Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_3/HUG586
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
PREMIÈRE SÉRIE
1859
VII
L'ITALIE — RATBERT
La Défiance d'Onfroy
Parmi les noirs désertset les mornes silences, 6+6 a
Ratbert, pour l'escorter,n'ayant que quelques lances, 6+6 a
Et le marquis Sénèqueet l'évêque Afranus, 6+6 b
Traverse, presque seul,des pays inconnus ; 6+6 b
5 Mais il sait qu'il est fortde l'effroi qu'il inspire, 6+6 a
Et que l'empereur porteavec lui tout l'empire. 6+6 a
Un soir Ratbert s'arrêteaux portes de Carpi ; 6+6 b
Sur ce seuil formidableun dogue est accroupi ; 6+6 b
Ce dogue, c'est Onfroy,le baron de la ville ; 6+6 a
10 Calme et fier, sous la dentd'une herse incivile, 6+6 a
Onfroy s'adosse aux mursqui bravaient Attila ; 6+6 b
Les femmes, les enfantset les soldats sont là ; 6+6 b
Et voici ce que ditle vieux podestat sombre 6+6 a
Qui parle haut, ayantson peuple dans son ombre : 6+6 a
15 « — Roi, nous te saluons,sans plier les genoux. 6+6 b
Nous avons une choseà te dire. Quand nous, 6+6 b
Gens de guerre et baronsqui tenions la province, 6+6 a
Nous avons bien voulude toi pour notre prince. 6+6 a
Quand nous t'avons donnéce peuple et cet état, 6+6 b
20 Sire, ce n'était pointpour qu'on les maltraitât. 6+6 b
Jadis nous étions forts.Quand tu nous fis des offres, 6+6 a
Nous étions très puissants ;de l'argent plein nos coffres ; 6+6 a
Et nous avions battutes plus braves soldats ; 6+6 b
Nous étions tes vainqueurs.Roi, tu ne marchandas 6+6 b
25 Aucun engagement,sire, aucune promesse ; 6+6 a
On traita ; tu juraspar ta mère et la messe ; 6+6 a
Nous alors, las d'avoirde l'acier sur la peau, 6+6 b
Comptant que tu seraisbon berger du troupeau, 6+6 b
Et qu'on aboliraitles taxes et les dîmes, 6+6 a
30 Nous vînmes te prêterhommage, et nous pendîmes 6+6 a
Nos casques, nos haubertset nos piques aux clous. 6+6 b
Roi, nous voulons des chiensqui ne soient pas des loups. 6+6 b
Tes gens se sont conduitsd'une telle manière 6+6 a
Qu'aujourd'hui toute ville,altesse, est prisonnière 6+6 a
35 De la peur que ta suiteet tes soldats lui font, 6+6 b
Et que pas un fosséne semble assez profond. 6+6 b
Vois, on se garde. Ici,dans les villes voisines, 6+6 a
On ne lève jamaisqu'un pieu des sarrasines 6+6 a
Pour ne laisser passerqu'un seul homme à la fois, 6+6 b
40 A cause des brigandset de vous autres rois. 6+6 b
Roi, nous te remontronsque ta bande à toute heure 6+6 a
Dévalise ce peuple,entre dans sa demeure, 6+6 a
Y met tout en tumulteet sens dessus dessous, 6+6 b
Puis s'en va, lui volantses misérables sous ; 6+6 b
45 Cette horde en ton nomincessamment réclame 6+6 a
Le bien des pauvres gensqui nous fait saigner l'âme, 6+6 a
Et puisque, nous présentsavec nos compagnons, 6+6 b
On le prend sous nos yeux,c'est nous qui le donnons ; 6+6 b
Oui, c'est nous qui, trouvantqu'il vous manque des filles, 6+6 a
50 Des meutes, des chevaux,des rtres, des bastilles, 6+6 a
Lorsque vous guerroyezet lorsque vous chassez, 6+6 b
Et qu'ayant trop de tout,vous n'avez point assez, 6+6 b
Avons la bonté rareet touchante de faire 6+6 a
Des charités, à vous,les heureux de la terre 6+6 a
55 Qui dormez dans la plumeet buvez dans l'or fin, 6+6 b
Avec tous les liardsde tous les meurt-de-faim ! 6+6 b
Or, il nous reste encore,il faut que tu le saches, 6+6 a
Assez de vieux pierriers,assez de vieilles haches, 6+6 a
Assez de vieux enginsau fond de nos greniers, 6+6 b
60 Sire pour ne pas êtreà ce point aumôniers, 6+6 b
Et pour ne faire point,comme dans ton Autriche, 6+6 a
Avec l'argent du pauvreune largesse au riche. 6+6 a
Nous pouvons, en creusant,retrouver aujourd'hui 6+6 b
Nos estocs sous la rouilleet nos cœurs sous l'ennui. 6+6 b
65 Nous pouvons décrocher ;de nos mains indignées, 6+6 a
Nos bannières parmiles toiles d'araignées, 6+6 a
Et les faire flotterau vent, si nous voulons. 6+6 b
« Sire, en outre, tu metsl'opprobre à nos talons. 6+6 b
Nous savons bien pourquoitu combles de richesses 6+6 a
70 Nos filles et nos sœursdont tu fais des duchesses, 6+6 a
Étoiles d'infamieau front de nos maisons. 6+6 b
Roi nous n'acceptons passur nos durs écussons 6+6 b
Des constellationsfaites avec des taches ; 6+6 a
La honte est mal mêléeà l'ombre des panaches ; 6+6 a
75 Le soldat a le piedsi maladroit, seigneur, 6+6 b
Qu'il ne peut sans boitertrner le déshonneur. 6+6 b
Nos filles sont nous-même ;au fond de nos tours noires, 6+6 a
Leur beauté chaste est sœurde nos anciennes gloires ; 6+6 a
C'est pourquoi nous trouvonsqu'on fait mal à propos 6+6 b
80 Les rideaux de ton litavec nos vieux drapeaux. 6+6 b
« Tes juges sont des gueux ;bailliage ou cour plénière. 6+6 a
On trouve, et ce serama parole dernière, 6+6 a
Dans nos champs, l'honneurantique est au rabais, 6+6 b
Pas assez de chemins,sire, et trop de gibets. 6+6 b
85 Ce luxe n'est pas bon.Nos pins et nos érables 6+6 a
Voyaient jadis, parmileurs ombres vénérables, 6+6 a
Les bûcherons et nonles bourreaux pénétrer ; 6+6 b
Nos grands chênes n'ont pointl'habitude d'entrer 6+6 b
Dans l'exécutiondes lois et des sentences, 6+6 a
90 Et n'aiment pas donnertant de bois aux potences. 6+6 a
Nous avons le cœur gros,et nous sommes, ô roi, 6+6 b
Tout près de secouerla corde du beffroi ; 6+6 b
Ton altesse nous gêneet nous n'y tenons guère. 6+6 a
Roi, ce n'est pas pour voirnos compagnons de guerre 6+6 a
95 Accrochés à la fourcheet devenus hideux, 6+6 b
Qui, morts échevelés,quand nous passons près d'eux, 6+6 b
Semblent nous regarderet nous faire reproche ; 6+6 a
Ce n'est pas pour subirton burg sur notre roche, 6+6 a
Plein de danses, de chantset de festins joyeux ; 6+6 b
100 Ce n'est pas pour avoirces pitiés sous les yeux 6+6 b
Que nous venons ici,courbant nos vieilles âmes, 6+6 a
Te saluer, menantà nos côtés nos femmes ; 6+6 a
Ce n'est pas pour celaque nous humilions 6+6 b
Dans elles les agneauxet dans nous les lions. 6+6 b
105 « Et, pour rachat du malque tu fais, quand tu donnes 6+6 a
Des rentes aux mtiers,des terres aux madones, 6+6 a
Quand, plus chamarré d'orque le soleil le soir, 6+6 b
Tu vas baiser l'autel,adorer l'ostensoir, 6+6 b
Prier, ou quand tu faisquelque autre simagrée, 6+6 a
110 Ne te figure pasque ceci nous agrée. 6+6 a
Engraisser des abbésou doter des couvents, 6+6 b
Cela fait-il que ceuxqui sont morts soient vivants ? 6+6 b
Roi, nous ne le pensons,en aucune manière. 6+6 a
Roi, le chariot verseà trop creuser l'ornière ; 6+6 a
115 L'appétit des rois donneaux peuples appétit ; 6+6 b
Si tu ne changes pasd'allure, on t'avertit, 6+6 b
Prends garde. Et c'est celaque je voulais te dire. — » 6+6 a
— Bien parlé ! dit Ratbertavec un doux sourire. 6+6 a
Et, penché vers l'oreilleobscure d'Afranus : 6+6 b
120 — Nous sommes peu nombreuxet follement venus ; 6+6 b
Cet homme est fort.
— Très fort,dit le marquis Sénèque. 6+6 a
— Laissez-moi l'inviterà souper, dit l'évêque. 6+6 a
Et c'est pourquoi l'on voitmaintenant à Carpi 6+6 b
Un grand baron de marbreen l'église assoupi ; 6+6 b
125 C'est le tombeau d'Onfroy,ce héros d'un autre âge, 6+6 a
Avec son épitapheexaltant son courage, 6+6 a
Sa vertu, son fier cœurplus haut que les destins, 6+6 b
Faite par Afranus,évêque, en vers latins. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université