt en vous, engeance folle ! 6+6 a
Il entre dans votre âme idée, et sort idole ; 6+6 a
285 Vous l'insultez dans vos corans ; 8 a
Vous lui donnez vos yeux, vos vices, vos visages, 6+6 b
Vous le faites d'argile, hélas ! comme vos sages, 6+6 b
Et d'airain comme vos tyrans ! 8 a
Partout bûchers, trépieds, pagodes éphémères ; 6+6 a
290 Temples monstres bâtis par des dogmes chimères ; 6+6 a
Thor, Vishnou, Teutatès, Ammon, 8 a
Bel qui rugit, Dagon qui siffle, Apis qui beugle ; 6+6 b
La synagogue sourde et la mosquée aveugle ; 6+6 b
Noirs autels pleins d'un Dieu démon ! 8 a
295 Les Parthénons font boire au juste la ciguë. 6+6 a
La cathédrale, avec sa double tour aiguë, 6+6 a
Debout devant le jour qui fuit, 8 a
Ignore, et, sans savoir, affirme, absout, condamne ; 6+6 b
Dieu voit avec pitié ces deux oreilles d'âne 6+6 b
300 Se dresser dans la vaste nuit. 8 a
Dieu ! Dieu ! Dieu ! le rocher où la lame déferle 6+6 a
Compte sur lui ; c'est lui qui règne ; il fait la perle 6+6 a
Et l'étoile pour les sondeurs ; 8 a
L'azur le voile ; il met, pour que le tigre y dorme, 6+6 b
305 De la mousse dans l'antre ; il parle, voix énorme, 6+6 b
A l'ombre dans les profondeurs. 8 a
Il règne, il songe ; il fond les granits dans les soufres ; 6+6 a
Il crée en même temps les soleils dans les gouffres 6+6 a
Et le liseron dans le pré ; 8 a
310 Pour l'avoir un jour vu, la mer est encore ivre ; 6+6 b
Les versants du Sina sont de son vaste livre 6+6 b
Le pupitre démesuré. 8 a
L'océan calme, c'est le plat de son épée. 6+6 a
La montagne à sa voix s'enfuirait dissipée 6+6 a
315 Comme de l'eau dans le gazon ; 8 a
Dans les éternités sans fin continuées 6+6 b
Ce Père habite ; il fait des arches de nuées 6+6 b
Aux quatre coins de l'horizon. 8 a
Il pense, il règle, il mène, il pèse, il juge, il aime, 6+6 a
320 Et laisse les festins rire à Lucullus blême 6+6 a
Qui paît, hideux, chauve et jauni, 8 a
Et se gonfle de vin comme une poche pleine ; 6+6 b
Ce qu'une outre peut dire au ventre de Silène 6+6 b
N'importe pas à l'infini. 8 a
325 Ce même Dieu qui fit d'avril une corbeille, 6+6 a
Qui fait l'oiseau chanteur pour les bois, et l'abeille 6+6 a
Pour l'herbe où l'aube étincela, 8 a
Donne au pôle effrayant, sans jour, sans fleur, sans arbre, 6+6 b
Pour qu'il puisse parfois chauffer ses mains de marbre, 6+6 b
330 Ta cheminée, ô sombre Hékla ! 8 a
Sous l'œil de cet esprit suprême et formidable, 6+6 a
L'eau monte en brume au front du pic inabordable 6+6 a
Et tombe en flots du haut des monts ; 8 a
La créature éteinte est d'une autre suivie ; 6+6 b
335 L'univers, où ce Dieu met la mort et la vie, 6+6 b
Respire par ces deux poumons. 8 a
Devant ce Dieu s'enfuit tout ce qui hait son œuvre, 6+6 a
La tempête, le mal, l'épervier, la couleuvre, 6+6 a
Le méchant qui ment et qui nuit, 8 a
340 La trombe, affreux bandit qui dans les flots se vautre, 6+6 b
L'hiver boiteux qui fait marcher l'un après l'autre 6+6 b
Son jour court et sa longue nuit. 8 a
Il fait lâcher la proie aux bêtes carnassières. 6+6 a
Les morts dans le sépulcre ont perdu leurs poussières ; 6+6 a
345 Il rêve, et sait où sont leurs os. 8 a
En entendant passer son souffle dans l'espace, 6+6 b
Subitement l'enfer à la gueule rapace, 6+6 b
Les mondes hurlants du chaos, 8 a
Les univers punis dont la clameur s'élance, 6+6 a
350 Les bagnes monstrueux de l'ombre, font silence, 6+6 a
Et dans la nuit des noirs arrêts 8 a
Cessent de secouer les chaînes qui leur pèsent, 6+6 b
Comme le soir, au pas d'un voyageur, se taisent 6+6 b
Les grenouilles dans le marais. 8 a
355 Il tient une balance immense en équilibre ; 6+6 a
Il met dans un plateau les cieux, la mer qui vibre, 6+6 a
Ceux qui sur le trône ont vécu, 8 a
Le monde et ses clartés, le mystère et ses voiles, 6+6 b
Et l'abîme jetant son écume d'étoiles ; 6+6 b
360 Dans l'autre il met Caton vaincu. 8 a
Ce qu'il est ? regardez au-dessus de vos têtes ; 6+6 a
Voyez le ciel, le jour, la nuit ! Ce que vous êtes ? 6+6 a
Cherchez dans votre cendrier. 8 a
Son année est sans fin. Prosternez vos pensées. 6+6 b
365 Les constellations sont des mouches posées 6+6 b
Sur l'énorme calendrier. 8 a
Mais voyez-le donc, vous dont les chants sont des râles, 6+6 a
Vivants qui ne pouvez que mourir, ombres pâles, 6+6 a
Et qui ne savez qu'oublier ! 8 a
370 L'océan goutte à goutte en sa clepsydre pleure ; 6+6 b
Tout Sahara, tombant grain à grain, marque l'heure 6+6 b
Dans son effrayant sablier. 8 a
Mêlez-le maintenant à vos anniversaires ! 6+6 a
Allumez vos flambeaux, égrenez vos rosaires, 6+6 a
375 Sur vos lutrins soyez béants ; 8 a
Ayez vos jours sacrés que plus de clarté dore ; 6+6 b
Mettez, devant ce Dieu que couronne l'aurore, 6+6 b
Des tiares à vos néants ! 8 a
La bête des bois rit quand les hommes, vain nombre, 6+6 a
380 Vont clouant leurs erreurs sur Dieu, leur nom sur l'ombre, 6+6 a
Leur date sur l'immensité, 8 a
Se font centre du monde, eux les passants rapides, 6+6 b
Et s'en viennent chanter leurs bouts de l'an stupides 6+6 b
A la muette éternité. 8 a
385 Hélas ! l'ange Justice ouvre ses yeux sinistres 6+6 a
Il écrit en rêvant des noms sur ses registres. 6+6 a
Ah ! ces tristes vivants ont tort ! 8 a
Devant Dieu, qui d'en haut à la paix les convie 6+6 b
Et donne aux cœurs l'amour et verse aux fronts la vie, 6+6 b
390 Ils font la haine, ils font la mort ! 8 a
Ils bravent l'océan plein de magnificence, 6+6 a
Où flottent le mystère et la toute-puissance ; 6+6 a
Ils souillent le gouffre irrité ; 8 a
Sans prendre garde au vent qui s'épuise en huées, 6+6 b
395 Ils lèvent leur bannière au milieu des nuées, 6+6 b
Ces drapeaux de l'immensité ! 8 a
Ils ont pour dieux la force et la ruse aux yeux louches ; 6+6 a
Ils font chanter des chants aux trompettes farouches 6+6 a
Dont nous, esprits, nous frissonnons, 8 a
400 Et rouler, balafrant la nature sacrée, 6+6 b
Sur les champs, sur les blés, sur les fleurs que Dieu crée, 6+6 b
La roue horrible des canons. 8 a
Les générations meurent pour leur caprice. 6+6 a
Ils disent au tombeau : Prends l'homme et qu'il périsse ! 6+6 a
405 O nains, pires que les géants ! 8 a
Ils ouvrent cette nuit que nul rayon ne perce ; 6+6 b
Ils y font brusquement tomber à la renverse 6+6 b
Les pâles cadavres béants ! 8 a
Ils rougissent de sang l'onde et les herbes vertes, 6+6 a
410 Ils dressent au sommet des collines désertes 6+6 a
Le noir gibet silencieux 8 a
Qui reste tout le jour sans changer d'attitude, 6+6 b
Mais qui, dès que la nuit brunit la solitude, 6+6 b
Élève ses bras vers les cieux. 8 a
415 Nous sommes la justice auguste, immaculée ! 6+6 a
Disent-ils, s'étalant dans leur chambre étoilée 6+6 a
Qu'entourent les spectres camards ; 8 a
Et, pendant que la foule approuve et les admire, 6+6 b
Un long sanglot mê d'un long éclat de rire 6+6 b
420 Va des Montfaucons aux Clamarts ! 8 a
Ces hommes insensés se vautrent dans la joie ; 6+6 a
Ils ont des lits de pourpre et des manteaux de soie ; 6+6 a
Ils vivent, d'ombre et d'or chargés ; 8 a
Cette vie est pour eux un palais plein de fêtes ; 6+6 b
425 Ils laissent derrière eux les choses qu'ils ont faites. 6+6 b
C'est bien, buvez ! c'est bien, mangez ! 8 a
Pendant qu'en haut la table éblouit les convives, 6+6 a
Et que les bouches sont comme des sources vives, 6+6 a
Que la chair fume avec l'encens ; 8 a
430 Pendant que les archers gardent les avenues, 6+6 b
Que l'amour rit au spectre, et que les toutes nues 6+6 b
Chantent auprès des tout-puissants ; 8 a
Pendant que le banquet, rayonnant comme un phare, 6+6 a
Mêle le choc du verre au son de la fanfare, 6+6 a
435 Et qu'ils s'enivrent dans la nuit, 8 a
Sans même, dans leur joie immonde et sépulcrale, 6+6 b
S'informer s'il n'est pas quelque obscure spirale, 6+6 b
Sous la salle pleine de bruit. 8 a
O morts qui vous taisez au fond des catacombes, 6+6 a
440 L'expiation prend les pierres de vos tombes 6+6 a
Dans l'insondable profondeur, 8 a
Et de ces marbres froids qui dans l'ombre descendent 6+6 b
Fait un sombre escalier dont les marches attendent 6+6 b
Les lourds talons du commandeur ! 8 a
II
445 Pensif, je répondis à l'archange nocturne : 6+6 a
— Sévère esprit, ta voix sanglote comme l'urne 6+6 a
Qui verse un flot noir et glacé. 8 a
Sur qui te penches-tu ? Tes paroles s'adressent 6+6 b
Aux tristes nations d'hier qui disparaissent, 6+6 b
450 Aux pâles foules du passé, 8 a
Ton cri ressemble au chant des moines Isaïes. 6+6 a
Le mystère, autrefois, de ses brumes haïes 6+6 a
Obstruait la terre et les cieux, 8 a
Et l'homme avait besoin que les prophètes blêmes 6+6 b
455 Lui parlassent du seuil de tous ces noirs problèmes 6+6 b
Ouvrant leurs porches monstrueux. 8 a
L'homme ignorait. Marchant loin du sentier qui sauve, 6+6 a
Il allait au hasard dans la nature fauve, 6+6 a
Comme le loup au fond des bois, 8 a
460 Sourd à ces alphabets, perdu dans ces algèbres ; 6+6 b
Les prophètes alors dans ces grandes ténèbres 6+6 b
Élevèrent leurs grandes voix. 8 a
Il fallait avertir l'homme au bord de l'abîme. 6+6 a
Tout ici-bas semblait lui conseiller le crime ; 6+6 a
465 Temps rude où le mal triomphait ! 8 a
La forêt de l'embûche était le noir ministre ; 6+6 b
L'arbre avait l'air d'un monstre, et le rocher sinistre 6+6 b
Avait la forme du forfait. 8 a
Ici gémissait Job, et là chantait Sodome. 6+6 a
470 L'homme à tous les fléaux horrible, ajoutait l'homme ; 6+6 a
La guerre infâme aidait la faim ; 8 a
Comme on brûle une paille on allumait les villes ; 6+6 b
Et l'on voyait Judas sortir des choses viles, 6+6 b
Et des choses sombres Caïn. 8 a
475 Les prophètes chassaient le mal ; ces personnages 6+6 a
Rendaient au Dieu vivant d'augustes témoignages ; 6+6 a
L'homme de ces temps inhumains, 8 a
Affreux, baignant de sang les champs, l'onde et les sables, 6+6 b
S'arrêtait, s'il voyait ces songeurs formidables, 6+6 b
480 Pâles et levant leurs deux mains. 8 a
Ils descendaient des monts, portant de sombres tables ; 6+6 a
Ils mouraient en laissant les Talmuds redoutables 6+6 a
Ouverts sur l'aile des griffons, 8 a
Les farouches Védas, les Eddas, les Genèses, 6+6 b
485 Registres éclairés du reflet des fournaises, 6+6 b
Pages pleines de bruits profonds. 8 a
Ils épouvantaient l'homme et la terre méchante ; 6+6 a
Et depuis cinq mille ans, pendant que l'aube chante 6+6 a
Et que la fleur verse l'encens, 8 a
490 Le genre humain qui passe et que le temps dénombre 6+6 b
Entend, dans la caverne effrayante de l'ombre, 6+6 b
Gronder ces livres rugissants. 8 a
Mais le passé s'en va. Regarde-nous ; nous sommes 6+6 a
Un autre Adam, une autre Ève, de nouveaux hommes. 6+6 a
495 Nous bénissons quand nous souffrons. 8 a
Hier vivait d'horreur, de deuil, de sang, de fange ; 6+6 b
Hier était le monstre et demain sera l'ange ; 6+6 b
Le point du jour blanchit nos fronts. 8 a
Deux êtres sont en nous : l'un ailé, l'autre immonde ; 6+6 a
500 L'un montant vers Dieu, l'autre ombre et tache du monde, 6+6 a
Se ruant dans d'infâmes lits ; 8 a
Et, pendant que le corps, marchant sur des semelles, 6+6 b
Vil, abject, boit l'opprobre et la lie aux gamelles, 6+6 b
L'âme boit la rosée aux lys. 8 a
505 L'œuvre du genre humain, c'est de délivrer l'âme ; 6+6 a
C'est de la dégager du triste épithalame 6+6 a
Que lui chante le corps impur ; 8 a
C'est de la rendre, chaste, à la clarté première ; 6+6 b
Car Dieu rêveur a fait l'âme pour la lumière 6+6 b
510 Comme il fit l'aile pour l'azur. 8 a
Nous ne sommes plus ceux qui riaient à la face 6+6 a
De l'ombre impénétrable où tout rentre et s'efface, 6+6 a
Qui faisaient le mal sans frayeur, 8 a
Qui jetaient au cercueil ce cri : Va-t'en ! je nie ! 6+6 b
515 Et mettaient le néant, le rire et l'ironie 6+6 b
Dans la pelle du fossoyeur. 8 a
Nous croyons en ce Dieu vivant ; sa foi nous brûle ; 6+6 a
Il inspire Brutus sur la chaise curule, 6+6 a
Guillaume Tell sous le sayon ; 8 a
520 Nous allumons, courbés sous son vent qui nous pousse, 6+6 b
Notre liberté fière à sa majesté douce 6+6 b
Et notre foudre à son rayon. 8 a
Il fait germer le ver dans sa morne cellule, 6+6 a
Change la larve affreuse en vive libellule, 6+6 a
525 Transfigure, affranchit, construit, 8 a
Émeut les tours de pierre et les tentes de toiles, 6+6 b
Et crée et vit ! c'est lui qui pénètre d'étoiles 6+6 b
Les ailes noires de la nuit. 8 a
Sa tiare splendide est une ruche immense, 6+6 a
530 Où, des roses soleils apportant la semence 6+6 a
Et de l'astre apportant le miel, 8 a
Essaim de flamme ayant le monde pour Hymettes, 6+6 b
Mouches de l'infini, les abeilles comètes 6+6 b
Volent de tous les points du ciel. 8 a
535 Le Mal, le glaive au poing, voilé d'un voile d'ombre, 6+6 a
Nous guette ; et la forêt que la broussaille encombre, 6+6 a
L'âpre rocher, le flot ingrat, 8 a
L'aident, complices noirs, contre la créature, 6+6 b
Et semblent par moments faire de la nature 6+6 b
540 L'antre où rêve ce scélérat. 8 a
Mais nous luttons, esprits ! nous vaincrons. Dieu nous mène. 6+6 a
Il est le feu qui va devant l'armée humaine, 6+6 a
Le dieu d'Ève et de Débora. 8 a
Un jour, bientôt, demain, tout changera de forme, 6+6 b
545 Et dans l'immensité, comme une fleur énorme, 6+6 b
L'univers s'épanouira ! 8 a
Nous vaincrons l'élément ! cette bête de somme 6+6 a
Se couchera dans l'ombre à plat ventre, sous l'homme ; 6+6 a
La matière aura beau hurler ; 8 a
550 Nous ferons de ses cris sortir l'hymne de l'ordre ; 6+6 b
Et nous remplacerons les dents qui veulent mordre 6+6 b
Par la langue qui sait parler. 8 a
Quand nous aurons fini le travail de la vigne, 6+6 a
Quand au Dieu qui fit l'aigle et l'air, l'onde et le cygne, 6+6 a
555 La tourmente et Léviathan, 8 a
Nous aurons rapporté toutes nos âmes anges, 6+6 b
Nous ferons du panier de ces saintes vendanges 6+6 b
La muselière de Satan. 8 a
Satan, c'est l'appétit, pourceau qui mord l'idée ; 6+6 a
560 C'est l'ivresse, fond noir de la coupe vidée ; 6+6 a
Satan, c'est l'orgueil sans genoux ; 8 a
C'est l'égoïsme, heureux du sang où ses mains trempent ; 6+6 b
C'est le ventre hideux, cette caverne où rampent 6+6 b
Tous les monstres qui sont en nous. 8 a
565 Satan c'est la douleur, c'est l'erreur, c'est la borne, 6+6 a
C'est le froid ténébreux, c'est la pesanteur morne, 6+6 a
C'est la vis du sanglant pressoir ; 8 a
C'est la force d'en bas liant tout de ses chaînes 6+6 b
Qui fait dans le ravin, sous l'ombre des grands chênes, 6+6 b
570 Crier les chariots le soir. 8 a
Nous allons à l'amour, au bien, à l'harmonie. 6+6 a
O vivants, qui flottez dans l'énigme infinie, 6+6 a
Un arbre, auguste à tous les yeux, 8 a
Conduit votre navire à travers l'âpre abîme ; 6+6 b
575 Jésus ouvre ses bras sur la vergue sublime 6+6 b
De ce grand mât mystérieux. 8 a
Derrière nous décroît le mal, noire masure. 6+6 a
Bientôt nous toucherons au port, le flot s'azure. 6+6 a
L'homme, qu'en vain le deuil poursuit, 8 a
580 Ne verra plus tomber dans l'ombre sur sa tête 6+6 b
L'effroi, l'hiver, l'horreur, l'ouragan, la tempête, 6+6 b
Ces vomissements de la nuit. 8 a
Nous chasserons la guerre et le meurtre à coups d'aile ; 6+6 a
Et cette frémissante et candide hirondelle 6+6 a
585 Qui vole vers l'éternité, 8 a
L'espérance, adoptant notre maison amie, 6+6 b
Viendra faire son nid dans la gueule endormie 6+6 b
Du vieux monstre Fatalité. 8 a
Les peuples trouveront de nouveaux équilibres ; 6+6 a
590 Oui, l'aube naît, demain les âmes seront libres ; 6+6 a
Le jour est fait par le volcan ; 8 a
L'homme illuminera l'ombre qui l'environne ; 6+6 b
Et l'on verra, changeant l'esclavage en couronne, 6+6 b
Des fleurons sortir du carcan. 8 a
595 Et quand ces temps viendront, ô joie ! ô cieux paisibles ! 6+6 a
Les astres, aujourd'hui l'un pour l'autre terribles, 6+6 a
Se regarderont doucement ; 8 a
Les globes s'aimeront comme l'homme et la femme ; 6+6 b
Et le même rayon qui traversera l'âme 6+6 b
600 Traversera le firmament. 8 a
Les sphères vogueront avec le son des lyres. 6+6 a
Au lieu des mondes noirs pleins d'horribles délires, 6+6 a
Qui rugissent vils et maudits 8 a
On entendra chanter sous le feuillage sombre 6+6 b
605 Les édens enivrés, et l'on verra dans l'ombre 6+6 b
Resplendir les bleus paradis. 8 a
Dieu voudra. Tout à coup on verra les discordes, 6+6 a
La hache et son billot, les gibets et leurs cordes, 6+6 a
L'impur serpent des cieux banni, 8 a
610 Le sang, le cri, la haine, et l'ordure, et la vase, 6+6 b
Se changer en amour et devenir extase 6+6 b
Sous un baiser de l'infini. 8 a
Dieu met, quand il lui plaît, sur l'orage et la haine, 6+6 a
Sur la foudre, forçat dont on entend la chaîne, 6+6 a
615 La sainte serrure des cieux, 8 a
Et, laissant écumer leurs voix exténuées, 6+6 b
Ferme avec l'arc-en-ciel courbé dans les nuées 6+6 b
Ce cadenas mystérieux. 8 a
Au fond du gouffre où sont ceux qui se font proscrire, 6+6 a
620 Des plus profonds enfers stupéfaits de sourire 6+6 a
L'amour ira baiser les gonds, 8 a
Comme un rayon de l'aube, à l'orient ouverte, 6+6 b
Va dans la profondeur de l'eau sinistre et verte 6+6 b
Jusqu'aux écailles des dragons. 8 a
625 Les globes se noueront par des nœuds invisibles ; 6+6 a
Ils s'enverront l'amour comme la flèche aux cibles ; 6+6 a
Tout sera vie, hymne et réveil ; 8 a
Et comme des oiseaux vont d'une branche à l'autre 6+6 b
Le Verbe immense ira, mystérieux apôtre, 6+6 b
630 D'un soleil à l'autre soleil. 8 a
Les mondes, qu'aujourd'hui le mal habite et creuse, 6+6 a
Échangeront leur joie à travers l'ombre heureuse 6+6 a
Et l'espace silencieux ; 8 a
Nul être, âme au soleil, ne sera solitaire ; 6+6 b
635 L'avenir, c'est l'hymen des hommes sur la terre 6+6 b
Et des étoiles dans les cieux. 8 a
mètre profils métriques : 8, 6+6
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