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| = césure
HUG_3/HUG596
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
PREMIÈRE SÉRIE
1859
XIII
MAINTENANT
Paroles dans l'épreuve
Les hommes d'aujourd'hui qui sont nés quand naissait 6+6 a
Ce siècle, et quand son aile effrayante poussait, 6+6 a
Ou qui, quatre-vingt-neuf dorant leur blonde enfance, 6+6 b
Ont vu la rude attaque et la fière défense, 6+6 b
5 Et pour musique ont eu les noirs canons béants, 6+6 a
Et pour jeux de grimper aux genoux des géants ; 6+6 a
Ces enfants qui jadis, traînant des cimeterres, 6+6 b
Ont vu partir, chantant, les pâles volontaires, 6+6 b
Et connu des vivants à qui Danton parlait, 6+6 a
10 Ces hommes ont sucé l'audace avec le lait. 6+6 a
La Révolution, leur tendant sa mamelle, 6+6 b
Leur fit boire une vie où la tombe se mêle, 6+6 b
Et, stoïque, leur mit dans les veines un sang 6+6 a
Qui, lorsqu'il faut sortir et couler, y consent. 6+6 a
15 Ils tiennent de l'austère et tragique nourrice 6+6 b
L'amour de la blessure et de la cicatrice, 6+6 b
Et, pour trembler, pour fuir, pour suivre qui fuirait, 6+6 a
L'impossibilité de plier le jarret. 6+6 a
Ils pensent que faiblir est chose abominable, 6+6 b
20 Que l'homme est au devoir, et qu'il est convenable 6+6 b
Que ceux à qui Dieu fit l'honneur de les choisir 6+6 a
Pour vivre dans un temps de risque et de désir, 6+6 a
Marchent, et, courant droit au but qui les réclame, 6+6 b
Désapprennent les pas en arrière à leur âme. 6+6 b
25 Ils veulent le progrès durement acheté, 6+6 a
Ne tiennent en réserve aucune lâcheté, 6+6 a
Jettent aux profondeurs leurs jours, leur cœur, leur joie, 6+6 b
Ne se rétractent point parce qu'un gouffre aboie, 6+6 b
Vont toujours en avant et toujours devant eux ; 6+6 a
30 Ils ne sont pas prudents de peur d'être honteux ; 6+6 a
Et disent que le pont où l'on se précipite, 6+6 b
Hardi pour l'abordage, est lâche pour la fuite. 6+6 b
Soi-même se scruter d'un regard inclément, 6+6 a
Être abnégation, martyre, dévouement, 6+6 a
35 Bouclier pour le faible et pour le destin cible, 6+6 b
Aller, ne se garder aucun retour possible, 6+6 b
Ne jamais se servir pour s'évader d'en haut, 6+6 a
Pour fuir, de ce qui sert pour monter à l'assaut, 6+6 a
Telle est la loi ; la loi du devoir, du Calvaire, 6+6 b
40 Qui sourit aux vaillants avec son front sévère. 6+6 b
Peuple, homme, esprit humain, avance à pas altiers ! 6+6 a
Parmi tous les écueils et dans tous les sentiers, 6+6 a
Dans la société, dans l'art, dans la morale, 6+6 b
Partout où resplendit la lueur aurorale, 6+6 b
45 Sans jamais t'arrêter, sans hésiter jamais, 6+6 a
Des fanges aux clartés, des gouffres aux sommets, 6+6 a
Va ! la création, cette usine, ce temple, 6+6 b
Cette marche en avant de tout, donne l'exemple ! 6+6 b
L'heure est un marcheur calme et providentiel ; 6+6 a
50 Les fleuves vont aux mers, les oiseaux vont au ciel ; 6+6 a
L'arbre ne rentre pas dans la terre profonde, 6+6 b
Parce que le vent souffle et que l'orage gronde ; 6+6 b
Homme, va ! reculer, c'est devant le ciel bleu 6+6 a
La grande trahison que tu peux faire à Dieu. 6+6 a
55 Nous donc, fils de ce siècle aux vastes entreprises, 6+6 b
Nous qu'emplit le frisson des formidables brises, 6+6 b
Et dont l'ouragan sombre agite les cheveux, 6+6 a
Poussés vers l'idéal par nos maux, par nos vœux, 6+6 a
Nous désirons qu'on ait présent à la mémoire 6+6 b
60 Que nos pères étaient des conquérants de gloire. 6+6 b
Des chercheurs d'horizons, des gagneurs d'avenir, 6+6 a
Les amants du péril que savait retenir 6+6 a
Aux âcres voluptés de ses baisers farouches 6+6 b
La grande mort, posant son rire sur leurs bouches ; 6+6 b
65 Qu'ils étaient les soldats qui n'ont pas déserté, 6+6 a
Les hôtes rugissants de l'antre liberté, 6+6 a
Les titans, les lutteurs aux gigantesques tailles, 6+6 b
Les fauves promeneurs rôdant dans les batailles ! 6+6 b
Nous sommes les petits de ces grands lions-là. 6+6 a
70 Leur trace sur leurs pas toujours nous appela ; 6+6 a
Nous courons ; la souffrance est par nous saluée ; 6+6 b
Nous voyons devant nous, là-bas, dans la nuée, 6+6 b
L'âpre avenir à pic, lointain, redouté, doux ; 6+6 a
Nous nous sentons perdus pour nous, gagné pour tous ; 6+6 a
75 Nous arrivons au bord du passage terrible ; 6+6 b
Le précipice est là, sourd, obscur, morne, horrible ; 6+6 b
L'épreuve à l'autre bord nous attend ; nous allons, 6+6 a
Nous ne regardons pas derrière nos talons ; 6+6 a
Pâles, nous atteignons l'escarpement sublime, 6+6 b
80 Et nous poussons du pied la planche dans l'abîme. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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