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| = césure
HUG_4/HUG808
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XIII
CLARTÉ D'ÂMES
CLARTÉ D'ÂMES
Sait-on si ce n'est pas de la clarté qui sort 6+6 a
Du cerveau des songeurs sacrés, creusant le sort, 6+6 a
La vie et l'inconnu, travailleurs de l'abîme ? 6+6 b
Voici ce que j'ai vu dans une nuit sublime 6+6 b
5 Cette nuit-là pas une étoile ne brillait ; 6−6 a
C'était au mois d'Églad que nous nommons juillet ; 6+6 a
Et sous l'azur noir, face immense du mystère, 6+6 b
Dans tous les lieux déserts qui sont sur cette terre, 6+6 b
Forêts, plages, ravins, caps où rien ne fleurit 6+6 a
10 Les solitaires, ceux qui vivent par l'esprit, 6+6 a
Sondant l'éternité, l'âme, le temps, le nombre, 6+6 b
Effarés et sereins, étaient épars dans l'ombre ; 6+6 b
L'un en Europe ; l'autre en Inde, où, dans les bois 6+6 a
Cachant ses jeunes faons, la gazelle aux abois 6+6 a
15 Attend pour s'endormir que le lion s'endorme ; 6+6 b
Un autre dans l'horreur de l'Afrique difforme. 6+6 b
Tous ces hommes avaient l'idéal pour objet ; 6+6 a
Et chacun d'eux était dans son antre et songeait. 6+6 a
Ces prophètes étaient frères sans se connaître 6+6 b
20 Pas un d'eux ne savait, isolé dans son être 6+6 b
Et sa pensée ainsi qu'un roi dans son état, 6+6 a
Que quelqu'un de semblable à lui-même existât ; 6+6 a
Ils veillaient, et chacun se croyait seul au monde ; 6+6 b
Aucun lien entre eux que l'énigme profonde 6+6 b
25 Et la recherche obscure et terrible de Dieu. 6+6 a
Ils pensaient ; l'infini sans borne et sans milieu 6+6 a
Pesait sur eux ; pas un qui de la solitude 6+6 b
N'eût la mystérieuse et sinistre attitude ; 6+6 b
Pourtant ils étaient doux, ces hommes effrayants. 6+6 a
30 Sphar était attentif aux nuages fuyants ; 6+6 a
Stélus laissait, du fond des mers, du bord des grèves, 6+6 b
Du haut des cieux, venir à lui les vastes rêves ; 6+6 b
Pythagore disait : Dieu ! fais ce que tu dois ! 6+6 a
Thur regardait l'abîme et comptait sur ses doigts ; 6+6 a
35 Sadoch rêvait l'éden, ayant pour lit des pierres ; 6+6 b
Zès, qui n'ouvrait jamais qu'à demi les paupières, 6+6 b
Contemplait cette chose implacable, la nuit ; 6+6 a
Sadoch guettait l'autre être insondable, le bruit ; 6+6 a
Sostrate étudiait, dans l'eau qu'un souffle mène, 6+6 b
40 Dans la fumée et l'air, la destinée humaine ; 6+6 b
Lycurgue, formidable et pâle, méditait ; 6+6 a
Eschyle était semblable au rocher qui se tait, 6+6 a
Et tournait vers l'Etna fumant son grand front chauve ; 6+6 b
Isaïe, habitant d'un sépulcre, esprit fauve, 6+6 b
45 Adressait la parole à ceux qui ne sont plus ; 6+6 a
Comme Isaïe, un sage, un fou, Phégorbélus, 6+6 a
Parlait dans la nuée aux faces invisibles, 6+6 b
Et disait, feuilletant on ne sait quelles bibles : 6+6 b
— Je parle, et ne sais pas si je suis écouté ; 6+6 a
50 Les spectres plus nombreux que les mouches d'é 6+6 a
M'entourent, et sur moi se précipite et tombe 6+6 b
La légion de ceux qui rêvent dans la tombe ; 6+6 b
On me hait dans le monde étrange de la mort ; 6+6 a
Je sens parfois, la nuit, un rêve qui me mord, 6+6 a
55 Et les êtres de l'ombre, essaim, foule inconnue, 6+6 b
M'attaquent quand je dors ; pourtant je continue, 6+6 b
Et je cherche à savoir le grand secret caché 6+6 a
Qu'Ève devina presque et qu'entrevit Psyché. — 6+6 a
Orobanchus, gardien de l'autel des Trois Grâces, 6+6 b
60 Maudissait vaguement les casques, les cuirasses 6+6 b
Et les glaives, semeurs tragiques du trépas, 6+6 a
Et, sombre, murmurait : — Mortels, n'oubliez pas 6+6 a
Qu'Aglaé dans sa main tient un bouton de rose. — 6+6 b
Chacun recommandait à l'ombre quelque chose 6+6 b
65 De faible, le haillon, le chaume, le grabat ; 6+6 a
Phtès, les damnés sur qui trop de haine s'abat, 6+6 a
Hermanès, l'humble toit du lépreux sans défense, 6+6 b
Gyr le droit, et Lysis la vénérable enfance. 6+6 b
Tous voulaient secourir l'homme, et le protéger 6+6 a
70 Contre ce monstre obscur, l'innombrable danger ; 6+6 a
Tous calculent le mal à fuir, le bien à faire. 6+6 b
La terre est sous les yeux du destin ; cette sphère 6+6 b
Semble être par quelqu'un confiée aux penseurs. 6+6 a
La nuit était immense, et dans ses épaisseurs 6+6 a
75 Tout sommeillait, les bois, les monts, les mers, les sables ; 6+6 b
Eux, ils ne dormaient point, étant les responsables. 6+6 b
Les heures s'écoulaient, la nuit passait ; mais rien, 6+6 a
Ni la faim, ni la soif, ni le vent syrien 6+6 a
Qui va des mers d'Adram jusqu'au Tibre de Rome, 6+6 b
80 Ne troublait ces esprits, souffrant des maux de l'homme ; 6+6 b
Ils avaient la révolte en eux, l'altier frisson 6+6 a
Que donne, à qui se sent des ailes, la prison ; 6+6 a
Chacun tâchait de rompre un anneau de la chaîne ; 6+6 b
Plus d'imposture ! plus de guerre ! plus de haine ! 6+6 b
85 Il sortait de chacun de ces séditieux 6+6 a
Une sommation qui s'en allait aux cieux. 6+6 a
La vérité faisait, claire, auguste, insene, 6+6 b
De chacun de ces fronts jaillir une pene, 6+6 b
La justice, la paix, l'enfer amnistié. 6+6 a
90 Ces cerveaux lumineux dégageaient la pitié, 6+6 a
La bonté, le pardon aux vivants éphémères, 6+6 b
L'espérance, la joie et l'amour, des chimères, 6+6 b
Des rêves comme en font les astres, s'ils en font ; 6+6 a
Cela se répandait sous le zénith profond ; 6+6 a
95 Tous ces hommes étaient plongés dans les ténèbres ; 6+6 b
Seuls et noirs, combinant les rythmes, les algèbres, 6+6 b
Le chiffre avec le chant, le passé, le présent, 6+6 a
Ajoutant quelque chose à l'homme, agrandissant 6+6 a
La prunelle, l'esprit, la parole, l'ouïe, 6+6 b
100 Ils songeaient ; et l'aurore apparut, éblouie. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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