Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_4/HUG814
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XVII
CHANGEMENT D'HORIZON
Changement d'horizon
Homère était jadis | le poète ; la guerre 6+6 a
Était la loi ; vieillir | était d'un cœur vulgaire ; 6+6 a
La hâte des vivants | et leur unique effort 6+6 b
Était l'embrassement | tragique de la mort. 6+6 b
5 Ce que les dieux pouvaient | donner de mieux à l'homme, 6+6 a
C'était un grand linceul | libérateur de Rome, 6+6 a
Ou quelque saint tombeau | pour Sparte et pour ses lois ; 6+6 b
L'adolescent hagard | se ruait aux exploits ; 6+6 b
C'était à qui ferait | plus vite l'ouverture 6+6 a
10 Du sépulcre, et courrait | cette altière aventure. 6+6 a
La mort avec la gloire, | ô sublime présent ! 6+6 b
Ulysse devinait | Achille frémissant ; 6+6 b
Une fille fendait | du haut en bas sa robe, 6+6 a
Et tous criaient : Voilà | le chef qu'on nous dérobe ! 6+6 a
15 Et la virginité | sauvage de Scyros 6+6 b
Était le masque auguste | et fatal des héros ; 6+6 b
L'homme était pour l'épée | un fiancé fidèle. 6+6 a
La muse avait toujours | un vautour auprès d'elle ; 6+6 a
Féroce, elle menait | aux champs ce déterreur — 6+6 b
20 Elle était la chanteuse | énorme de l'horreur, 6+6 b
La géante du mal, | la déesse tigresse, 6+6 a
Le grand nuage noir | de l'azur de la Grèce ; 6+6 a
Elle poussait aux cieux | des cris désespérés ; 6+6 b
Elle disait : Tuez ! | tuez ! tuez ! mourez ! 6+6 b
25 Des chevaux monstrueux | elle mordait les croupes, 6+6 a
Et, les cheveux au vent, | s'effarait sur les groupes 6+6 a
Des hommes dieux étreints | par les héros titans ; 6+6 b
Elle mettait l'enfer | dans l'œil des combattants, 6+6 b
L'éclair dans le fourreau | d'Ajax, et des courroies 6+6 a
30 Dans les pieds des Hectors | traînés autour des Troies ; 6+6 a
Pendant que les soldats | touchés du dard sifflant, 6+6 b
Pâles, tombaient, avec | un ruisseau rouge au flanc, 6+6 b
Que les crânes s'ouvraient | comme de sombres urnes, 6+6 a
Que les lances trouaient | son voile aux plis nocturnes, 6+6 a
35 Que les serpents montaient | le long de son bras blanc, 6+6 b
Que la mêlée entrait | dans l'olympe en hurlant, 6+6 b
Elle chantait, terrible | et tranquille, et sa bouche 6+6 a
Fauve bavait du sang | dans le clairon farouche ; 6+6 a
Et les casques, les tours, | les tentes, les blessés, 6+6 b
40 Les noirs fourmillements | de morts dans les fossés, 6+6 b
Les tourbillons de chars | et de drapeaux, les piques 6+6 a
Et les glaives, volaient | dans ses souffles épiques. 6+6 a
La muse est aujourd'hui | la Paix, ayant les reins 6+6 b
Sans cuirasse et le front | sous les épis sereins ; 6+6 b
45 Le poète à la mort | dit : Meurs, guerre, ombre, envie ! 6+6 a
Et chasse doucement | les hommes vers la vie ; 6+6 a
Et l'on voit de ses vers, | goutte à goutte, des pleurs 6+6 b
Tomber sur les enfants, | les femmes et les fleurs, 6+6 b
Et des astres jaillir | de ses strophes volantes ; 6+6 a
50 Et son chant fait pousser | des bourgeons verts aux plantes, 6+6 a
Et ses rêves sont faits | d'aurore, et, dans l'amour, 6+6 b
Sa bouche chante et rit, | toute pleine de jour. 6+6 b
*
En vain, montrant le poing | dans tes mornes bravades, 6+6 a
Tu menaces encor, | noir passé ; tu t'évades ! 6+6 a
55 C'est fini. Les vivants | savent que désormais, 6+6 b
S'ils le veulent, les plans | hideux que tu formais 6+6 b
Crouleront, qu'il fait jour, | que la guerre est impie, 6+6 a
Et qu'il faut s'entr'aider, | car toujours l'homme expie 6+6 a
Ses propres lâchetés, | ses propres trahisons ; 6+6 b
60 Ce que nous serons sort | de ce que nous faisons. 6+6 b
Moi, proscrit, je travaille | à l'éclosion sainte 6+6 a
Des temps où l'homme aura | plus d'espoir que de crainte, 6+6 a
Et contemplera l'aube, | afin de s'ôter mieux 6+6 b
L'enfer du cœur, ayant | le ciel devant les yeux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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