Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_4/HUG781
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
III
ENTRE GÉANTS ET DIEUX
Les temps paniques
*
Les dieux ont dit entre eux :— Nous sommes la matière, 6+6 a
Les dieux. Nous habitonsl'insondable frontière 6+6 a
Au-delà de laquelleil n'est rien ; nous tenons 6+6 b
L'univers par le malqui règne sous nos noms, 6+6 b
5 Par la guerre, euménideéparse, par l'orgie 6+6 a
Chantante, dans la joieet le meurtre élargie, 6+6 a
Par Cupidon l'immenseenfant, par Astarté, 6+6 b
Larve plaine de nuitd' sort une clarté. 6+6 b
L'ouragan tourne autourde nos faces sereines ; 6+6 a
10 Les saisons sont des charsdont nous tenons les rênes, 6+6 a
Nous régnons, nous mettonsà la tempête un mors, 6+6 b
Et nous sommes au fondde la pâleur des morts. 6+6 b
L'Olympe est à jamaisla cime de la vie ; 6+6 a
Chronos est prisonnier ;Géo tremble asservie ; 6+6 a
15 Nous sommes tout. Nos coupsde foudre sont fumants. 6+6 b
Jouissons. Sous nos piedsun pavé d'ossements, 6+6 b
C'est la terre ; un plafondde néant sur nos têtes, 6+6 a
C'est le ciel ; nous avonsles temples et les fêtes ; 6+6 a
L'ombre que nous faisonsmet le monde à genoux. 6+6 b
20 Les premiers-nés du gouffreétaient plus grands que nous, 6+6 b
Nous leur avons jetél'Othryx et le Caucase ; 6+6 a
A cette heure, un amasde roches les écrase ; 6+6 a
Poursuivons, achevonsnotre œuvre, et consommons 6+6 b
La lapidationdes géants par les monts ! 6+6 b
*
25 Les dieux ont triomphé.Leur victoire est tombée 6+6 a
Sur Enna, sur Larisseet Pylos, sur l'Eubée ; 6+6 a
L'horizon est partoutdifforme maintenant ; 6+6 b
Pas un mont qui ne soitblessé ; l'Atlas saignant 6+6 b
Est noir sous l'assemblagehorrible des nuées ; 6+6 a
30 Chalcis que les hibouxemplissent de huées, 6+6 a
La Thrace l'on adoreun vieux glaive rouillé, 6+6 b
L'Hémonie l'éclairféroce a travaillé, 6+6 b
Sont de mornes désertsque la ruine encombre. 6+6 a
Une peau de satyreécorché pend dans l'ombre, 6+6 a
35 Car la lyre a punila flûte au fond des bois. 6+6 b
La source aux pleurs profondssanglote à demi-voix. 6+6 b
sont les jours d'Évandreet les temps de Saturne ? 6+6 a
On s'aimait. On se craint.L'univers est nocturne ; 6+6 a
L'azur hait le matin,inutile doreur ; 6+6 b
40 L'ombre auguste et hideuseest pleine de terreur ; 6+6 b
On entend des soupirsétouffés dans les marbres ; 6+6 a
Des simulacres sontvisibles sous les arbres, 6+6 a
Et des spectres sont là,signe d'un vaste ennui. 6+6 b
Les bois naguère étaientconfiants, aujourd'hui 6+6 b
45 Ils ont peur, et l'on sentque leur tremblement songe 6+6 a
Aux autans, rauque essaimqui serpente et s'allonge 6+6 a
Et qui souvent remplitde trahisons l'éther ; 6+6 b
Car l'orage est l'esclaveobscur de Jupiter. 6+6 b
Les cavernes des filsd'Inachus sont vacantes ; 6+6 a
50 Le grand Orphée est morttué par les bacchantes ; 6+6 a
Seuls les dieux sont debout,formidables vivants, 6+6 b
Et la terre subitla sombre horreur des vents. 6+6 b
Thèbe adore en tremblantla foudre triomphale ; 6+6 a
Et trois fleuves, le Styx,l'Alphée et le Stymphale, 6+6 a
55 Se sont enfuis sous terreet n'ont plus reparu. 6+6 b
Aquilon passe avecun grondement bourru ; 6+6 b
On ne sait ce qu'Euruscomplote avec Borée ; 6+6 a
Faune se cache ainsiqu'une bête effarée ; 6+6 a
Plus de titans ; Mercureéclipse Hypérion. 6+6 b
60 Zéphire chante et danseainsi qu'un histrion ; 6+6 b
Quant aux Cyclopes, filspuînés, ils sont lâches, 6+6 a
Ils servent ; ils ont faitleur paix ; les viles tâches 6+6 a
Conviennent aux cœurs bas ;Vulcain, le dieu cagneux, 6+6 b
Les emploie à sa forge,a confiance en eux, 6+6 b
65 Les gouverne, et, difformeet boiteux, distribue 6+6 a
L'ouvrage à ces géantspar qui la honte est bue ; 6+6 a
Brontès fait des trépiedsqui parlent, Pyracmon 6+6 b
Fait des spectres d'airain remue un démon ; 6+6 b
On ne résiste plusaux dieux, même en Sicile ; 6+6 a
70 Polyphème amoureuxn'est plus qu'un imbécile, 6+6 a
Et Galatée en ritavec Acis.
Les champs 6+6 b
N'ont presque plus de fleurs,tant les dieux sont méchants 6+6 b
Les dieux semblent avoircueilli toutes les roses. 6+6 a
Ils font la guerre à Pan,à l'être, au gouffre, aux choses ; 6+6 a
75 Ils ont mis de la nuitjusque dans l'œil du lynx ; 6+6 b
Ils ont pris l'ombre, ils ontfait avouer les sphinx, 6+6 b
Ils ont échoué l'hydre,éteint les ignivomes, 6+6 a
Et du sinistre enferaugmenté les fantômes, 6+6 a
Et, bouleversant tout,ondes, souffles, typhons, 6+6 b
80 Ils ont déconcertéles prodiges profonds. 6+6 b
La terre en proie aux dieuxfut le champ de bataille ; 6+6 a
Ils ont frappé les frontsqui dépassaient leur taille, 6+6 a
Et détruit sans pitié,sans gloire, sans pudeur, 6+6 b
Hélas ! quiconque avaitpour crime la grandeur. 6+6 b
85 Les lacs sont indignésdes monts qu'ils réfléchissent, 6+6 a
Car les monts ont trahi ;sur un fte blanchissent 6+6 a
Des os d'enfants percéspar les flèches du ciel, 6+6 b
Cime aride et pareilleaux lieux semés de sel, 6+6 b
La pierre qui jadisfut Niobé médite ; 6+6 a
90 La vaste Afrique sembleexilée et maudite ; 6+6 a
Le Nil cache éperdusa source à tous les yeux, 6+6 b
De peur de voir briserson urne par les dieux ; 6+6 b
On sent partout la fin,la borne, la limite ; 6+6 a
L'étang, clair sous l'amasdes branchages, imite 6+6 a
95 L'œil tragique et brillantdu fiévreux qui mourra ; 6+6 b
L'effroi tient Delphe en Grèceet dans l'Inde Ellorah ; 6+6 b
Phœbus Sminthée usurpeaux cieux le char solaire ; 6+6 a
Que de honte ! Et l'on peutjuger de la colère 6+6 a
De Démèter, l'aïeuleauguste de Cérès, 6+6 b
100 Par l'échevèlementfarouche des forêts. 6+6 b
La terre avait une âmeet les dieux l'ont tuée. 6+6 a
Hélas ! dit le torrent.Hélas ! dit la nuée. 6+6 a
Les vagues voix du soirmurmurent : Oublions ! 6+6 b
L'absence des géantsattriste les lions. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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