Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_30/HUG1948
Victor HUGO
POÉSIES DIVERSES
édition de 1822
1867
RAYMOND D'ASCOLI
RAYMOND D'ASCOLI
ÉLÉGIE
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Le bruit du vent dans le feuillage 8 a
Trouble la paix du bois désert. 8 b
Le flot expire sur la plage ; 8 a
Et dans les échos du rivage, 8 a
5 Prête à mourir, ma voix se perd. 8 b
Ces lieux, si chers à mon jeune âge. 8 a
Entendent mon dernier concert ; 8 b
Seul, bientôt, le bruit du feuillage 8 a
Troublera la paix du désert. 8 b
10 Bientôt… Lis sans retard, | lis, ô vierge adorée, 6+6 d
Ce que trace ma main | par mes pleurs égarée ; 6+6 d
Emma, pardonne-moi, | car mon sort est fixé, 6+6 e
Il faut t’en avertir… | A l’aurore prochaine, 6+6 f
Fuis, va tresser ailleurs | tes longs cheveux d’ébène, 6+6 f
15 Ne viens plus sur ces bords | rêver au jour passé ; 6+6 e
De peur, ô mon Emma, | que là, sous cet ombrage, 6+6 a
Cette eau pure, où les yeux | chercheront ton image, 6+6 a
Ne t’offre un cadavre glacé. 8 e
J’ose t’écrire ; hélas ! | à nos ardeurs naissantes 6+6 g
20 Qu’eût servi jusqu’ici | ce pénible secours ? 6+6 h
Les doux ; aveux de nos amours 8 h
À peine ont effleuré | nos lèvres innocentes ; 6+6 g
Un mot faisait tous nos discours. 8 h
Mes regards te parlaient ; | j’ai lu dans ton sourire. 6+6 i
25 Tu m’aimais sans transports, | je t’aimais sans délire 6+6 i
C’est ainsi qu’on s’aime aux beaux jours. 8 h
Oui, frémis, ma charmante épouse, 8 j
Ignorant mon malheur, | hélas ! si dès demain 6+6 k
Tu suis un chœur joyeux | sur l’humide pelouse, 6+6 j
30 Un autre s’offrira | pour te donner la main ; 6+6 k
Un autre ici viendra | voir, à l’aube naissante, 6+6 l
Flotter à plis d’azur | ton voile transparent ; 6+6 m
Un autre devant toi, | déité bienfaisante, 6+6 l
Amènera l’aveugle errant. 8 m
35 Un autre te suivra | dans tes songes paisibles ; 6+6 n
le soir, il remplira, | tranquille à tes genoux, 6+6 o
Ces momens d'entretien | qu’un soupir rend pénibles, 6+6 n
Mais qu’un sourire rend si doux, 8 o
Lorsque enfin, infidèle, | aura fui ma colombe, 6+6 p
40 Sitôt que mes fleurs vont jaunir, 8 q
Quand de ton Raymond dans la tombe 8 p
Rien ne te restera, | pas même un souvenir ; 6+6 q
Alors, oui, tu verras, | rougissante, étonnée, 6+6 d
Un plus heureux hâter | ton réveil matinal, 6+6 r
45 Et, saisissant ta main | dans sa main fortunée, 6+6 d
Te conduire au lieu saint, | non loin du lieu fatal, 6+6 r
Hélas ! où dormira | ma cendre abandonnée ; 6+6 d
Et puis, il cachera | ton bandeau virginal 6+6 r
Sous la couronne d’hyménée. 8 d
50 Un autre !… ô douleur ! ô tourment ! 8 m
Je t’aimais sans délire, | et je t’aime avec rage !… 6+6 a
Mon Emma, songe à moi ; | respecte ton serment… 6+6 m
Hélas ! brûle ces vers, | déchire ce message : 6+6 a
Un autre ne doit pas, | fille innocente et sage, 6+6 a
55 Connaître ton premier amant. 8 m
Il ne faut pas qu’un jour | un despote farouche, 6+6 s
Le soupçon dans les yeux, | le reproche à la bouche, 6+6 s
Vienne blesser ton chaste orgueil ; 8 t
Jaloux, désespéré, | cet époux que j’abhorre 6+6 u
60 Ne doit pas éprouver | le feu qui me dévore… 6+6 u
Mais est-on jaloux d’un cercueil ? 8 t
Quoi ! j’aurais pu, comme un long rêve, 8 v
Voir, couché sur ton sein, | mes jours fuir sans douleur ! 6+6 w
À peine commencé, | ce songe heureux s’achève, 6+6 v
65 Entre nous d’un vain monde | un préjugé s’élève : 6+6 v
Je croyais le monde meilleur. 8 w
Mon père ! oui, contre vous | mon courroux se soulève : 6+6 v
Vous avez fait tout mon malheur. 8 w
Dès mon enfance, Emma, | mon âme est asservie 6+6 x
70 À des vœux qu’il fit sans remord : 8 y
Un nœud saint m’enchaînait | dès le seuil de la vie 6+6 x
Jusques aux portes de la mort. 8 y
Pour moi, j’ignorais tout ; | moi, je t’aimais sans crainte ; 6+6 a
Et le sort vient d’apprendre | à ce tyran jaloux 6+6 o
75 Notre amour, dont l’ardeur, | par le repos contrainte, 6+6 a
Était presque un secret pour nous. 8 o
Ce n’est pas qu’il m’ait vu, | lorsque la nuit arrive, 6+6 c
Errer auprès de ton séjour ; 8 d
Ou, quand tu sors des bois | inquiète et pensive, 6+6 c
80 Veiller de loin sur ton retour, 8 d
Il n’a point entendu | d’un oreille furtive 6+6 c
Ces vers pour qui ton jeune amour 8 d
M’a promis des baisers | que ta pudeur craintive 6+6 c
Me refuse de jour en jour. 8 d
85 Cette nuit, en dormant, | encor plein de la veille, 6+6 e
Je chantais à tes pieds ; | mes chants te semblaient doux ; 6+6 o
J’en recevais le prix | de ta lèvre vermeille ; 6+6 e
Tu me livrais ta main, | et j’étais ton époux. 6+6 o
Mais ton nom de mon père | alla frapper l’oreille ; 6+6 e
90 Mon père entendit tout. | Maintenant tu peux voir 6+6 f
Ce qui fait les ennuis | où mon âme est en proie ; 6+6 g
Mon réveil fut suivi | du pâle désespoir, 6+6 f
Et mon songe emporta ma joie. 8 g
Tu n’as jamais connu | mon père courroucé. 6+6 e
95 « Va, fuis loin de ces bords, | fils ingrat et profane ! 6+6 h
« Apprends, puisque j’ai su | ton amour insensé, 6+6 e
« Le vœu sacré qui te condamne. 8 h
« Choisis un cloître obscur | qui garde ton secret, 6+6 i
« Ou pour quitter ces lieux | nous t’accordons une heure. 6+6 j
100 « Ta mère, comme moi, | te bannit sans regret 6+6 i
« De sa vue et de sa demeure… » 8 j
Ma mère, hélas ! elle pleurait. 8 i
J’ai fui : mais, chère Emma, | sous le coup qui m’afflige, 6+6 k
Sous quels cieux puis-je aller souffrir ? 8 q
105 Croit-on qu’aux champs du nord | le rossignol voltige ? 6+6 k
Et, lorsqu’un vent cruel | l’arrache de sa tige, 6+6 k
Le lis ailleurs sait-il fleurir ? 8 q
Non, banni loin de toi, | la tombe est ma retraite ; 6+6 l
Et ton Raymond qui te regrette 8 l
110 Vient ici pleurer et mourir. 8 q
Pourtant, j’aurais voulu, | vierge aimable et trop chère, 6+6 m
Te revoir avant mon trépas. 8 n
Bientôt le dur sommeil | va presser ma paupière : 6+6 m
La mort, ô mon Emma, | m’eût été moins amère, 6+6 m
115 De mourir presque dans tes bras. 8 n
J’ai contemplé long-temps | ta paisible chaumière ; 6+6 m
Incliné vers ton seuil, | j’ai cherché sûr la pierre 6+6 m
L’empreinte humide de tes pas. 8 n
Et même, en revenant | vers ce lieu solitaire, 6+6 m
120 Bien souvent j’ai tourné | mes regards en arrière, 6+6 m
Pour voir si tu ne venais pas. 8 n
Je vais m’éteindre, avant | que la vieillesse austère 6+6 m
Imprime à mon front sa langueur, 8 w
Demain mes vieux parens | iront rendre à la terre 6+6 m
125 Ce corps jeune et plein de vigueur. 8 w
Je vais m’éteindre. Enfans | du beau ciel d’Ausonie, 6+6 x
Si mes vers imparfaits | montrent quelque génie, 6+6 x
Mon nom ne vivra pas toujours. 8 h
Ô mon maître chéri, | pardonne, amant de Laure, 6+6 u
130 Car Raymond expirant | n’a point conquis encore 6+6 u
La fleur d’or des Sept Troubadours*. 8 h
Oui, comme toi, | triste, je pourrais vivre, 4+6 o
N’ayant qu’un luth | pour charmer mes ennuis, 4+6 p
Fuyant Emma, | dont l’aspect seul m’enivre, 4+6 o
135 Et dans les pleurs | passant mes longues nuits, 4+6 p
À la douleur | mon âme accoutumée 4+6 d
Dans sa prison | resterait pour souffrir… 4+6 q
Dis, ô Pétrarque, | et toi, ma bien-aimée, 4+6 d
N’est-il pas vrai | qu’il vaut bien mieux mourir ? 4+6 q
140 Adieu, ma belle amante ; | adieu, ma tendre mère, 6+6 m
Vous qui m’avez nourri, | vous qui m’avez pleuré, 6+6 e
Daignez couvrir encor | du linceul funéraire 6+6 m
Ce corps pâle et défiguré ; 8 e
Et si, près du cercueil | qu’un saint deuil environne, 6+6 q
145 Un père trop cruel | s’arrête avec effroi, 6+6 r
Dites-lui que je lui pardonne, 8 q
Et pardonnez-lui comme moi. 8 r
Infortuné Pétrarque, | isolé dans Vaucluse, 6+6 s
Reçois mon cantique de mort ; 8 z
150 À vivre sans Emma | ton Raymond se refuse, 6+6 s
Et je meurs en plaignant ton sort. 8 z
Adieu, bords de l’Arno, | Toulouse, et toi, Florence, 6+6 t
Adieu, frères, parens, amis ; 8 p
Ma jeune épouse, adieu ! | l’instant fatal s’avance ; 6+6 t
155 Adieu surtout, hélas ! | la trop douce espérance 6+6 t
Des baisers que tu m’as promis. 8 p
Sept troubadours qui composaient le Corps des Jeux Floraux,
dans son origine, donnaient, au lauréat une violette D’OR FIN.
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
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