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12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_30/HUG1950
Victor HUGO
POÉSIES DIVERSES
édition de 1822
1867
LES DERNIERS BARDES
LES DERNIERS BARDES
PÖEME
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Cyprès, arbres des morts,qui courbe ainsi vos têtes ? 6+6 a
 Sont-ce les Esprits des tempêtes ? 8 a
Sont-ce les noirs vautours,cachés dans vos rameaux ? 6+6 a
Ou, fidèles encoreà vos bocages sombres, 6+6 b
5 Les Enfants d’Ossianviennent-ils sous vos ombres 6+6 b
 Chercher leurs antiques tombeaux ? 8 a
Ô monts, est-ce un torrentdont le bruit m’épouvante ? 6+6 a
N’entends-je pas plutôt,dans la nuit décevante, 6+6 a
Les spectres s’appelersur vos fronts chevelus ? 6+6 a
10 Harpe, qui fait frémirta corde murmurante ? 6+6 b
Est-ce le vent du Nord ?est-ce quelque ombre errante 6+6 b
 Des vieux Bardes qui ne sont plus ? 8 a
──────
Vous ne reviendrez plus,beaux jours, siècles prospères ! 6+6 a
Le pâtre, heureux de vivreou vécurent ses pères, 6+6 a
15 Ne tramait pas encordes jours voués au deuil ; 6+6 a
Fingal léguait son sceptreà sa race guerrière, 6+6 b
Et l’on voyait un trône l’on voit un cercueil. 6+6 a
Écossais, tes rocherste servaient de barrière ; 6+6 b
L’Étranger méprisait,sans en franchir le seuil, 6+6 a
20  Ton indigence héréditaire ; 8 b
 Mais la Liberté pauvre et fière, 8 b
Sur ces rocs dédaignésrégnait avec orgueil. 6+6 a
 Soudain de sinistres présages, 8 a
 Sombres précurseurs des revers, 8 b
25  Troublent ces paisibles rivages, 8 a
 Descendu des cieux entr’ouverts, 8 b
 Fingal erre au sein des nuages ; 8 a
 Sa lance est un faisceau d’éclairs ; 8 b
 Son char roule sur les orages ; 8 a
30  L’aigle au loin le voit dans les airs [1], 8 b
 Et, quittant ses roches sauvages, 8 a
 S’enfuit vers la rive des mers. 8 b
 Oubliant ta route étoilée, 8 a
 Ô lune, alors pâle et voilée, 8 a
35  Tu cachas ton front dans les flots ; 8 a
 Et Morven, au sein des ténèbres, 8 b
 Entendit des harpes funèbres 8 b
 Annoncer la mort des héros [2]. 8 a
Voix funestes du sort,jusque alors inconnues, 6+6 a
40 Que n’avez-vous en vainproclamé son courroux ! 6+6 b
Mais quand son souffle immensea rassemblé les nues, 6+6 a
 L’ouragan retient-il ses coups ? 8 b
──────
 Le fracas des chars des batailles 8 a
Fait soudain du Lomontrembler les vieux frimas ; 6+6 b
45  Avide de nouveaux climats, 8 b
Édouard, de Stirlingmenaçant les murailles, 6+6 a
 Apporte aux héros les combats. 8 b
« Écosse, tes guerriers,si longtemps invincibles, 6+6 a
« Sur tes monts envahisont rencontré la mort ; 6+6 b
50 « Les restes mutilésde ces vaincus terribles 6+6 a
 « Roulent dans les fanges du Nord. 8 b
 « Pourquoi ce farouche silence, 8 a
« Bardes ? Ils ne sont plus ;il n’est plus de vengeance. 6+6 a
 « Mais l’heure des chants a sonné. 8 a
55 « Ouvrez à ces hérosle palais des nuages ; 6+6 b
« Bardes : laisserez-vousse perdre dans les âges 6+6 b
 « Leur souvenir abandonné ? » 8 a
 Sourds à ces clameurs téméraires, 8 a
 Les Bardes, épars dans les bois, 8 b
60  Laissaient aux vieux lambris des rois 8 b
 Pendre leurs harpes funéraires. 8 a
Sur les rocs de Tremnoraffrontant les hivers, 6+6 a
Ils pleuraient les héros,sans chanter leur vaillance ; 6+6 b
Et comme on voit, la nuit,quand l’orage s’avance, 6+6 b
65 Un calme menaçantprécéder les éclairs, 6+6 a
 Ils se taisaient : mais leur silence 8 b
 Était plus beau que leurs concerts. 8 a
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Le Roi vient, entouréde ses chefs intrépides ; 6+6 a
Et, non loin de Dunbar,aux sommets sourcilleux, 6+6 b
70 De la Clyde en courrouxdomptant les flots rapides, 6+6 a
Au front du Lothyanpose un pied orgueilleux. 6+6 b
Déjà s’offrent à luiles grottes de Cartlane [3], 6+6 a
 Il entend mugir leurs torrens, 8 b
Et suit sur ces vieux montsl’aigle inquiet qui plane, 6+6 a
75  Étonné de voir des tyrans. 8 b
Bientôt devant ses pas,parmi de longs nuages, 6+6 a
 Des pics menaçans et sauvages 8 a
S’élèvent : sur leurs flancsgrondent les vents du nord ; 6+6 a
Autour d’eux leur grande ombreau loin couvre la terre ; 6+6 b
80  Et le sourd fracas du tonnerre 8 b
Dit que ces rocs affreuxsont les rocs de Tremnor. 6+6 a
Édouard, le premier,à travers les bruyères 6+6 a
Guide en les rassurantses agiles archers : 6+6 b
Tout s’ébranle ; et déjàles lances étrangères 6+6 a
85  Brillent sur ces sombres rochers, 8 b
Les soldats enivrésdévorent leurs conquêtes ; 6+6 a
L’aspect seul d’Édouardleur cache les tempêtes 6+6 a
Qu’entassent sur leurs frontsles nuages mouvans, 6+6 a
Les bataillons épaisen colonnes s’allongent, 6+6 b
90 Ils marchent ; et leurs cris,que mille échos prolongent, 6+6 b
 Se mêlent à la voix des vents. 8 a
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Tout à coup, sur un rocdont la lugubre cime 6+6 a
S’incline vers l’arméeet menace l’abîme, 6+6 a
Debout, foulant aux piedsles orageux brouillards, 6+6 a
95  Agitant leurs robes funèbres, 8 b
Aux lueurs de l’éclairqui perce les ténèbres, 6+6 b
 Apparaissent de grands Vieillards. 8 a
 Tels sur les roches fabuleuses 8 a
On a vu s’élever,dans les nuits nébuleuses, 6+6 a
100  Les tristes Géans des hivers, 8 a
Lorsque, courbant des montsles forêts ébranlées, 6+6 b
De leur souffle terribleils remplissaient les airs, 6+6 a
 Et mugissaient dans les vallées. 8 b
 Cet aspect de toutes parts. 7 a
105  Jette une terreur soudaine ; 7 b
 Le roi, du haut de ses chars, 7 a
 Voit reculer vers la plaine 7 b
 Ses superbes léopards ; 7 a
 Il voit ses soldats épars, 7 a
110  Sourds à sa voix souveraine, 7 b
 Prêts à fuir leurs étendards. 7 a
 Malgré sa fierté hautaine, 7 b
 Le trouble agite ses sens ; 7 a
 Le vent retient son haleine, 7 b
115  Et les Guerriers frémissans 7 a
 Fixent leur vue incertaine 7 b
 Sur les Bardes menaçans. 7 a
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CHŒUR DES BARDES.
« Édouard, hâte-toi ;jouis de ta victoire. 6+6 a
 « Tandis que ton pied étonné 8 b
120 « Foule les fronts glacésdes nés de la gloire, 6+6 a
 « Prends ce que leur mort t’a donné. 8 b
« Tu vaincras : leur trépasà l’Écosse déserte 6+6 a
 « Révèle assez son avenir. 8 b
« Mais tremble ! leur trépasannonce aussi ta perte [4] ; 6+6 a
125 « C’est un crime de pluset le temps sait punir. » 6+6 b
 Ils chantaient : la harpe sonore, 8 a
Après qu’ils ont chanté,vibre et frémit encore ; 6+6 a
La foudre en sourds éclatsroule et se tait trois fois ; 6+6 a
Le vent gronde et s’apaise ;et marchant à leur tête, 6+6 b
130 Sur le bord de l’abîme retentit leur voix, 6+6 a
 Le vieux Chef des Bardes s’arrête. 8 b
Les frimas sur son fronts’élèvent entassés, 6+6 a
Sa barbe en flots d’argentdescend vers sa ceinture, 6+6 b
Il abandonne aux ventssa longue chevelure, 6+6 b
135 Et semble un vieux hérosdes temps déjà passés. 6+6 a
Dans ses yeux brille encorl’éclair de sa jeunesse ; 6+6 a
On voit se déployerdans sa main vengeresse 6+6 a
 Un étendard ensanglanté ; 8 a
Et, pareil à l’Espritqui poursuit les coupables, 6+6 b
140  Sa voix tombe en cris formidables 8 b
 Sur le vainqueur épouvanté. 8 a
LE CHEF DES BARDES.
 « Du haut de la céleste vte 8 a
 Fingal me voit, Fingal m’écoute : 8 a
Vous m’écoutez aussi,par la crainte troublés, 6+6 a
145 Saxons ; mais votre crainteest l’aveu de vos crimes : 6+6 b
Vous êtes les bourreaux,nous sommes les victimes ; 6+6 b
 Nous menaçons et vous tremblez ! 8 a
Édouard, vers nos murstu guides tes bannière ; 6+6 a
 Réponds : que t’ont fait nos guerriers ? 8 b
150 Les a-t-on vus, chassanttes tribus prisonnières, 6+6 a
 Porter la mort dans tes foyers ? 8 b
Qui de nous d’une paixantique et fraternelle 6+6 a
 A violé les droits trahis ? 8 b
Qui de nous par les flotsd’une horde infidèle 6+6 a
155  A vu ses remparts envahis ? 8 b
 Ton seul silence est ta réponse. 8 a
Voilà donc ces exploitsdont ton bras s’applaudit ?… 6+6 b
Arrête et courbe-toi :car ma bouche prononce 6+6 a
 L’arrêt du Dieu qui te maudit. 8 b
160  Prince, qui ris de nos misères, 8 a
Édouard, crains du sortles faveurs mensongères, 6+6 a
Crains ces forfaits heureuxque l’Enfer t’a permis ; 6+6 a
Tu portes sur ton frontles célestes colères. 6+6 b
Ne te crois pas jugépar tes, seuls ennemis, 6+6 a
165 Songe à tes descendans,souviens-toi de tes pères… 6+6 b
 Connais tes juges et frémis. 8 a
« Édouard, un instantton ivresse a pu croire 6+6 a
Que les fils d’Ossianse tairaient sans remord ; 6+6 b
Va, nous saurons flétrirton nom et ta mémoire : 6+6 a
170  Notre récompense est la mort. 8 b
Ton pardon t puninotre lâche silence. 6+6 a
Quoi ! nous aurions flattéton injuste puissance ! 6+6 a
Notre main t lavéle sang de tes lauriers ! 6+6 a
Et, laissant nos héroserrer aux rives sombres, 6+6 b
175 Nous aurions de nos chantsdéshérité leurs ombres, 6+6 b
 Pour célébrer leurs meurtriers ! ― 8 a
Les siècles se diront :À l’Écosse asservie, 6+6 a
C’est en vain qu’Édouardenleva le bonheur ; 6+6 b
Aux fiers enfans des montsil put ravir la vie, 6+6 a
180  Il ne put leur ravir l’honneur ; 8 b
Les chantres des héros,fuyant sa tyrannie, 6+6 a
Aux lauriers des hérosont uni leurs lauriers, 6+6 b
Et les Bardes sacrésde la Calédonie 6+6 a
 N’ont pu survivre à ses Guerriers. 8 b
185 Édouard, désormaisnous taire est notre gloire, 6+6 a
Nos chants vont expirer ;mais nos noms dans l’histoire 6+6 a
 Poursuivront ton nom odieux. 8 a
Pour la dernière foisnos harpes retentissent, 6+6 b
Pour la dernière foisnos harpes te maudissent : 6+6 b
190  Reçois nos terribles adieux. » 8 a
CHŒUR DES BARDES.
« Un jour tu gémirassur tes vaines chimères, 6+6 a
 « Prince ; un jour tes larmes amères 8 a
« Baigneront à leur tourtes lauriers odieux ; 6+6 a
« Pour la dernière foisnos harpes retentissent, 6+6 b
195 « Pour la dernière foisnos harpes le maudissent : 6+6 b
 « Reçois nos terribles adieux. » 8 a
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 Ils ont chanté : la foudre gronde. 8 a
Du sommet des rochersdans les gouffres ouverts 6+6 b
Ils s’élancent… Le bruitde leur chute profonde, 6+6 a
200  Roule et s’accrt dans les déserts. 8 b
Leurs restes des torrenssouillent l’onde irritée ; 6+6 a
La Harpe au haut des monts,par les vents agitée, 6+6 a
À leurs derniers soupirsrépond en soupirant ; 6+6 a
Leurs corps défiguréstombent de cime en cime, 6+6 b
205  Et leur sang au loin dans l’Abîme 8 b
 Rejaillit sur le Conquérant. 8 a
Les Calédoniens croyaient que les aigles et les dogues
avaient le don de voir les fantômes.
Quand un héros mourait ou devait mourir, la harpe gémissait d’elle-même.
C’est des grottes de Cartlane que William Wallace ou Wallau ; seigneur
d’Ellerslie, sortit pour délivrer l’Écosse.
Édouard, en effet, vaincu et chassé de l’Écosse, où il voulait rentrer après
la mort de William Wallace, périt misérablement sur les rives du Forth.
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