Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_4/HUG783
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
IV
LA VILLE DISPARUE
La ville disparue
Peuple, l'eau n'est jamaissans rien faire. Mille ans 6+6 a
Avant Adam, qui sembleun spectre en cheveux blancs, 6+6 a
Notre aïeul, c'est du moinsainsi que tu le nommes, 6+6 b
Quand les géants étaientencor mêlés aux hommes, 6+6 b
5 Dans des temps dont jamaispersonne ne parla, 6+6 a
Une ville bâtieen briques était là 6+6 a
sont ces flots qu'agiteun aquilon immense, 6+6 b
Et cette ville étaitun lieu plein de démence 6+6 b
Que parfois menaçaitde loin un blême éclair. 6+6 a
10 On voyait une plaine l'on voit une mer ; 6+6 a
Alors c'étaient des charsqui passaient, non des barques ; 6+6 b
Les ouragans ont prisla place des monarques ; 6+6 b
Car pour faire un désert,Dieu, mtre des vivants, 6+6 a
Commence par les roiset finit par les vents. 6+6 a
15 Ce peuple, voix, rumeurs,fourmillement de têtes, 6+6 b
Troupeau d'âmes, émupar les deuils et les fêtes, 6+6 b
Faisait le bruit que faitdans l'orage l'essaim, 6+6 a
Point inquiet d'avoirl'océan pour voisin. 6+6 a
Donc cette ville avaitdes rois ; ces rois superbes 6+6 b
20 Avaient sous eux les frontscomme un faucheur les herbes. 6+6 b
Étaient-ils méchants ? Non.Ils étaient rois. Un roi 6+6 a
C'est un homme trop grandque trouble un vague effroi, 6+6 a
Qui, faisant plus de malpour avoir plus de joie, 6+6 b
Chez les bêtes de sommeest la bête de proie ; 6+6 b
25 Mais ce n'est pas sa faute,et le sage est clément. 6+6 a
Un roi serait meilleurs'il naissait autrement ; 6+6 a
L'homme est homme toujours ;les crimes du despote 6+6 b
Sont faits par sa puissance,ombre son âme flotte, 6+6 b
Par la pourpre qu'il trneet dont on le revêt, 6+6 a
30 Et l'esclave seraittyran s'il le pouvait. 6+6 a
Donc cette ville étaittoute bâtie en briques. 6+6 b
On y voyait des tours,des bazars, des fabriques, 6+6 b
Des arcs, des palais pleinsde luths mélodieux, 6+6 a
Et des monstres d'airainqu'on appelait les dieux. 6+6 a
35 Cette ville était gaieet barbare ; ses places 6+6 b
Faisaient par leurs gibetsrire les populaces ; 6+6 b
On y chantait des chœurspleins d'oubli, l'homme étant 6+6 a
L'ombre qui jette un souffleet qui dure un instant ; 6+6 a
De claires eaux luisaientau fond des avenues ; 6+6 b
40 Et les reines du roise baignaient toutes nues 6+6 b
Dans les parcs rôdaientdes paons étoilés d'yeux ; 6+6 a
Les marteaux, au dormeurnonchalant odieux, 6+6 a
Sonnaient, de l'aube au soir,sur les noires enclumes ; 6+6 b
Les vautours se posaient,fouillant du bec leurs plumes, 6+6 b
45 Sur les temples, sans peurd'être chassés, sachant 6+6 a
Que l'idole féroceaime l'oiseau méchant ; 6+6 a
Le tigre est bienvenuprès de l'hydre ; et les aigles 6+6 b
Sentent qu'ils n'ont jamaisenfreint aucunes règles, 6+6 b
Quand le sang coule auprèsdes autels radieux, 6+6 a
50 En venant partagerle meurtre avec les dieux. 6+6 a
L'autel du temple étaitd'or pur, que rien ne souille ; 6+6 b
Le toit était en cèdreet, de peur de la rouille, 6+6 b
Au lieu de clous avaitdes chevilles de bois. 6+6 a
Jour et nuit les clairons,les cistres, les hautbois, 6+6 a
55 De crainte que le dieufarouche ne s'endorme, 6+6 b
Chantaient dans l'ombre. Ainsivivait la ville énorme. 6+6 b
Les femmes y venaientpour s'y prostituer. 6+6 a
Mais un jour l'océanse mit à remuer ; 6+6 a
Doucement, sans courroux,du côté de la ville 6+6 b
60 Il rongea les rocherset les dunes, tranquille, 6+6 b
Sans tumulte, sans chocs,sans efforts haletants, 6+6 a
Comme un grave ouvrierqui sait qu'il a le temps ; 6+6 a
Et lentement, ainsiqu'un mineur solitaire, 6+6 b
L'eau jamais immobileavançait sous la terre ; 6+6 b
65 C'est en vain que sur l'herbeun guetteur assidu 6+6 a
t collé son oreille,il n't rien entendu ; 6+6 a
L'eau creusait sans rumeurcomme sans violence, 6+6 b
Et la ville faisaitson bruit sur ce silence. 6+6 b
Si bien qu'un soir, à l'heure tout semble frémir, 6+6 a
70 A l'heure , se levantcomme un sinistre émir, 6+6 a
Sirius appart,et sur l'horizon sombre 6+6 b
Donne un signal de marcheaux étoiles sans nombre, 6+6 b
Les nuages qu'un ventl'un à l'autre rejoint 6+6 a
Et pousse, seuls oiseauxqui ne dormissent point, 6+6 a
75 La lune, le front blancdes monts, les pâles astres, 6+6 b
Virent soudain maisons,dômes, arceaux, pilastres, 6+6 b
Toute la ville, ainsiqu'un rêve, en un instant, 6+6 a
Peuple, armée, et le roiqui buvait en chantant 6+6 a
Et qui n'eut pas le tempsde se lever de table, 6+6 b
80 Crouler dans on ne saitquelle ombre épouvantable ; 6+6 b
Et pendant qu'à la fois,de la base au sommet, 6+6 a
Ce chaos de palaiset de tours s'abîmait, 6+6 a
On entendit monterun murmure farouche, 6+6 b
Et l'on vit brusquements'ouvrir comme une bouche 6+6 b
85 Un trou d' jaillissaitun jet d'écume amer, 6+6 a
Gouffre la ville entraitet d' sortait la mer. 6+6 a
Et tout s'évanouit ;rien ne resta que l'onde. 6+6 b
Maintenant on ne voitau loin que l'eau profonde 6+6 b
Par les vents remuéeet seule sous les cieux. 6+6 a
90 Tel est l'ébranlementdes flots mystérieux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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