Métrique en Ligne
a voyelle stable
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e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_4/HUG812
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XV
LE CYCLE PYRÉNÉEN
La Paternité
Le père a souffletéle fils.
Tous deux sont grands. 6+6 a
Don Ascagne est le fils.Nager dans les torrents, 6+6 a
Dompter l'ours, être un comteâpre et dur comme un rustre, 6+6 b
Ce furent là les mœursde son enfance illustre ; 6+6 b
5 Il étonnait les monts l'éclair retentit 6+6 a
Par la grandeur des pasqu'il faisait tout petit ; 6+6 a
Il risquait, par-dessusmaint gouffre redoutable, 6+6 b
Des sauts de chevrier,de l'air d'un connétable ; 6+6 b
Il n'avait pas vingt ansqu'il avait déjà pris 6+6 a
10 Tout le pays qui vad'Irun à Lojariz, 6+6 a
Et Tormez, et Sangra,cité des sycomores, 6+6 b
Et détruit sur les bordsdu Zaban cinq rois maures. 6+6 b
Le père est Jayme ; il estplus formidable encor ; 6+6 a
Tell t voulu léguerson arc, Roland son cor, 6+6 a
15 Hercule sa massueà ce comte superbe. 6+6 b
Ce que le titan chauveest à l'archange imberbe, 6+6 b
Don Jayme l'est à donAscagne ; il a blanchi ; 6+6 a
Il neige sur un montqu'on n'a jamais franchi 6+6 a
Et l'âge atteint le frontque nul roi n'a pu vaincre. 6+6 b
20 La mer parfois s'arrêteet se laisse convaincre 6+6 b
Par la dune ou l'écueil,et s'abaisse et décrt, 6+6 a
Mais Jayme n'a jamaisreculé dans son droit 6+6 a
Et toujours il a faitson devoir d'être libre ; 6+6 b
Ses vieux monts qu'envieraientles collines du Tibre 6+6 b
25 Sur l'horizon brumeuxde loin sont apeus, 6+6 a
Et sa tour sur les monts,et son âme au-dessus. 6+6 a
Jayme a chassé Kernoch,pirate de Bretagne. 6+6 b
Il verrait Annibalattaquer sa montagne 6+6 b
Qu'il dirait : me voilà !rien ne le surprenant. 6+6 a
30 Il habite un payssauvage et frissonnant ; 6+6 a
L'orage est éternelsur son château farouche ; 6+6 b
Les vents dont un courrouxdifforme emplit la bouche 6+6 b
Y soufflent et s'y fontune âpre guerre entre eux, 6+6 a
Et sur ses tours la pluieen longs fils ténébreux 6+6 a
35 Tombe comme à traversles mille trous d'un crible ; 6+6 b
Jayme parfois se montreaux ouragans, terrible ; 6+6 b
Il se dresse entre deuxnuages entrouverts, 6+6 a
Il regarde la foudreet l'autan de travers, 6+6 a
Et fronce un tel sourcilque l'ombre est inquiète ; 6+6 b
40 Le pâtre voit d'en bassa haute silhouette 6+6 b
Et croit que ce seigneurdes monts et des torrents 6+6 a
Met le holà parmices noirs belligérants. 6+6 a
Sa tour est indulgenteau lierre parasite, 6+6 b
On a recours à luiquand la victoire hésite ; 6+6 b
45 Il la décide, ayantune altière façon 6+6 a
De pousser l'ennemiderrière l'horizon ; 6+6 a
Il ne permet aucunpillage sur ses terres ; 6+6 b
Il est de ceux qui sontau clergé réfractaires ; 6+6 b
Il est le grand rebelleet le grand justicier ; 6+6 a
50 Il a la franchise âpreet claire de l'acier ; 6+6 a
Ce n'est pas un voleur,il ne veut pas qu'on dise 6+6 b
Qu'un noble a droit de prendreaux juifs leur marchandise ; 6+6 b
Il jure rarement,donne de bons avis, 6+6 a
Craint les femmes, dort vite,et les lourds ponts-levis 6+6 a
55 Sont tremblants quand il batleur chne à coups de hache ; 6+6 b
Il est sans peur, il estsans feinte, il est sans tache, 6+6 b
Croit en Dieu, ne ment pas,ne fuit pas, ne hait pas ; 6+6 a
Les défis qu'on lui jetteont pour lui des appas ; 6+6 a
Il songe à ses neveux,il songe à ses ancêtres ; 6+6 b
60 Quant aux rois, que l'enferattend, car ils sont trtres, 6+6 b
Il les plaint quelquefoiset ne les craint jamais ; 6+6 a
Quand la loyauté parle,il dit : je me soumets ; 6+6 a
Étant baron des monts,il est roi de la plaine ; 6+6 b
La ville de la soieet celle de la laine, 6+6 b
65 Grenade et Ségovie,ont confiance en lui. 6+6 a
Cette gloire hautaineet scrupuleuse a lui 6+6 a
Soixante ans, sans cterune larme à l'Espagne. 6+6 b
Chaque fois qu'il annonceune entrée en campagne, 6+6 b
Chaque fois que ses feux,piquant l'horizon noir, 6+6 a
70 Clairs dans l'ombre, ont courude monts en monts le soir, 6+6 a
Appels mystérieuxflamboyant sur les cimes, 6+6 b
Les tragiques vautourset les cygnes sublimes 6+6 b
Accourent, voulant voir,quand Jayme a combattu, 6+6 a
Les vautours son exploit,les cygnes sa vertu ; 6+6 a
Car il est bon.
75 Le filsn'est pas un chef vulgaire ; 6+6 b
Mais le père a souventpardonné dans la guerre, 6+6 b
Ce qui fait que le pèreest le plus grand des deux. 6+6 a
Ils tiennent Reuss, le montCantabre dépend d'eux, 6+6 a
Ils habitent la caseArcol, tour féodale 6+6 b
80 Faite par don Maldras,qui fut un roi vandale, 6+6 b
Sur un sommet jadishanté par un dragon ; 6+6 a
L'Èbre est leur fleuve ; au tempsdes guerres d'Aragon, 6+6 a
Ils ont bravé le roide France Louis onze. 6+6 b
Ascagne est fils de Jayme,et Jayme est fils d'Alonze. 6+6 b
85 Qu'est-ce qu'Alonze ? Un mort ;larve, ombre dans les vents, 6+6 a
Fantôme, mais plus grandque ceux qui sont vivants ; 6+6 a
Il a fait dans son tempsdes choses inconnues, 6+6 b
Et superbes ; parfoissa face dans les nues 6+6 b
Appart ; c'est de luique parlent les vieillards ; 6+6 a
90 On l'apeoit qui rêveau fond des noirs brouillards. 6+6 a
Sa statue est au basde la tour, dans la crypte, 6+6 b
Assise sur sa tombeainsi qu'un dieu d'Égypte, 6+6 b
Toute en airain, énorme,et touchant au plafond ; 6+6 a
Car les sépulcres sontce que les morts les font, 6+6 a
95 Grands si le mort est grand ;si bien que don Alonze 6+6 b
Est spectre dans la brumeet géant dans le bronze. 6+6 b
Voilà quinze cents ansque le monde est chrétien ; 6+6 a
Les fières mœurs s'en vont ;jadis le mal, le bien, 6+6 a
Le bon, le beau, vivaientdans la chevalerie ; 6+6 b
100 L'épée avait finipar être une patrie ; 6+6 b
On était chevaliercomme on est citoyen ; 6+6 a
Atteindre un juste butpar un juste moyen, 6+6 a
Être clément au faible,aux puissants incommode, 6+6 b
Vaincre, mais rester pur,c'était la vieille mode ; 6+6 b
105 Jayme fut de son siècle,Ascagne est de son temps. 6+6 a
Les générationsmêlent leurs pas flottants. 6+6 a
Hélas ! souvent un père,en qui brûle une flamme, 6+6 b
Dans son fils qui granditvoit décrtre son âme. 6+6 b
Jadis la guerre, ayantpour loi l'honneur grondeur 6+6 a
110 Et la foi sainte, étaitterrible avec pudeur ; 6+6 a
Les paladins étaientà leurs vieux noms fidèles ; 6+6 b
Les aigles avaient moinsde griffes et plus d'ailes ; 6+6 b
On n'est plus à présentles hommes d'autrefois ; 6+6 a
On ne voit plus les preuxse ruer aux exploits 6+6 a
115 Comme des tourbillonsd'âmes impétueuses ; 6+6 b
On a pour s'attaquerdes façons tortueuses 6+6 b
Et sûres, dont le Cid,certes, n't pas voulu, 6+6 a
Et que dédaigneraitle lion chevelu ; 6+6 a
Jadis les courts assauts,maintenant les longs sièges ; 6+6 b
120 Et tout s'achève, aprèsles ruses et les pièges, 6+6 b
Par le sac des citésen flammes sous les cieux, 6+6 a
Et, comme on est moins braveon est plus furieux ; 6+6 a
Ce qui fait qu'aujourd'huiles victoires sont noires. 6+6 b
Ascagne a désiréfranchir des territoires 6+6 b
125 D'Alraz, ville qui doitaux arabes son nom ; 6+6 a
Il a voulu passer,mais la ville a dit non ; 6+6 a
Don Ascagne a trouvéla réponse incivile, 6+6 b
Et, lance au poing, il aviolé cette ville, 6+6 b
Lui chevalier, risquantsa part de paradis, 6+6 a
130 Laissant faire aux soldatsdes choses de bandits ; 6+6 a
Ils ont enfreint les loisde guerre aragonaises ; 6+6 b
Des enfants ont étéjetés dans les fournaises ; 6+6 b
Les noirs effondrementsmêlés aux tourbillons 6+6 a
Ont dévoré la ville,on a crié : Pillons ! 6+6 a
135 Et ce meurtre a durétrois jours ; puis don Ascagne, 6+6 b
Vainqueur, a ramenéses gens dans la montagne 6+6 b
Sanglants, riants, joyeuxet comptant des profits. 6+6 a
Et c'est pourquoi le pèrea souffleté le fils. 6+6 a
Alors le fils a dit :— Je m'en vais. L'ombre est faite 6+6 b
140 Pour les fuites sans fond,et la forêt muette 6+6 b
Est une issue obscure tout s'évanouit. 6+6 a
L'insulte est une frondeet nous jette à la nuit. 6+6 a
J'ai droit à la colèreà mon âge. L'offense, 6+6 b
Tombant du père au fils,est la fin de l'enfance. 6+6 b
145 Nul ne répond du gouffre,et, qui s'en va, va loin. 6+6 a
L'affront du père, ô bois,je vous prends à témoin, 6+6 a
Suffit pour faire entrerle fils en rêverie. 6+6 b
Quoi ! pour avoir sentigronder ma seigneurie. 6+6 b
Dans mon âme, devantdes manants pour avoir 6+6 a
150 Ramené comme il sieddes vassaux au devoir, 6+6 a
Pour quelques vils bourgeoisbrûlés dans leurs masures, 6+6 b
Comte, vous m'avez faitla pire des blessures, 6+6 b
Et l'outrage est venu,seigneur, de vous à moi ; 6+6 a
Et j'ai connu la honteet j'ai connu l'effroi ; 6+6 a
155 La honte de l'avoiret l'effroi de le rendre ; 6+6 b
Et jusqu'à ce momentnul ne m't fait comprendre 6+6 b
Que je pusse rougirou trembler. Donc, adieu. 6+6 a
Le désert me convient,et l'âpreté du lieu, 6+6 a
Quand la bête des boisdevient haute et géante, 6+6 b
160 N'est point à ses grands pasfarouches malséante ; 6+6 b
La croissance rend graveet sauvage l'oiseau ; 6+6 a
Et l'habitude d'êtreesclave ou lionceau 6+6 a
Se perd quand on devientlion ou gentilhomme ; 6+6 b
L'aiglon qui grandit parleau soleil, et se nomme 6+6 b
165 Et lui dit : je suis aigle,et, libre et révolté, 6+6 a
N'a plus besoin de père,ayant l'immensité. 6+6 a
D'ailleurs, qu'est-ce que c'estqu'un père ? La fenêtre 6+6 b
Que la vie ouvre à l'âmeet qu'on appelle ntre 6+6 b
Est sombre, et quant à moije n'ai point pardonné 6+6 a
170 A mon père le jourfuneste je suis né. 6+6 a
Si je vis, c'est sa faute,et je n'en suis pas cause. 6+6 b
Enfin, en admettantqu'on doive quelque chose 6+6 b
A l'homme qui nous mitdans ce monde mauvais, 6+6 a
Il m'a délié, soit,c'est fini, je m'en vais. 6+6 a
175 Il n'est pas de devoirqu'un outrage n'efface ; 6+6 b
J'ai désormais la nuitsinistre sur la face ; 6+6 b
Il ne me convient plusd'être fils de quelqu'un. 6+6 a
Je me sens fauve, et voirson père est importun. 6+6 a
Je veux être altier, fier,libre, et je ne l'espère 6+6 b
180 Que hors de toi, donjon,que hors de vous, mon père. 6+6 b
Je vais dans la sierraque battent les éclairs ; 6+6 a
Leur cime me ressemble ;un souffle est dans les airs 6+6 a
Il m'enlève. Je pars.Toute lumière est morte, 6+6 b
Le désert s'ouvre ; et l'hommeest bienvenu qui porte 6+6 b
185 Chez des monts foudroyésun souvenir d'affront. — 6+6 a
Et, cela dit, le filss'en alla.
L'homme est prompt ; 6+6 a
Et nos rapidités,voix, colères, querelles, 6+6 b
Vont au hasard, laissantde l'ombre derrière elles. 6+6 b
Ce père aimait ce fils.
Du haut de sa maison, 6+6 a
190 Morne, et les yeux fixéssur le pâle horizon, 6+6 a
Il regarda celuiqui partait dispartre ; 6+6 b
Puis, quand son fils se futeffacé, le vieux mtre 6+6 b
Descendit dans la crypte son père dormait. 6+6 a
Le crépuscule froidqu'un soupirail admet 6+6 a
195 Éclairait cette cave,et la vte était haute. 6+6 b
Dans le profond sépulcreil entra comme un hôte. 6+6 b
Au fond était assisle grand comte d'airain ; 6+6 a
Et dans l'obscuritédu blême, souterrain, 6+6 a
Brume livide l'œilpar degrés s'habitue, 6+6 b
200 Flottait le rêve éparsautour d'une statue. 6+6 b
Le colosse posaitses mains sur ses genoux. 6+6 a
Il avait ce regardeffrayant des yeux doux 6+6 a
Qui peuvent foudroyerquand leur bonté se lasse. 6+6 b
Le vague bruit vivantqui sur la terre passe, 6+6 b
205 Chocs, rumeurs, chants d'oiseaux,cris humains, pas perdus, 6+6 a
Voix et vents, n'étaient pointdans cette ombre entendus, 6+6 a
Et l'on t dit que riende ce que l'homme écoute, 6+6 b
Chante, invoque ou poursuit,n'osait sous cette vte 6+6 b
Pénétrer, tant la tombeest un lieu qui se tait, 6+6 a
210 Et tant le chevalierde bronze méditait. 6+6 a
Trois degrés, que n'avaittouchés nulle sandale, 6+6 b
Exhaussaient la statueau-dessus de la dalle ; 6+6 b
Don Jayme les monta.Pensif, il contempla 6+6 a
Quelque temps la figureauguste assise là, 6+6 a
215 Puis il s'agenouillacomme devant son juge ; 6+6 b
Puis il sentit, vaincu,comme dans un déluge 6+6 b
Une montagne sentl'ascension des flots, 6+6 a
Se rompre en son vieux cœurla digue des sanglots, 6+6 a
Il cria :
— Père ! ah Dieu !tu n'es plus sur la terre, 6+6 b
220 Je ne t'ai plus ! Commentpeut-on quitter son père ? 6+6 b
Comme on est différentde son fils, ô douleur ! 6+6 a
Mon père ! ô toi le plusterrible, le meilleur, 6+6 a
Je viens à toi. Je suisdans ta sombre chapelle, 6+6 b
Je tombe à tes genoux,m'entends-tu ? je t'appelle. 6+6 b
225 Tu dois me voir, le bronzeayant d'étranges yeux. 6+6 a
Ah ! j'ai vécu ; je suisun homme glorieux, 6+6 a
Un soldat, un vainqueur ;mes trompettes altières 6+6 b
Ont passé bien des foispar-dessus des frontières ; 6+6 b
Je marche sur les roiset sur les généraux ; 6+6 a
230 Mais je baise tes pieds.Le rêve du héros 6+6 a
C'est d'être grand partoutet petit chez son père. 6+6 b
Le père c'est le toitbéni, l'abri prospère, 6+6 b
Une lumière d'astreà travers les cyprès, 6+6 a
C'est l'honneur, c'est l'orgueil,c'est Dieu qu'on sent tout près. 6+6 a
235 Hélas ! le père absent,c'est le fils misérable. 6+6 b
O toi, l'habitant vraide la tour vénérable, 6+6 b
Géant de la montagneet sire du manoir, 6+6 a
Superbement assisdevant le grand ciel noir, 6+6 a
Occupé du leverde l'aurore éternelle, 6+6 b
240 Comte, baisse un momentta tranquille prunelle 6+6 b
Jusqu'aux vivants, passantsconfus, roseaux tremblants, 6+6 a
Et regarde à tes piedscet homme en cheveux blancs, 6+6 a
Abandonné, tout prèsdu sépulcre, qui pleure, 6+6 b
Et qui va désormaissonger dans sa demeure, 6+6 b
245 Tandis que les tombeauxseront silencieux 6+6 a
Et que le vent profondsoufflera dans les cieux. 6+6 a
Mon fils sort de chez moicomme un loup d'un repaire. 6+6 b
Mais est-ce qu'on peut êtreoffensé par son père ? 6+6 b
Ni le père, ni Dieun'offensent ; châtier 6+6 a
250 C'est aimer ; l'Océansuperbe reste entier, 6+6 a
Quel que soit l'ouraganque les gouffres lui jettent. 6+6 b
Et les sérénitéséternelles n'admettent 6+6 b
Ni d'affront paternel,ni d'outrage divin. 6+6 a
Eh quoi ! ce mot sacré,la source, serait vain ? 6+6 a
255 Ne suis-je pas la brancheet n'es-tu pas la tige ? 6+6 b
Je t'aime. Un père mort,c'est, glorieux prodige, 6+6 b
De l'ombre par laquelleon se sent soutenir. 6+6 a
La beauté de l'enfanceest de ne pas finir. 6+6 a
Au-dessus de tout homme,et quoi qu'on puisse faire, 6+6 b
260 Quelqu'un est toujours Dieu,quelqu'un est toujours père. 6+6 b
Nous sommes regardés,dans l'âpre nuit du sort, 6+6 a
Par des yeux qui se sontétoilés dans la mort. 6+6 a
Que n'es-tu là, debout !Comme tu serais mtre, 6+6 b
Seigneur, guide, gardien,juge ! Oh ! je voudrais être 6+6 b
265 Ton esclave, t'offrirmon cœur, courber mon front, 6+6 a
Et te sentir vivant,fût-ce par un affront ! 6+6 a
Les avertissementsdes pères sont farouches 6+6 b
Mais bons, et, quel que soitl'éclair dont tu me touches, 6+6 b
Tout ce qui vient d'en hautpar l'âme est accepté, 6+6 a
270 Et le coup de tonnerreest un coup de clarté. 6+6 a
Avoir son père, ô joie !O géant d'un autre âge, 6+6 b
Gronde, soufflette-moi,frappe-moi, sois l'outrage, 6+6 b
Sois la foudre, mais soismon père ! Sois présent 6+6 a
A ma vie, à l'emploique je fais de ton sang, 6+6 a
275 A tous mes pas, à tousmes songes ! Que m'importe 6+6 b
De n'être que le chiencouché devant ta porte, 6+6 b
O monseigneur, pourvuque je te sente là ! 6+6 a
Ah ! c'est vrai, soixante ansla montagne trembla 6+6 a
Sous mes pas, et j'ai priset secoué les princes 6+6 b
280 Nombreux et noirs sous quirâlaient trente provinces ; 6+6 b
Gil, Vermond, Araül,Barruza, Gaïffer, 6+6 a
J'ai tordu dans mes poingstous ces barreaux de fer ; 6+6 a
J'ai fait tomber du murles toiles d'araignées, 6+6 b
Les prêtres ; j'ai mon lotde batailles gagnées 6+6 b
285 Comme un autre ; pourtantfrappe-moi si j'ai tort ! 6+6 a
Oui, mon épée est fièreet mon donjon est fort, 6+6 a
J'ai protégé beaucoupde villes orphelines, 6+6 b
J'ai dans mon ombre un tasde tyrans en ruines, 6+6 b
Je semble presque un roitant je suis triomphant ; 6+6 a
290 Et je suis un vieillard,mais je suis ton enfant ! 6+6 a
Ainsi parlait don Jaymeen ces caveaux funèbres 6+6 b
A son père de bronzeassis dans les ténèbres, 6+6 b
Fantôme plein de l'âmeimmense des aïeux ; 6+6 a
Et pendant qu'il parlaitJayme fermait les yeux ; 6+6 a
295 Sa tête était posée,humble et comme abattue, 6+6 b
Sur les puissants genouxde la haute statue ; 6+6 b
Et cet homme, fameuxpar tant d'altiers défis 6+6 a
Et tant de beaux combats,pleurait ; l'amour d'un fils 6+6 a
Est sans fond, la douleurd'un père est insondable ; 6+6 b
Il pleurait.
300 Tout à coup,— rien n'est plus formidable 6+6 b
Que l'immobilitéfaisant un mouvement, 6+6 a
Le farouche sépulcreest vivant par moment 6+6 a
Et le profond sanglotde l'homme le secoue, — 6+6 b
Le vieux héros sentitun frisson sur sa joue 6+6 b
305 Que dans l'ombre, d'un gesteauguste et souverain, 6+6 a
Caressait doucementla grande main d'airain. 6+6 a
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