Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_29/HUG1947
Victor HUGO
LE VERSO DE LA PAGE
1857-1858
Non, ce n'est pas la fin. Non, non, tout n'est pas dit. 6+6 a
Ô morne anxié qui germe et qui grandit ! 6+6 a
Tourment de la pensée après l'œuvre achevée ! 6+6 b
Stupeur de l'aigle esprit en voyant sa couvée ! 6+6 b
5 Scrupules du songeur sur ce qu'il a songé. 6+6 a
Se venger, c'est la loi du passé submergé. 6+6 a
C'est la vieille coutume et c'est la vieille table ; 6+6 b
Tout n'est pas dit après le verdict lamentable 6+6 b
Prononcé-paries cris, les pleurs, les désespoirs. 6+6 a
10 Vous êtes des bourreaux vous-mêmes, masques noirs ! 6+6 a
Et le bourreau n'a pas le dernier la parole. 6+6 b
L'avenir triomphant veut une autre auréole 6+6 b
Que l'âpre flamboiement des expiations. 6+6 a
Ô Dieu, vous m'envoyez les pâles visions ; 6+6 a
15 Ô Dieu, comment choisir dans toutes ces nuées ? 6+6 b
La vierge est implacable ; et les prostituées 6+6 b
Sont féroces ; le mal, le bien sont toujours prêts, 6+6 a
Hélas, à se servir des mêmes couperets ! 6+6 a
Les révolutions, ces grandes affranchies ! 6+6 b
20 Sont farouches ; étant filles des monarchies. 6+6 b
Donc, quand le genre humain voulut, enfin lassé, 6+6 a
Entrer dans l'avenir et sortir du passé, 6+6 a
Il n'aperçut pas d'autre ouverture que celle 6+6 b
Qui s'offrait, sous ce fer où l'éclair étincelle, 6+6 b
25 Entre ces deux poteaux, chambranles effrayants ! 6+6 a
Oui, c'est la seule issue, hommes, troupeaux fuyants ; 6+6 a
Sortez par ce sépulcre. O mystère insondable ! 6+6 b
Hélas ! c'est du passé la porte formidable ! 6+6 b
Entrez dans l'avenir par ce pas sépulcral. 6+6 a
30 C'est à travers le mal qu'il faut sortir du mal. 6+6 a
Le genre humain, pour fuir de la sanglante ornière, 6+6 b
Marche sur une tête humaine, la dernière ; 6+6 b
C'est avec de l'enfer qu'il commence les cieux ; 6+6 a
Car l'homme en écrasant le monstre est monstrueux. 6+6 a
35 Éruption des droits de l'homme ! Sombres laves ! 6+6 b
Sortie épouvantable et fauve des esclaves ! 6+6 b
O toi que rien ne trouble et ne fait dévier ! 6+6 a
Lugubre enfantement du Vingt-et-un janvier ! 6+6 a
Tout un monde surgit, tout un monde s'écroule ! 6+6 b
40 Fiacre horrible qui passe au milieu de la foule ! 6+6 b
Sacerdoce et pouvoir sont là ; que disent-ils ? 6+6 a
Morne chuchotement de ces deux noirs profils ! 6+6 a
Pendant qu'autour d'eux gronde, éclate et se proclame 6+6 b
La révolte du peuple et l'émeute de l'âme, 6+6 b
45 Pendant que, sur la terre et dans le firmament, 6+6 a
On entend le funèbre et double craquement 6+6 a
De l'ancien paradis et de l'ancien royaume, 6+6 b
Le roi spectre tout bas parle au prêtre fantôme. 6+6 b
Qu'est-ce qu'il avait fait, ce roi, ce condamné, 6+6 a
50 Ce patient pensif et pâle ? il était né. 6+6 a
Est-ce une injuste mort ? qui donc l'oserait dire ? 6+6 b
C'est la punition ; c'est aussi le martyre. 6+6 b
Responsabili sombre de l'innocent ! 6+6 a
O révolutions ! l'idéal est en sang ; 6+6 a
55 Le grandiose est fauve et l'horrible est sublime ; 6+6 b
Et comment expliquer ces aspects de l'abîme ? 6+6 b
Oh ! quels chocs de faisceaux, de tribuns, de pavois ! 6+6 a
Je vois luire les fronts, j'entends parler les voix ; 6+6 a
La lumière est accrue et l'ombre est agrandie ; 6+6 b
60 Toute cette héroïque et fière tragédie 6+6 b
Passe devant mes yeux comme par tourbillons. 6+6 a
La Marseillaise dit : Formez vos bataillons ! 6+6 a
Là-bas, dans un .rayon de gouffre et de colère, 6+6 b
Le vieux bonnet damné du forçat séculaire 6+6 b
65 Luit au bout d'une pique, étrange labarum. 6+6 a
Ce n'est pas un sénat, ce n'est pas un forum, 6+6 a
C'est un tas de titans qui vient tout reconstruire. 6+6 b
Tous ces colosses noirs se mettent à bruire. 6+6 b
Nuit, tempête ; océan épouvantable et beau ! 6+6 a
70 Chaque vague qui fuit s'appelle Mirabeau, 6+6 a
Robespierre, Brissot, Guadet, Buzot, Barnave, 6+6 b
Pétion… Hébert salit l'écume de sa bave. 6+6 b
— Et, submergé, saignant, arraché, mort, épars, 6+6 a
Le vieux dogme, partout, noyé de toutes parts, 6+6 a
75 Tombe, et tout le passé s'en va dans la même onde. 6+6 b
Danton parle ; il est plein de la rumeur d'un monde ; 6+6 b
C'est une idée et c'est un homme ; il resplendit ; 6+6 a
Il ébranle les cœurs et les murs ; ce qu'il dit 6+6 a
Est semblable au passage orageux d'un quadrige ; 6+6 b
80 Un torrent de parole énorme qu'il dirige, 6+6 b
Un verbe surhumain, superbe, engloutissant, 6+6 a
S'écroule de sa bouche en tempête, et descend 6+6 a
Et coule et se répand sur la foule profonde. 6+6 b
Il bâtit ? non, il brise ; il détruit ? non, il fonde. 6+6 b
85 Pendant qu'il jette au vent de l'avenir ses cris 6+6 a
Mêlés à la clameur des vieux trônes proscrits, 6+6 a
Le peuple voit passer une roue inouïe 6+6 b
De tonnerre et d'éclairs dont l'ombre est éblouie ; 6+6 b
Il parle ; il est l'élu, l'archange, l'envoyé ! 6+6 a
90 Et l'interrompra-t-on ? qui l'ose est foudroyé ! 6+6 a
Qui pourrait lui barrer la route ? qui ? personne. 6+6 b
Tout ploie en l'écoutant, tout vibre, tout frissonne, 6+6 b
Tant ces discours tombés d'en haut sont accablants, 6+6 a
Tant l'âme est forte, et tant, pour les hommes tremblants, 6+6 a
95 Ces roulements du char de l'esprit sont terribles ! 6+6 b
Auprès des flamboyants se dressent les horribles ; 6+6 b
Justiciers, punisseurs, vengeurs, démons du bien. 6+6 a
— Grâce ! encore un moment ! grâce ! Ils répondent : Rien ! 6+6 a
Entendez-vous Marat qui hurle dans sa cave ! 6+6 b
100 Sa morsure au tyran s'en va baiser l'esclave. 6+6 b
Il souffle la fureur, les'griefs acharnés ; 6+6 a
La vengeance, la mort, la vie, aux déchnés ; 6+6 a
A plat ventre, grinçant des dents, livide, oblique, 6+6 b
If travaille à l'immense évasion publique ; 6+6 b
105 Il perce l'épais mur du bagne, et, dans son trou, 6+6 a
Du grand cachot de l'ombre il tire le verrou ; 6+6 a
Il saisit l'ancien monde, il en montre la plaie ; 6+6 b
Il le traîne de rue en rue, il est la claie ; 6+6 b
Il est en même temps la huée ; il écrit, 6+6 a
110 Le vent d'orage emporte et sème son esprit, 6+6 a
Une feuille de fange et d'aurore inondée, 6+6 b
Espèce de guenille horrible de l'idée ;' 6+6 b
Il dénonce, il délivre ; il console, il maudit ; 6+6 a
De la liberté sainte il est l'âpre bandit ; 6+6 a
115 Il agite l'antique et monstrueuse chaîne, 6+6 b
Hideux, faisant sonner le fer contre s'a haine ; 6+6 b
On voit autour de lui des ossements humains. 6+6 a
Charlotte, ayant le cœur des stoïques romains, 6+6 a
Seule osera tenter cet antre inabordable. 6+6 b
120 Il est le misérable, il est le formidable ; 6+6 b
Il est l'auguste infame ; il est le nain 'géant ; 6+6 a
Il égorge, massacre ; extermine, en créant ; 6+6 a
Un pauvre' eh deuil l'émeut, un roi saignant le charme ; 6+6 b
Sa fureur aime ; il verse, une effroyable larme ; 6+6 b
125 Fauve, il pleure avec rage au secours des souffrants ! 6+6 a
Il crie au mourant : Tue ! Il crie au volé : Prends ! 6+6 a
Il crie à l'Opprimé : Foule aux pieds ! broie ! accable ! 6+6 b
Doux pour une détresse et pour l'autre' implacable, 6+6 b
Il fait à cette foule ; à cette nation, 6+6 a
130 A ce peuple, un salut d'extermination. 6+6 a
Dur, mais grand ; front livide entre les fronts célèbres ! 6+6 b
Ténébreux, il attaque et détruit lés ténèbres. 6+6 b
Cette chauve-souris fait la guerre au corbeau. 6+6 a
Prêtre imposteur du vrai, difforme amant du beau, 6+6 a
135 Il combat l'ombre avec toutes, les armes noires, 6+6 b
Pierres, boue et crachats, affronts, cris dérisoires, 6+6 b
Hymnes à l'échafaud, poignard, rire infernal, 6+6 a
Il puise à pleines mains dans l'affreux arsenal ; 6+6 a
Cet homme peut toucher à tout, hors à la foudre. 6+6 b
140 La meule doit broyer si le moulin veut moudre ; 6+6 b
Sur les versants divers des abîmes penchants ; 6+6 a
Ceux qui paraissent bons, ceux qui semblent méchants, 6+6 a
Ébauchent en commun la même délivrance ; 6+6 b
Ils font le jour, ils font le peuple, ils font la France. 6+6 b
145 Qu'appelez-vous Bourbon, majesté, roi, dauphin ? 6+6 a
Toute chose dont sort l'indigence, la faim, 6+6 a
L'ignorance, le mal, la guerre, l'homme brute, 6+6 b
C'est fini, cela doit s'en aller dans la chute. 6+6 b
C'est une tête ? Eh bien, le panier la reçoit. 6+6 a
150 Ils marchent, détruisant l'obstacle, quel qu'il soit ; 6+6 a
Et c'est leur dogme à tous : — tuer quiconque tue. 6+6 b
Ruine où l'ordre éclôt, vit et se constitue ! 6+6 b
C'est par excès d'amour qu'ils abhorrent ; bon 6+6 a
Devient haine ; ils n'ont plus de cœur que d'un cô 6+6 a
155 A force de songer au sort des misérables, 6+6 b
Et par miséricorde ils sont inexorables. 6+6 b
Pour eux, Louis dix sept, c'est déjà tout un roi ; 6+6 a
Qu'importe sa pâleur, sa fièvre, son effroi ? 6+6 a
Ils écoutent le triste avenir qui sanglote. 6+6 b
160 L'enfant a dans leurs mains la lourdeur d'un despote ; 6+6 b
Ils l'écrasent — meurs donc ! — sous le trône natal. 6+6 a
Ainsi tous les débris du vieux monde fatal, 6+6 a
Évêques mis aux fers, rois trnés à la barre, 6+6 b
Disparaissent, broyés sous leur pitié barbare. 6+6 b
165 Tigres compatissants ! formidables agneaux ! 6+6 a
Le sang que Danton verse éclabousse Vergniaux ; 6+6 a
Sous la Montagne ainsi qu'aux pieds de la Gironde 6+6 b
La même terre tremble et le même flot gronde. 6+6 b
Oui, le droit se dressa sur les codes bâtards, 6+6 a
170 Oui, l'on sentit, ainsi qu'à tous les avatars, 6+6 a
Le tressaillement sourd du flanc des destinées 6+6 b
Quand, montant lentement son escalier d'années, 6+6 b
Le dix-huitième siècle atteignit quatrevingt. 6+6 a
Encor treize, le nombre étrange, et le jour vint ! 6+6 a
175 Alors, comme il arrive à chaque phénomène, 6+6 b
A chaque changement d'âme de l'âme humaine, 6+6 b
Comme lorsque Jésus mourut au Golgotha, 6+6 a
L'éternel sablier des siècles s'arrêta, 6+6 a
Laissant l'heure incomplète et discontinuée ; 6+6 b
180 L'œil profond des penseurs plongea dans la nuée, 6+6 b
Et l'on vit une main qui retournait le temps. 6+6 a
On comprit qu'on touchait aux solennels instants, 6+6 a
Que tout recommençait, qu'on entrait dans la phase, 6+6 b
Que le sommet allait descendre sous la base, 6+6 b
185 Que le nadir allait devenir le zénith, 6+6 a
Que le peuple montait sur le roi qui finit. 6+6 a
Un blême crépuscule apparut sur Sodome, 6+6 b
Promesse menaçante ; et le peuple, pauvre homme, 6+6 b
Mendiant dont le vent tordait le vil manteau, 6+6 a
190 Forçat dans sa galère ou juif dans son ghetto, 6+6 a
Se leva, suspendit sa plainte monotone, 6+6 b
Et rit, et s'écria : — Voici la grande automne ! 6+6 b
La saison vient. C'est mûr. Un signe est dans les cieux. 6+6 a
La Révolution, pressoir prodigieux, 6+6 a
195 Commença le travail de la sainte récolte, 6+6 b
Et, des cœurs comprimés exprimant la révolte, 6+6 b
Broyant les rois caducs debout depuis Clovis, 6+6 a
Fit son œuvre suprême et triste, et, sous sa vis, 6+6 a
Toute l'Europe fut comme une vigne sombre. 6+6 b
200 Alors, dans le champ vague et livide de l'ombre ; 6+6 b
Se répandit, fumant, on ne sait quel, flot noir, 6+6 a
O terreur ! et l'on vit ; sous l'effrayant pressoir, 6+6 a
Naître de la lumière à travers d'affreux voiles, 6+6 b
Et jaillir et couler du sang et des étoiles ; 6+6 b
205 On vit le vieux sapin des trônes ruisseler, 6+6 a
Tandis qu'on entendait l'ancien monde râler, 6+6 a
Et, le front radieux, la main rouge et'fangeuse, 6+6 b
Chanter la Liberté, la grande vendangeuse. 6+6 b
Jours du peuple cyclope et de l'esprit titan ! 6+6 a
210 Vie et trépas tournant le même cabestan ! 6+6 a
Temps splendide et fatal qui mêle en sa fournaise 6+6 b
Au cri d'un Josaphat l'hymne d'une Genèse ! 6+6 b
Quiconque t'osera regarder fixement, 6+6 a
Convention, cratère, Etna, gouffre fumant, 6+6 a
215 Quiconque plongera la fourche dans ta braise, 6+6 b
Quiconque sondera ce puits, Quatrevingt-treize, 6+6 b
Sentira se cabrer et s'enfuir son esprit. 6+6 a
Quand Moïse vit Dieu, le vertige le prit ; 6+6 a
Et moi, devant l'histoire aux horizons sans nombre, 6+6 b
220 Je tremble, et j'ai le même éblouissement sombre. 6+6 b
Car c'est voir Dieu que voir les grandes lois du —sort. 6+6 a
Non ! le glaive, la mort répondant à la mort, 6+6 a
Non, ce n'est pas la fin. Jette plus bas la sonde, 6+6 b
Mon esprit. Ce serait l'étonnement du monde 6+6 b
225 Et la déception des hommes qu'un progrès 6+6 a
Ne vînt pas sans laisser aux justes des 'regrets, 6+6 a
Que l'ombre attristât l'aube à se lever si lente, 6+6 b
Et que, pour le toucher avec sa main sanglante 6+6 b
Le temps de lui céder la place et le chemin, 6+6 a
230 Toujours l'affreux hier ensanglantât demain ! 6+6 a
Non, ce n'est pas la fin. Non, il n'est pas possible, 6+6 b
Dieu, que toute ta loi soit de changer de cible, 6+6 b
Et de faire passer le meurtre et le forfait 6+6 a
Des mains des rois aux mains du peuple stupéfait. 6+6 a
235 Le peuple ne veut pas de ce morne héritage. 6+6 b
Que serait donc l'effort de l'homme si le sage 6+6 b
N'avait à constater qu'un résultat si vain, 6+6 a
Le choc du droit humain contre le droit divin ! 6+6 a
Et s'il n'apercevait que cette lueur trouble 6+6 b
240 Quand il écoute au fond de l'ombre la voix double, 6+6 b
Le passé, l'avenir, la matière, l'esprit, 6+6 a
La voix du peuple Enfer, la voix, du peuple Christ ! 6+6 a
C'est vrai, l'histoire est sombre. Ô rois ! hommes tragiques ! 6+6 b
Démences du pouvoir sans limites ! logiques 6+6 b
245 De l'épée et du sceptre, exterminant, broyant, 6+6 a
Allant à travers tout à leur but effrayant ! 6+6 a
Oh ! la toute-puissance— a Caïn pour ancêtre. 6+6 b
Rien qu'à voir par éclairs les siècles apparaître, 6+6 b
Quels rêves inouïs ! que d'étranges lueurs : 6+6 a
250 Voici les idiots à côté des tueurs. 6+6 a
Zam, s'éveillant trop tard, met l'aurore à l'amende ; 6+6 b
Claude égorge sa femme et puis la redemande ; 6+6 b
Bajazet veut lier les vents à des poteaux ; 6+6 a
Xercès fouette la mer, Phur crache sur l'Athos. 6+6 a
255 O deuil ! le pharaon suivi du Barmécide ; 6+6 b
Ici le parricide et là l'infanticide ; 6+6 b
Pères dénaturés, fils en rébellion. 6+6 a
Octave usurpe, opprime, égorge, et dans Lyon 6+6 a
Soixante nations lui bâtissent un temple ; 6+6 b
260 La Flandre est un bûcher que Philippe contemple ; 6+6 b
Léon dix en riant étrangle un cardinal ; 6+6 a
Maxence après Galère apparaît infernal ; 6+6 a
Voilà Sanche, abruti d'ivresses funéraires ; 6+6 b
Celui-ci, Mahomet, tua ses dix-neuf frères ; 6+6 b
265 Après avoir frappé son père ; Manfredi 6+6 a
S'assied dessus jusqu'à ce qu'il soit refroidi ; 6−6 a
Les Transtamares font revivre les Orestes ; 6+6 b
Achab fait ramasser sous sa table ses restes 6+6 b
Par des hommes sans mains, sans pieds, sans dents, sans yeux ; 6+6 a
270 Caïus triomphe avec du sang jusqu'aux essieux ; 6+6 a
Richard d'York étouffe Édouard cinq ; Ramire 6+6 b
Le Mauvais est mauvais, mais Jean le Bon est pire ; 6+6 b
Sélim, tout effa de débauche et d'encens ; 6+6 a
Court dans Stamboul, perçant de flèches les passants ; 6+6 a
275 Andronic détruit Brousse et dépeuple Nicée ; 6+6 b
Christiern fait tous les jours arroser d'eau glacée 6+6 b
Des captifs enchnés nus dans les souterrains ; 6+6 a
Galéas Visconti, les bras liés aux reins, 6+6 a
Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce 6+6 b
280 Passé dans les œillets de sa veste de force ; 6+6 b
Cosme, à l'heure où midi change en brasier le ciel, 6+6 a
Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; 6+6 a
Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; 6+6 b
Alonze, furieux qu'on allaite son frère, 6+6 b
285 Coupe le bout des seins d'Urraque avec ses dents ; 6+6 a
Vlad regarde mourir ses neveux prétendants 6+6 a
Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; 6+6 b
Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, 6+6 b
Fait avec de la pierre et des hommes vivants 6+6 a
290 D'épouvantables tours qui hurlent dans les vents ; 6+6 a
Là, le sceptre vandale, ici la loi burgonde ; 6+6 b
Cléopâtre renaît pire dans Frédégonde ; 6+6 b
Ivan est sur Moscou, Carlos est sur Madrid : 6+6 a
Sous cet autre, Louis dit le Grand, on ouvrit 6+6 a
295 Les mères pour tuer leurs enfants dans leurs ventres. 6+6 b
Mais où sont donc les loups ! Oh ! les antres ! les antres ! 6+6 b
La jungle où les, boas glissent, fangeux et froids ! 6+6 a
Est-ce du sang qui coule aux veines de ces rois ? 6+6 a
Ont-ils des cœurs aussi ? Sont-ils ce que nous sommes ? 6+6 b
300 Cieux profonds ! oh ! plutôt que l'aspect de ces hommes, 6+6 b
La rencontre du tigre, et, plutôt que leur voix, 6+6 a
Le sourd rugissement du lion dans les bois ! 6+6 a
Eh bien, vengeance donc ! mort ! malheur ! représailles ! 6+6 b
La torche aux Rhamséions, aux Schœnbruns, aux Versailles ! 6+6 b
305 Qu'Ossa soit à son tour broyé par Pélion ! 6+6 a
Au bourreau les bourreaux ! Justice ! talion ! 6+6 a
Talion ! talion !
— Silence aux cris sauvages ! 6+6 b
Non ! assez de malheur, de meurtre et de ravages ! 6+6 b
Assez d'égorgements ! assez de deuil ! assez 6+6 a
310 De fantômes sans tête et d'affreux trépassés ! 6+6 a
Assez de visions funèbres dans la brume ! 6+6 b
Assez de doigts hideux, montrant le sang qui fume, 6+6 b
Noirs, et comptant les trous des linceuls dans la nuit ! 6+6 a
Pas de suppliciés dont le cri nous poursuit ! 6+6 a
315 Pas de spectres jetant leur ombre sur nos têtes ! 6+6 b
Nous sommes ruisselants de toutes les tempêtes ; 6+6 b
Il n'est plus qu'un devoir et qu'une vérité, 6+6 a
C'est, après tant d'angoisse et de calamité, 6+6 a
Homme, d'ouvrir son cœur, oiseau, d'ouvrir son aile 6+6 b
320 Vers ce ciel que remplit la grande âme éterrielle ! 6+6 b
Le peuple, que les rois broyaient sous leurs talons, 6+6 a
Est la pierre promise au temple, et nous voulons 6+6 a
Que la pierre, bâtisse ,et non qu'elle lapide ! 6+6 b
Pas de sang ! pas de mort ! C'est un reflux stupide 6+6 b
325 Que la féroci sur la férocité. 6+6 a
Un pilier d'échafaud soutient mal la cité. 6+6 a
Tu veux faire mourir ! Moi je veux faire naître ! 6+6 b
Je mure le sépulcre et j'ouvre la fenêtre. 6+6 b
Dieu n'a pas fait le sang, à l'amour réservé, 6+6 a
330 Pour qu'on le donne à boire aux fentes du pavé. 6+6 a
S'agit-il de tuer ? O peuple il s'agit d'être. 6+6 b
Quoi ! tu veux te venger, passant ? de qui ? du maître ? 6+6 b
Si tu ne vaux pas mieux, que viens-tu faire ici ? 6+6 a
Tout mystère où l'on jette un meurtre est obscurci ; 6+6 a
335 L'énigme, ensanglantée est plus âpre à résoudre ; 6+6 b
L'ombre, s'ouvre terrible après le coup de foudre ; 6+6 b
Tuer n'est pas créer, et l'on se tromperait 6+6 a
Si l'on croyait que tout finit au couperet ; 6+6 a
C'est là qù'inattendue, impénétrable, immense, 6+6 b
340 Pleine d'éclairs subits, la question commence ; 6+6 b
C'est du bien et du mal ; mais le mal est plus grand. 6+6 a
Satan rit à travers l'échafaud transparent. 6+6 a
Le bourreau, quel qu'il soit, a le pied dans l'abîme ; 6+6 b
Quoi qu'elle fasse, hélas ! la hache fait un crime ; 6+6 b
345 Une lugubre nuit fume sur ce tranchant ; 6+6 a
Quand il vient de tuer, comme, en s'en approchant, 6+6 a
On frémit de le voir tout ruisselant, et comme 6+6 b
On sent qu'il a frappé dans l'ômbre plus qu'un homme, 6+6 b
Sitôt qu'a disparu le coupable immolé, 6+6 a
350 Hors du panier tragique où la tête a roulé, 6+6 a
Le principe innocent, divin, inviolable, 6+6 b
Avec son regard d'astre à l'aurore semblable, 6+6 b
Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou. 6+6 a
L'homme est impitoyable, hélas, sans savoir où. 6+6 a
355 Comment ne voit-il pas qu'il vit dans un problème, 6+6 b
Que l'homme est solidaire avec ses monstres même, 6+6 b
Et qu'il ne peut tuer autre chose qu'Abel ! 6+6 a
Lorsqu'une tête tombe, on sent trembler le ciel. 6+6 a
Décapitez Néron, cette hyène insensée, 6+6 b
360 La vie universelle est dans Néron' blessée ; 6+6 b
Faites monter Tibère à l'échafaud'demain, 6+6 a
Tibère saignera le sang du genre humain. 6+6 a
Nous sommes tous mêlés à ce que fait la Grève ; 6+6 b
Quand un homme, en public, nous voyant comme un rêve, 6+6 b
365 Meurt, implorant en vain nos lâches abandons, 6+6 a
Ce meurtre est notre meurtre et nous en répondons ; 6+6 a
C'est avec un morceau de notre insouciance, 6+6 b
C'est avec un haillon de notre conscience, 6+6 b
Avec notre âme à tous, que l'exécuteur las 6+6 a
370 Essuie en s'en allant son hideux coutelas. 6+6 a
L'homme peut oublier ; les choses importunes 6+6 b
S'effacent dans l'éclat ondoyant des fortunes ; 6+6 b
Le passé, l'avenir, se voilent par moments ; 6+6 a
Les festins, les flambeaux, les feux, les diamants, 6+6 a
375 L'illumination triomphale des fêtes, 6+6 b
Peuvent éclipser l'ombre énorme des prophètes 6+6 b
Autour des grands bassins, au bord des claires eaux ; 6+6 a
Les enfants radieux peuvent aux cris d'oiseaux 6+6 a
Mêler le bruit confus de leurs lèvres fleuries, 6+6 b
380 Et, dans le Luxembourg ou dans les Tuileries, 6+6 b
Devant les vieux héros de marbre aux poings crispés, 6+6 a
Danser, rire et chanter : les lauriers sont coupés ! 6+6 a
La Courtille au front bas peut noyer dans les verres 6+6 b
Le souvenir des jours illustres et sévères ; 6+6 b
385 La valse peut ravir, éblouir, enivrer 6+6 a
Des femmes de satin, heureuses de livrer 6+6 a
Le plus de nudi possible aux yeux de flamme ; 6+6 b
L'hymen peut murmurer son chaste épithalame ; 6+6 b
Le bal masqué, lascif, paré, bruyant, charmant, 6+6 a
390 Peut allumer sa torche et bondir follement, 6+6 a
Goule au linceul joyeux, larve en fleurs, spectre rose ; 6+6 b
Mais, quel que soit le temps, quelle que soit la cause, 6+6 b
C'est toujours une nuit funeste au peuple entier 6+6 a
Que celle où, conduisant un prêtre, un guichetier 6+6 a
395 Fouille au trousseau de clefs qui pend à sa ceinture 6+6 b
Pour aller, sur le lit de fièvre et de torture, 6+6 b
Réveiller avant l'heure un pauvre homme endormi, 6+6 a
Tandis que, sur la Grève, entrevus à demi, 6+6 a
Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette, 6+6 b
400 D'effrayants madriers dressent leur silhouette, 6+6 b
Rougis par la lanterne horrible du bourreau ! 6+6 a
Le vieux glaive du juge a la nuit pour fourreau. 6+6 a
Le tribunal ne peut de ce fourreau livide 6+6 b
Tirer que la douleur, l'anxiété, le vide, 6+6 b
405 Le néant, le remords, l'ignorance et l'effroi, 6+6 a
Qu'il frappe au nom du peuple ou venge au nom du roi. 6+6 a
Justice ! dites-vous. — Qu'appelez-vous justice ? 6+6 b
Qu'on s'entr'aide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse 6+6 b
Ceux qui sont nus, qu'on donne à tous le pain sacré, 6+6 a
410 Qu'on brise l'affreux bagne où le pauvre est muré, 6+6 a
Mais qu'on ne touche point à la balance sombre ! 6+6 b
Le sépulcre où, pensif, l'homme naufrage et sombre, 6+6 b
Au delà d'aujourd'hui, de demain, des saisons, 6+6 a
Des jours, du flamboiement de nos vains horizons, 6+6 a
415 Et des chimères, proie et fruit de notre étude, 6+6 b
A son ciel plein d'aurore et fait de certitude ; 6+6 b
La justice en est l'astre immuable et lointain. 6+6 a
Notre justice à nous, comme notre destin, 6+6 a
Est tâtonnement, trouble, erreur, nuage, doute ; 6+6 b
420 Martyr, je m'applaudis ; juge, je me redoute ; 6+6 b
L'infaillible, est-ce moi, dis ? est-ce toi ? réponds. 6+6 a
Vous criez : — Nos douleurs sont notre droit. Frappons. 6+6 a
Nous sommes trop souffrants, trop saignants, trop funèbres, 6+6 b
Pour ne pas condamner quelqu'un dans nos ténèbres. 6+6 b
425 Puisque vous ne voyez rien de clair dans le sort, 6+6 a
Ne vous hâtez pas trop d'en.conclure la mort, 6+6 a
Fût-ce la mort d'un roi, d'un maître et d'un despote : 6+6 b
Dans la brume insondable où tout saigne et sanglote, 6+6 b
Ne vous hâtez pas trop de prendre vos malheurs, 6+6 a
430 Vos jours sans feu, vos jours sans pain, vos cris, vos pleurs, 6+6 a
Et ce deuil qui sur vous et votre race tombe 6+6 b
Pour les faire servir à construire une tombe. 6+6 b
Quel pas aurez-vous fait pour avoir ajou 6+6 a
A votre obscur destin, ombre et fatalité, 6+6 a
435 Cette autre obscuri que vous nommez justice ? 6+6 b
Faire de l'échafaud, menaçante bâtisse, 6+6 b
Un autel à bénir le progrès nouveau-né, 6+6 a
O vivants, c'est démence ; et qu'aurez-vous gagné. 6+6 a
Quand, d'un culte de mort lamentables ministres, 6+6 b
440 Vous aurez marié ces infirmes sinistres, 6+6 b
La justice boiteuse et l'aveugle anankè ? 6+6 a
Le glaive toujours cherche un but toujours manqué ; 6+6 a
La palme, cette flamme aux fleurs étincelantes . 6+6 b
Faite d'azur, frémit devant des mains sanglantes, 6+6 b
445 Et recule et s'enfuit, sensitive des cieux ! 6+6 a
La colère assouvie a le front soucieux. 6+6 a
Quant à moi, tu le sais, nuit calme où je respire, 6+6 b
J'aurais là, sous mes pieds, mon ennemi, le pire, 6+6 b
Caïn juge, Judas pontife, Satan roi, 6+6 a
450 Que j'ouvrirais, ma porte et dirais : Sauve-toi ! 6+6 a
En avant ! du progrès reculons les frontières. 6+6 b
Non, l'élargissement des mornes cimetières, 6+6 b
Ô jeunes nations, n'est pas ce qu'il nous faut. 6+6 a
En avant !
Qu'est-ce donc qu'il nous veut, l'échafaud, 6+6 a
455 Cette charpente spectre accoutumée aux foules, 6+6 b
Cet îlot noir qu'assiège et que bat de ses houles, 6+6 b
La multitude, aux flots inquiets et mouvants, 6+6 a
Ce-sépulcre qui vient attaquer,les vivants, 6+6 a
Et qui, sur les palais ainsi que sur les bouges, 6+6 b
460 Surgit, levant un glaive au bout de ses bras rouges ? 6+6 b
Mystère qui, se livre aux carrefours, morceau 6+6 a
De, la tombe qui vient tremper dans le ruisseau, 6+6 a
Bravant le jour, le bruit, les cris, bière effrontée 6+6 b
Qui, féroce, cynique et lâche, semble athée ! 6+6 b
465 O spectacle exécré dans les plus repoussants, 6+6 a
Une mort qui se fait coudoyer aux passants, 6+6 a
Qui permet qu'un crieur hors de l'ombre la tire ! 6+6 b
Une mort qui n'a pas l'épouvante du rire, 6+6 b
Dévoilant l'escalier qui dans la nuit descend, 6+6 a
470 Disant : voyez ! marchant dans la rue, et laissant 6+6 a
La boue éclabousser son linceul semé d'astres ; 6+6 b
Qui, sur un tréteau, montre entre deux vils pilastres 6+6 b
Son horreur, son front noir, son œil de basilic ; 6+6 a
Qui consent à venir travailler en public, 6+6 a
475 Et qui, prostituée, accepte sur les places, 6+6 b
La familiari des fauves populaces ! 6+6 b
Quant à flatter la foule et les passants, non pas. 6+6 a
Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas. 6+6 a
La foule, c'est l'ébauche à côté du décombre ; 6+6 b
480 C'est le chiffre, ce grain de poussière du nombre ; 6+6 b
C'est le vague profil des ombres dans la nuit ; 6+6 a
La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit 6+6 a
Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle. 6+6 b
Mais quand elle se lève, ayant la force en elle, 6+6 b
485 On doit à la grandeur de la foule, au péril, 6+6 a
Au saint triomphe, au droit, un langage viril ; 6+6 a
Puisqu'elle est la mtresse, il sied qu'on lui rappelle 6+6 b
Les lois d'en haut que l'âme au fond des cieux épelle, 6+6 b
Les principes sacrés, absolus, rayonnants ; 6+6 a
490 On ne baise ses pieds que nus, froids et saignants. 6+6 a
Ce n'est point pour ramper qu'on rêve aux solitudes. 6+6 b
Le songeur et la foule ont des rencontres rudes 6+6 b
C'était avec un front où la colère bout 6+6 a
Qu'Ézéchiel criait aux ossements : Debout ! 6+6 a
495 Moïse était sévère en rapportant les tables ; 6+6 b
Dante grondait. L'esprit des penseurs redoutables, 6+6 b
Grave, orageux, pareil au mystérieux vent 6+6 a
Soufflant du ciel profond dans le désert mouvant 6+6 a
Où Thèbes s'engloutit comme un vaisseau qui sombre, 6+6 b
500 Ce fauve esprit, chargé des balaiements de l'ombre, 6+6 b
A, certes, autre chose à faire que d'aller 6+6 a
Caresser, dans la nuit trop lente à s'étoiler, 6+6 a
Ce grand monstre de pierre accroupi qui médite, 6+6 b
Ayant en lui l'énigme adorable ou maudite ; 6+6 b
505 L'ouragan n'est pas tendre aux colosses émus ; 6+6 a
Ce n'est pas d'encensoirs que le sphinx est camus. 6+6 a
La vérité, voi le grand encens austère 6+6 b
Qu'on doit à cette masse où palpite un mystère, 6+6 b
Et qui porte en son sein qu'un ventre appesantit 6+6 a
510 Le droit juste mê de l'injuste appétit. 6+6 a
Voici le peuple avec son épouse, l'idée, 6+6 b
Voici la populace avec son accordée, 6+6 b
La guillotine ; eh ! bien je choisis l'idéal 6+6 a
Qui supprime Tyburn abolit White Hall ; 6+6 a
515 Et quand la mort, ouvrant son désastreux registre, 6+6 b
Me dit : — Que jettes-tu dans ce panier sinistre ? 6+6 b
Ou la tête du peuple, ou la tête du roi ? — 6+6 a
Je dis : — Ni celle-ci, ni celle-là. — Ma loi, 6+6 a
C'est la vie ; et ma joie, ô Dieu, c'est l'aube pure. 6+6 b
520 Je ne suis pas de ceux qui font la pourriture ; 6+6 b
Je ne suis pas de ceux qui donnent à manger 6+6 a
Au sépulcre, où l'on voit ramper et s'allonger 6+6 a
L'affreux sarcopte éclos du miasme délétère ; 6+6 b
Je ne suis pas de ceux vers qui les vers de terre, 6+6 b
525 Béants, tournent leur tête aveugle dans la nuit. 6+6 a
Tout supplice est un fait contre la loi, traduit, 6+6 a
Pour l'éducation des foules indécises, 6+6 b
Devant l'esprit humain, suprême cour d'assises. 6+6 b
Saint prétoire, infaillible et grave tribunal 6+6 a
530 Où Beccaria juge aidé de Juvénal. 6+6 a
Le penseur n'absout point les grands forfaits lyriques 6+6 b
Que l'histoire engloutit sous ses panégyriques ; 6+6 b
Il excuse parfois, il n'approuve jamais. 6+6 a
Il veut de l'aube, et non du sang, sur les sommets. 6+6 a
535 Peuple ou roi, quel que soit le tuteur, il le blâme. 6+6 b
Pour lui l'assassinat, même illustre, est infâme ; 6+6 b
Tout temple est sombre avec une morgue au milieu. 6+6 a
Quand le sang coule, il dit : malheur ! admirant peu 6+6 a
Le resplendissement magnifique du glaive ; 6+6 b
540 Il n'a pas, quand le cri des victimes s'élève, 6+6 b
Pour éblouissement la grandeur du bourreau ; 6+6 a
Pour lui, Saint-Just poussant Danton au tombereau, 6+6 a
Louis quatorze affreux, penché sur les Cévennes, 6+6 b
Implacable, saignant la France aux quatre veines, 6+6 b
545 Titus livrant Sion massacrée aux vautours, 6+6 a
Quoi qu'on puisse alléguer et dire, c'est toujours 6+6 a
Le même crime errant dans la même nuit noire ; 6+6 b
Si grand que soit l'éclat, quelle que soit la gloire, 6+6 b
C'est toujours à ses yeux le meurtre, et, plein d'ennui, 6+6 a
550 Partout, il le condamne ; et tout ce qu'il sait, lui, 6+6 a
C'est qu'on ne lui fait pas accepter des décombres, 6+6 b
Des désastres, des morts, des écrasements sombres, 6+6 b
Même en posant dessus la patte d'un lion. 6+6 a
Non, jamais de vengeance et pas de talion. 6+6 a
555 Quoi ! le cipaye irait jetant au feu des femmes 6+6 b
Et tordant des enfants, tout vivants dans les flammes ; 6+6 b
Quoi ! l'irlandais bigot, à travers le brouillard, 6+6 a
Surgirait, la massue au poing ; quoi, le lollard 6+6 a
Joindrait le fer qui frappe à la main qui mendie ; 6+6 b
560 Quoi ! le hubin boirait du sang ; quoi ! l'incendie 6+6 b
Éclairerait le rire horrible du truand ; 6+6 a
Le camisard aurait dans sa poche en tuant 6+6 a
Sa bible toute grasse à force d'être lue ; 6+6 b
Et l'âme incorruptible, et la bouche absolue, 6+6 b
565 La bouche du poète et l'âme du penseur 6+6 a
Se tairaient ! et le jour accepterait pour sœur, 6+6 a
Sous prétexte qu'ensemble autrefois nous souffrîmes, 6+6 b
L'aveugle obscurité, toute pleine de crimes ! 6+6 b
Non, parle, et parle haut, vérité ! vérité ! 6+6 a
570 La misère n'a pas le droit de cruauté ; 6+6 a
Les échafauds s'en vont et leur ombre s'efface ; 6+6 b
L'impassible équi ne veut pas qu'on en fasse, 6+6 b
Pas même avec le bois douloureux des grabats ; 6+6 a
Non ! nous n'admettons point, dans le deuil d'ici-bas, 6+6 a
575 Qu'on puisse être bourreau parce qu'on fut victime. 6+6 b
Le meurtre fils des pleurs n'est pas plus légitime ; 6+6 b
Quand le faible dévient à son tour le plus fort, 6+6 a
La conscience donne à la rancune tort 6+6 a
Et force les instincts de vengeance à se taire, 6+6 b
580 Et l'on n'est point absous par ce juge pour faire 6+6 b
Du mal avec le mal que d'autres vous ont fait. 6+6 a
Cette livre de chair dont Shylock triomphait, 6+6 a
Malheur à qui la veut dans sa sauvage envie ! 6+6 b
L'homme est le travailleur du printemps, de la vie, 6+6 b
585 De la graine semée et du sillon creusé, 6+6 a
Et non le créancier livide du passé. 6+6 a
Hélas ! des oppresseurs naissent les terroristes ; 6+6 b
Il n'est pas bon d'avoir, ô vieilles races tristes, 6+6 b
Pour père le haillon et pour mère la nuit ; 6+6 a
590 L'ignorance appartient au mal qui la séduit, 6+6 a
La misère au front morne élève mal les âmes. 6+6 b
La multitude peut jeter d'augustes flammes. 6+6 b
Mais qu'un vent souffle, on voit descendre tout à coup 6+6 a
Du haut de l'honneur vierge au plus bas de l'égout 6+6 a
595 La foule, cette grande et fatale orpheline ; 6+6 b
Et cette Jeanne d'Arc se change en Messaline. 6+6 b
Ah ! quand Gracchus se dresse aux rostres foudroyants, 6+6 a
Quand Cinégyre mord les navires fuyants, 6+6 a
Quand avec les Trois-cents, hommes faits ou pupilles, 6+6 b
600 Léonidas s'en va tomber aux Thermopyles, 6+6 b
Quand Botzaris surgit, quand Schwitz confédé 6+6 a
Brise l'Autriche avec son dur bâton ferré, 6+6 a
Quand l'altier Winkelried, ouvrant ses bras épiques ; 6+6 b
Meurt dans l'embrassement formidable des piques, 6+6 b
605 Quand Washington combat, quand Bolivar paraît, 6+6 a
Quand Pélage rugit au fond de sa forêt, 6+6 a
Quand la Convention impassible tient tête 6+6 b
A trente rois, mêlés dans la même tempête ; 6+6 b
Quand, liguée et terrible et rapportant la nuit, 6+6 a
610 Toute l'Europe accourt, gronde et s'évanouit, 6+6 a
Comme aux pieds de la digue une vague écumeuse, 6+6 b
Devant les grenadiers pensifs de Sambre-et-Meuse 6+6 b
C'est le peuple ; salut, ô peuple souverain ! 6+6 a
Mais quand le lazzarone ou le transteverin . 6+6 a
615 De quelque Sixte-Quint baise à genoux la crosse, 6+6 b
Quand la cohue inepte, insensée et féroce, 6+6 b
Étouffe sous ses flots, d'un vent sauvage émus, 6+6 a
L'honneur dans Coligny, la raison dans Ramus, 6+6 a
Quand un poing monstrueux, de l'ombre où l'horreur flotte, 6+6 b
620 Sort, tenant aux cheveux la tête de Charlotte 6+6 b
Pâle du coup de hache et rouge du soufflet, 6+6 a
C'est la foule ; et ceci me heurte et me déplaît ; 6+6 a
C'est l'élément aveugle et confus ; c'est le nombre ; 6+6 b
C'est la sombre faiblesse et c'est la force sombre. 6+6 b
625 Certes, nous vénérons Sparte, Athènes, Paris, 6+6 a
Et tous les grands forums d'où partent les grands cris ; 6+6 a
Mais nous plaçons plus haut la conscience auguste. 6+6 b
Tout un peuple éga ne pèse pas un juste ; 6+6 b
Tout un océan fou bat en vain un grand cœur. 6+6 a
630 Le nombre, masse obscure et facile au vainqueur, 6+6 a
Souvent rit des martyrs et trahit les apôtres ; 6+6 b
Et le droit n'est pas là ; nous ne voulons, nous autres 6+6 b
Ayant Danton pour père et Hampden pour aïeul, 6+6 a
Pas plus du tyran Tous que du despote Un Seul. 6+6 a
635 Le droit est au-dessus de Tous ; nul vent contraire 6+6 b
Ne le renverse ; et Tous ne peuvent rien distraire 6+6 b
Ni rien aliéner de l'avenir commun. 6+6 a
Le peuble souverain de lui-même, et chacun 6+6 a
Son propre roi ; c'est là le droit. Rien ne l'entame. 6+6 b
640 Quoi ! l'homme que voi qui passe, aurait mon âme ! 6+6 b
Honte ! il pourrait demain, par un vote hébété, 6+6 a
Prendre, prostituer, vendre ma liberté ! 6+6 a
Jamais. La foule un jour peut couvrir le principe ; 6+6 b
Mais le flot redescend, l'écume se dissipe, 6+6 b
645 La vague en s'en allant laisse le droit à nu. 6+6 a
Qui donc s'est figu que le premier venu 6+6 a
Avait droit sur mon droit ! qu'il fallait que je prisse 6+6 b
Sa bassesse pour joug, pour règle son caprice ! 6+6 b
Que j'entrasse au cachot s'il entre au cabanon ! 6+6 a
650 Que je fusse forcé de me faire chnon 6+6 a
Parce qu'il plaît à tous de se changer en chaîne ! 6+6 b
Que le pli du roseau devînt la loi du chêne ! 6+6 b
Ah ! le premier venu, le passant, parlons-en. 6+6 a
Il contient un héros doublé d'un chenapan 6+6 a
655 Les révolutions, durables, quoi qu'il fasse, 6+6 b
Ont pour cet inconnu qui jette à leur surface 6+6 b
Tantôt de l'infamie et tantôt de l'honneur, 6+6 a
Le dédain qu'a le mur pour le badigeonneur. 6+6 a
Voyez-le, ce bourgeois de Paris ou d'Athènes 6+6 b
660 Ou de Rome, pareil à l'eau qui des fontaines 6+6 b
Tombe au pavés, s'en va dans le ruisseau fatal, 6+6 a
Et devient boue après avoir été cristal. 6+6 a
Cet homme étonne, après tant de jours beaux et rudes, 6+6 b
Par son indifférence au fond des turpitudes, 6+6 b
665 Ceux mêmes qu'ont d'abord éblouis ses vertus ; 6+6 a
Il est Falstaff après avoir été Brutus ; 6+6 a
Il entre dans l'orgie en sortant de la gloire ; 6+6 b
Allez lui demander s'il sait sa propre histoire, 6+6 b
Ce qu'était Washington ou ce qu'a fait Bara, 6+6 a
670 Son cœur mort ne bat plus aux noms qu'il adora. 6+6 a
Naguère il restaurait les vieux cultes, les bustes 6+6 b
De ses héros tombés, de ses aïeux robustes, 6+6 b
Phocion expiré, Lycurgue enseveli, 6+6 a
Riego mort, et voyez maintenant quel oubli ! 6+6 a
675 Triste corbeau honteux d'avoir été le cygne, 6+6 b
Il est si bien esclave à présent qu'il s'indigne 6+6 b
De ses hauts faits passés perdus dans la vapeur ; 6+6 a
Il y— 18 à son audace ancienne, il en a peur. 6+6 a
Il fut grand, et s'en lave ; il fut saint, et l'ignore ; 6+6 b
680 Il ne s'aperçoit pas même qu'il déshonore 6+6 b
Par l'œuvre d'aujourd'hui son ouvrage d'hier 6+6 a
Il devient lâche et vil, lui qu'on a vu si fier ; 6+6 a
Et, sans que rien en lui se révolte et proteste, 6+6 b
Barbouille un cabaret sordide avec le reste 6+6 b
685 De la chaux dont il vient de blanchir un tombeau. 6+6 a
Mais quoi ! reproche-t-on son plumage au corbeau, 6+6 a
A l'air qui fuit, lé vent, à la mer qui s'écroule 6+6 b
L'onde, et ses millions de têtes à la foule ? 6+6 b
Que sert de chicaner ses erreurs, son chemin, 6+6 a
690 Ses retours en arrière, à ce nuage humain, 6+6 a
A ce grand tourbillon des vivants, incapable, 6+6 b
Hélas ! d'être innocent comme d'être coupable ? 6+6 b
A quoi bon ? quoique vague, obscur, sans point d'appui, 6+6 a
Il est utile ; et tout en flottant devant lui, 6+6 a
695 Il a pour fonction, à Paris.comme à Londre, 6+6 b
De faire le progrès, et d'autres d'en répondre ; 6+6 b
La République anglaise expire, se dissout, 6+6 a
Tombe, et laisse Milton derrière elle debout ; 6+6 a
La foule a disparu, mais le penseur demeure ; 6+6 b
700 C'est assez pour que tout germe et que rien ne meure. 6+6 b
Dans les chutes du droit rien n'est désespéré. 6+6 a
Qu'importe le méchant heureux, fier, vénéré ? 6+6 a
Tu fais des lâchetés, ciel profond ; tu succombes, 6+6 b
Rome ; la liberté va vivre aux catacombes ; 6+6 b
705 Les dieux sont au vainqueur. Caton reste aux vaincus. 6+6 a
Kosciusko surgit des os de Galgacus 6+6 a
On interrompt Jean Huss ; soit ; Luther continue. 6+6 b
La lumière est toujours par quelque bras tenue ; 6+6 b
On mourra, s'il le faut, pour prouver qu'on a foi ; 6+6 a
710 Et volontairement, simplement, sans effroi, 6+6 a
Des justes sortiront de la foule asservie, 6+6 b
Iront droit au sépulcre et quitteront la vie, 6+6 b
Ayant plus de dégoût des hommes que des vers. 6+6 a
Oh ! ces grands Régulus, de tant d'oubli couverts, 6+6 a
715 Arria, Porcia, ces héros qui sont femmes, 6+6 b
Tous ces courages purs, toutes ces fermes âmes, 6+6 b
Curtius, Adam Lux, Thraséas calme et fort, 6+6 a
Ce puissant Condorcet, ce stoïque Chamfort, 6+6 a
Comme ils ont chastement quitté la terre indigne ! 6+6 b
720 Ainsi fuit la colombe, ainsi plane le cygne, — 6+6 b
Ainsi l'aigle s'en va du marais des serpents. 6+6 a
Léguant l'exemple à tous, aux méchants, aux rampants, 6+6 a
A l'égoïsme, au crime, aux lâches cœurs pleins d'ombre, 6+6 b
Ils se sont endormis dans le grand sommeil sombre ; 6+6 b
725 Ils ont fermé les yeux ne voulant plus rien voir ; 6+6 a
Ces martyrs généreux ont sacré le devoir, 6+6 a
Puis se sont étendus sur la funèbre couche ; 6+6 b
Leur mort à la vertu donne un baiser farouche. 6+6 b
Ô caresse sublime et sainte du tombeau 6+6 a
730 Au grand, au pur, au bon, à l'idéal, au beau ! 6+6 a
En présence de ceux qui disent : Rien n'est juste ! 6+6 b
Devant tout ce qui trouble, et nuit, devant Locuste, 6+6 b
Devant Pallas, devant Carrier, devant Sanchez, 6+6 a
Devant les appétits sur le néant penchés, 6+6 a
735 Les sophistes niant, les cœurs faux, les fronts vides, 6+6 b
Quelle affirmation que ces grands suicides ! 6+6 b
Ah ! quand tout paraît mort dans le monde vivant, 6+6 a
Quand on ne sait s'il faut avancer plus avant, 6+6 a
Quand pas un cri du fond des masses ne s'élance, 6+6 b
740 Quand l'univers n'est plus qu'un vaste et lourd silence, 6+6 b
Quand rien ne semble plus témoigner ni vouloir, 6+6 a
Celui qui, des cercueils suivant le sentier noir, 6+6 a
Ira chercher ces morts dans leur asile austère, 6+6 b
Et qui se collera, l'oreille, contre terre, 6+6 b
745 Entendra leur tombeau dire à voix haute : Oui. 6+6 a
Quoi ! le deuil triomphant, le meurtre épanoui, 6+6 a
Sont les conditions de nos progrès ! Mystère ! 6+6 b
Quel est donc ce travail étrange de la terre ? 6+6 b
Quelle est donc cette loi du développement 6+6 a
750 De l'homme par l'enfer, la peine et le tourment ? 6+6 a
Pour quelque but final dont notre humble prunelle 6+6 b
N'aperçoit même pas la lueur éternelle, 6+6 b
L'être des profondeurs a-t-il donc décré 6+6 a
Dans les azurs sans fond de la sublimité, 6+6 a
755 Que l'homme ne doit point faire un pas qui n'enseigne 6+6 b
De quel pied il chancelle et de quel flanc il saigne, 6+6 b
Que la douleur est l'or dont se paie ici-bas, 6+6 a
Le bonheur ache par tant d'âpres combats ; 6+6 a
Que toute Rome doit commencer par un antre ; 6+6 b
760 Que tout enfantement doit déchirer le ventre ; 6+6 b
Qu'en ce monde l'idée aussi bien que la chair 6+6 a
Doit saigner, et, touchée en naissant par le fer, 6+6 a
Doit avoir, pour le deuil comme pour l'espérance, 6+6 b
Son mystérieux sceau de vie et de souffrance 6+6 b
765 Dans cette cicatrice auguste, le nombril ; 6+6 a
Que l'œuf de l'avenir, pour éclore en avril, 6+6 a
Doit être dépo dans une chose morte ; 6+6 b
Qu'il faut que le bien naisse et que l'épi mûr sorte 6+6 b
De cette plaie en fleur qu'on nomme le sillon ; 6+6 a
770 Que le cri jaillit mieux en mordant le bâillon ; 6+6 a
Que l'homme doit atteindre à des Édens suprêmes 6+6 b
Dont la porte déjà, dans l'ombre des problèmes, 6+6 b
Apparaît radieuse à ses yeux enflammés, 6+6 a
Mais que les deux battants en resteront fermés, 6+6 a
775 Malgré le saint, le christ, le prophète et l'apôtre, 6+6 b
Si Satan n'ouvre l'un, si Caïn n'ouvre l'autre ? 6+6 b
O contradictions terribles ! d'un cô 6+6 a
On voit la loi de paix, de vie et de bon 6+6 a
Par-dessus l'infini dans les prodiges luire ; 6+6 b
780 Et de l'autre on écoute une voix triste dire : 6+6 b
— Penseurs, réformateurs, porte-flambeaux, esprits, 6+6 a
Lutteurs, vous atteindrez l'idéal ! à quel prix ? 6+6 a
Au prix du sang, des fers, du deuil, des hécatombes. 6+6 b
La route du progrès, c'est le chemin des tombes. — 6+6 b
785 Voyez : le genre humain, à cette heure, oppri 6+6 a
Par les forces sans yeux dont ce globe est formé, 6+6 a
Doit vaincre la matière, et, c'est là le problème, 6+6 b
L'enchner, pour se mettre en liberté lui-même. 6+6 b
L'homme prend la nature énorme corps à corps ; 6+6 a
790 Mais comme elle résiste ! elle abat les plus forts. 6+6 a
Derrière l'inconnu la nuit se barricade ; 6+6 b
Le monde entier n'est plus qu'une vaste embuscade ; 6+6 b
Tout est piège ; le sphinx, avant d'être dompté ; 6+6 a
Empreint son ongle au flanc de l'homme épouvanté ; 6+6 a
795 Par moments, il sourit et fait des offres traîtres ; 6+6 b
Les savants, les songeurs, ceux qui sont les seuls prêtres, 6+6 b
Cèdent à ces appels funèbres et moqueurs ; 6+6 a
L'énigme invite, embrasse et brise ses vainqueurs ; 6+6 a
Les éléments, du moins ce qu'ainsi l'erreur nomme, 6+6 b
800 Ont des attractions redoutables sur l'homme ; 6+6 b
La terre au flanc profond tente Empédocle, et l'eau 6+6 a
Tente Jason, Diaz, Gama, Marco Polo, 6+6 a
Et Colomb que dirige au fond des flots sonores 6+6 b
Le doigt du cavalier sinistre des Açores ; 6+6 b
805 Le feu tente Fulton, l'air tente Montgolfier ; 6+6 a
L'homme fait pour tout vaincre ose tout défier. 6+6 a
Maintenant regardez les cadavres. La somme 6+6 b
De tous les combattants que le progrès consomme, 6+6 b
Étonne le sépulcre et fait rêver la mort. 6+6 a
810 Combien d'infortunés noyés dans leur effort. 6+6 a
Pour —atteindre à des bords nouveaux et fécondables ! 6+6 b
Les découvertes sont des filles formidables 6+6 b
Qui dans leur lit tragique étouffent leurs amants. 6+6 a
O loi ! tous les tombeaux contiennent des aimants 6+6 a
815 Les grands cœurs ont l'amour lugubre du martyre, 6+6 b
Et le rayonnement du précipice attire. 6+6 b
Ceux-ci sacrifiant, ceux-là sacrifiés. 6+6 a
Cette croissance humaine où vous vous confiez 6+6 a
Sur nos difformités se développe et monte… 6+6 b
820 Destin terrifiant ! tout sert, même la honte ; 6+6 b
La prostitution a sa fécondité ; 6+6 a
Le crime a son emploi dans la fatalité ; 6+6 a
Étant corruption, un germe y peut éclore. 6+6 b
Ceci qu'on aime naît de ceci qu'on déplore. 6+6 b
825 Ce qu'on voit clairement, c'est qu'on souffre. Pourquoi ? 6+6 a
On entre dans le mieux avec des cris d'effroi ; 6+6 a
On sort presque à regret du pire où l'on séjourne. 6+6 b
Le genre humain gravit un escalier qui tourne 6+6 b
Et plonge dans la nuit pour rentrer dans le jour ; 6+6 a
830 On perd le bien de vue et le mal tour à tour ; 6+6 a
Le meurtre est bon ; la mort sauve ; la loi morale 6+6 b
Se courbe et disparaît dans l'obscure spirale. 6+6 b
A de certains moments, à Tyr comme à Sion, 6+6 a
Ce qu'on prend pour le crime est la punition ; 6+6 a
835 Punition utile et féconde, où surnage 6+6 b
On ne sait quelle vie éclose du carnage. 6+6 b
Les dalles de l'histoire, avec leurs affreux tas 6+6 a
De trahisons, de vols, d'ordures, d'attentats, 6+6 a
Avec leur effroyable encombrement de boue 6+6 b
840 Où de tous les Césars on voit passer la roue, 6+6 b
Avec leurs Tigellins, avec leurs Borgias, 6+6 a
Ne seraient que l'étable infâme d'Augias, 6+6 a
La latrine et l'égout du sort, sans le lavage 6+6 b
De sang que par instants on fait sur ce pavage. 6+6 b
845 C'est dans le sang que Rome et Venise ont fleuri. 6+6 a
Du sang ! et l'on entend dans les siècles ce cri : 6+6 a
— Une aile sort du ver et l'un engendre l'autre. 6+6 b
L'âge qui plane est fils du siècle qui se vautre. 6+6 b
Le monde reverdit dans le deuil, dans l'horreur ; 6+6 a
850 Champ sombre dont Nemrod est le dur laboureur ! 6+6 a
Toute fleur est d'abord fumier, et la nature 6+6 b
Commence par manger sa propre pourriture ; 6+6 b
La raison n'a raison qu'après avoir-eu tort ; 6+6 a
Pour avancer d'un pas le genre humain se tord ; 6+6 a
855 Chaque évolution qu'il fait dans la tourmente 6+6 b
Semble une apocalypse où quelqu'un se lamente. 6+6 b
Ouvrage lumineux, ténébreux ouvrier. 6+6 a
Sitôt que le char marche il se met à crier. 6+6 a
L'esclavage est un pas sur l'anthropophagie ; 6+6 b
860 La guillotine, affreuse et de meurtres rougie, 6+6 b
Est un pas sur le croc, le pal et le bûcher ; 6+6 a
La guerre est un berger tout autant qu'un boucher ; 6+6 a
Cyrus crie : en avant ! tous les grands chefs d'armées, 6+6 b
Trouant le genre humain de routes enflammées ; 6+6 b
865 Ont une tache d'aube au front, noirs éclaireurs ; 6+6 a
Ils refoulent la nuit, les brouillards, les erreurs, 6+6 a
L'ombre, et le conquérant est le missionnaire 6+6 b
Terrible du rayon que contient le tonnerre. 6+6 b
Sésostris vivifie en tuant, Gengiskan. 6+6 a
870 Est la lave féconde et sombre du volcan, 6+6 a
Alexandre ensemence, Attila fertilise. 6+6 b
Ce monde, que l'effort douloureux civilise, 6+6 b
Cette création où l'aube pleure et luit, 6+6 a
Où rien n'éclôt qu'après avoir été détruit, 6+6 a
875 Où les accouplements résultent des divorces, 6+6 b
Où Dieu semble englouti sous le chaos des forces, 6+6 b
Où le bourgeon jaillit du nœud qui l'étouffait, 6+6 a
C'est du mal qui travaille et du bien qui se fait. 6+6 a
Mais quelle ombre ! quels flots de fumée et d'écume ! 6+6 b
880 Quelles illusions d'optique en cette brume ! 6+6 b
Est-ce un libérateur, ce tigre qui bondit ? 6+6 a
Ce chef, est-ce un héros ou bien est-ce un bandit ? 6+6 a
Devinez. Qui le sait ? dans ces profondeurs faites 6+6 b
De crime et de vertu, de meurtres et de fêtes, 6+6 b
885 Trompé par ce qu'on voit et par ce qu'on entend, 6+6 a
Comment retrouver l'astre en tant d'horreur flottant ? 6+6 a
De là vient qu'autrefois tout semblait vain et trouble ; 6+6 b
Tout semblait de la nuit qui monte et qui redouble ; 6+6 b
Le vaste écroulement des faits tumultueux, 6+6 a
890 Les combats, les assauts traîtres et tortueux, 6+6 a
Les Carthages, les Tyrs, les Byzances, les Romes, 6+6 b
Les catastrophes, chute épouvantable d'hommes, 6+6 b
Avaient l'air d'un tourment stérile ; et, se suivant 6+6 a
Comme la grêle suit les colères du vent, 6+6 a
895 Et comme la chaleur succède à la froidure, 6+6 b
Semblaient ne dégager qu'une loi Rien ne dure. 6+6 b
Les nations, courbant la tête, n'avaient plus 6+6 a
D'autre philosophie en ces flux et reflux 6+6 a
Que la rapidi des chars passant sur elles ; 6+6 b
900 Nul ne voyait le but de ces vaines querelles ; 6+6 b
Et Flaccus s'écriait : — Puisque tout fuit, aimons, 6+6 a
Vivons, et regardons tomber l'ombre des monts ; 6+6 a
Riez, chantez, cueillez des grappes dans les treilles 6+6 b
Pour les pendre, ô Lydé, derrière vos oreilles ; 6+6 b
905 Ce peu de chose est tout. Par Bacchus, sur le poids 6+6 a
Des héros, des' grandeurs, de la gloire et des rois, 6+6 a
Je questionnerai Caron, le passeur d'ombres ! — 6+6 b
Depuis on a compris. Les foules et les nombres 6+6 b
Ont perdu leur aspect de chaos par degrés, 6+6 a
910 Laissant vaguement voir quelques points éclairés. 6+6 a
Quoi ! la guerre, le choc alternatif et rude 6+6 b
Des batailles tombant sur l'âpre multitude, 6+6 b
Sur le bloc triste et brut des fauves nations, 6+6 a
Quoi ! ces frémissements et ces commotions 6+6 a
915 Que donne au droit qui naît, au peuple qui se lève, 6+6 b
La rencontre sonore et féroce du glaive, 6+6 b
Ce vaste tourbillon d'étincelles qui sort 6+6 a
Des combats, des héros s'entreheurtant, du sort, 6+6 a
Ce tumulte insen des camps et des tueries, 6+6 b
920 Quoi ! le piétinement de ces cavaleries, 6+6 b
Les escadrons couvrant d'éclairs les régiments, 6+6 a
Quoi ! ces coups de canon battant ces murs fumants, 6+6 a
Ces coups d'épieux, ces coups d'estocs, ces coups de piques, 6+6 b
Le retentissement des cuirasses épiques, 6+6 b
925 Ces victoires broyant les hommes, cet enfer, 6+6 a
Quoi ! les sabres sonnant sur les casques de fer, 6+6 a
L'épouvante, les cris des mourants qu'on égorge… 6+6 b
— C'est le bruit des marteaux du progrès dans la forge. 6+6 b
— Hélas !
En même temps, l'infini, qui connaît 6+6 a
930 L'endroit où chaque cause aboutit, et qui n'est 6+6 a
Qu'une incommensurable et haute conscience ; 6+6 b
Faite d'immensité, de paix, de patience, 6+6 b
Laisse, sachant le but, choisissant le moyen, 6+6 a
Souvent, hélas ! le mal se faire avec du bien ; 6+6 a
935 Telle est la profondeur de l'ordre ; obscur, suprême, 6+6 b
Tranquille, et s'affirmant par ses démentis même. 6+6 b
C'est ainsi qu'un bandit de Marc Aurèle est né ; 6+6 a
C'est ainsi que, hideux, devant l'homme étonné, 6+6 a
Le ciel y consentant, avec le Christ auguste, 6+6 b
940 Avec la loi d'un saint, avec la mort d'un juste, 6+6 b
Avec ces mots si doux : — Nourris quiconque a faim. 6+6 a
— Aime autrui comme toi. — Ne fais pas au prochain 6+6 a
Ce que tu ne veux pas qu'à toi-même on te fasse. 6+6 b
Avec cette morale où tout est vie et grâce, 6+6 b
945 Avec ses dogmes pris au plus serein des cieux, 6+6 a
Loyola construisit son piège monstrueux ; 6+6 a
Sombre araignée à qui Dieu, pour tisser sa toile, 6+6 b
Donnait des fils d'aurore et des rayons d'étoile. 6+6 b
Et même, en regardant plus haut, quel est celui 6+6 a
950 Qui s'écrira : — Je suis l'astre, et j'ai toujours lui ; 6+6 a
Je n'ai jamais failli, jamais péché ; j'ignore 6+6 b
Les coups du tentateur à ma vitre sonore ; 6+6 b
Je suis sans faute. — Est-il un juste audacieux 6+6 a
Qui s'ose affirmer pur devant l'azur des cieux ? 6+6 a
955 L'homme a beau faire, il faut qu'il cède à sa nature ; 6+6 b
Une femme l'émeut, dénouant sa ceinture, 6+6 b
Il boit, il mange, il dort, il a froid, il a chaud ; 6+6 a
Parfois la plus grande âme et le cœur le plus haut 6+6 a
Succombe aux appétits d'en bas ; et l'esprit quête 6+6 b
960 Les satisfactions immondes de la bête, 6+6 b
Regarde à la fenêtre obscène, et va, les soirs, 6+6 a
Rôder de honte en honte au seuil des bouges noirs. 6+6 a
Tout homme est le sujet de la chair misérable ; 6+6 b
Le corps est condamné, le sang est incurable ; 6+6 b
965 Pas un sage n'a pu se dire, en vérité, 6+6 a
Guéri de la matière et de l'humanité. 6+6 a
Mal, bien, tel est le triste et difforme mélange 6+6 b
Le bien est un linceul en même temps qu'un lange ; 6+6 b
Si le mal est sépulcre, il est aussi berceau ; 6+6 a
970 Ils naissent l'un de l'autre, et la vie est leur sceau. 6+6 a
Les philosophes pleins de crainte ou d'espérance, 6+6 b
Songent et n'ont entre eux pas d'autre différence, 6+6 b
En révélant l'Éden, et même en le prouvant, 6+6 a
Que le voir en arrière ou le voir en avant. 6+6 a
975 Les sages du passé disent : — l'homme recule ; 6+6 b
Il sort de la lumière et plonge au crépuscule, 6+6 b
L'homme est parti de tout pour naufrager dans rien. 6+6 a
Ils disent : bien et mal. Nous disons : mal et bien. 6+6 a
Mal et bien, est-ce là le mot ? le chiffre unique ? 6+6 b
980 Le dogme ? est-ce d'Isis la dernière tunique ? 6+6 b
Mal et bien, est-ce là toute la loi ? — La loi ! 6+6 a
Qui la connaît ? Quelqu'un parmi nous, hors de soi 6+6 a
Comme en soi, sous l'amas de faits, d'époques, d'âges, 6+6 b
A-t-il percé ce gouffre et fait ces grands sondages ? 6+6 b
985 Quelqu'un démêle-t-il le germe originel ? 6+6 a
Quelqu'un voit-il le point extrême du tunnel ? 6+6 a
Quelqu'un voit-il la base et voit-il la toiture ? 6+6 b
Avons-nous seulement pénétré la nature ? 6+6 b
Qu'est-ce que la lumière et qu'est-ce que l'aimant ? 6+6 a
990 Qu'est le cerveau ? de quoi se fait le mouvement ? 6+6 a
D'où vient que la chaleur manque aux rayons de lune ? 6+6 b
Qu'est-ce que c'est qu'une âme ? un astre en est-il une ? 6+6 b
Le parfum est-il l'âme errante du pistil ? 6+6 a
Une fleur souffre-t-elle ? un rocher pense-t-il ? 6+6 a
995 Qu'est-ce que l'Onde ? Etnas, Cotopaxis, Vésuves, 6+6 b
D'où vient le flamboiement de vos énormes cuves ? 6+6 b
Où donc est la poulie et la corde et le seau 6+6 a
Qui pendent dans ton puits, ô noir Chimborazo ? 6+6 a
Vivants ! distinguons-nous une chose d'un être ? 6+6 b
1000 Qu'est-ce que mourir ? dis, mortel ! qu'est-ce que naître ? 6+6 b
Vous demandez d'un fait : est-ce toute la loi ? 6+6 a
Voyons, qui que tu sois, toi qui parles, dis-moi, 6+6 a
Qu'es-tu ? Tu veux sonder l'abîme ? es-tu de force 6+6 b
A scruter le travail des sèves sous l'écorce ; 6+6 b
1005 A guetter, dans la nuit des filons souterrains, 6+6 a
L'hymen de l'eau terrestre avec les flots marins 6+6 a
Et la formation des métaux ; à poursuivre 6+6 b
Dans leurs antres le plomb, le mercure et le cuivre, 6+6 b
Si bien que tu pourrais dire : Voici comment 6+6 a
1010 L'or se fait dans la terre et l'aube au firmament ! 6+6 a
Le peux-tu ? parle. Non. Eh bien, sois économe 6+6 b
D'axiomes sur-Dieu, de sentences sur l'homme, 6+6 b
Et ne prononce pas d'arrêts dans l'infini. 6+6 a
Et qui donc ici-bas, qui, maudit ou béni, 6+6 a
1015 Peut de quoi que ce soit, force, âme, esprit, matière, 6+6 b
Dire : — Ce que j'ai là, c'est la loi tout entière ; 6+6 b
Ceci, c'est Dieu, complet, avec tous ses rayons ; 6+6 a
Mettez-le-moi bien vite en vos collections, 6+6 a
Et tirez le verrou de peur qu'il ne s'échappe. 6+6 b
1020 Savant dans son usine ou prêtre sous sa chape, 6+6 b
Qui donc nous montrera le sort des deux côtés ? 6+6 a
Qui se promènera dans les éternités, 6+6 a
Comme dans les jardins de Versailles Lenôtre ? 6+6 b
Qui donc mesurera l'ombre d'un bout à l'autre, 6+6 b
1025 Et la vie et la tombe, espaces inouïs 6+6 a
Où le monceau des jours meurt sous l'amas des nuits, 6+6 a
Où de vagues éclairs dans les ténèbres glissent ; 6+6 b
Où les extrémités des lois s'évanouissent ! 6+6 b
Que cette obscure loi du progrès dans le deuil, 6+6 a
1030 Du succès dans la chute et du port dans l'écueil, 6+6 a
Soit vraie ou fausse, absurde et folle, ou démontrée ; 6+6 b
Que, dragon, de l'Éden elle garde l'entrée, 6+6 b
Ou ne soit qu'un mirage informe, le certain 6+6 a
C'est que, devant l'énigme et devant le destin, 6+6 a
1035 Les plus fermes parfois s'étonnent et fléchissent. 6+6 b
A peine dans la nuit quelques cimes blanchissent, 6+6 b
Que la brume a dé repris d'autres sommets ; 6+6 a
De grands monts, qui semblaient lumineux à jamais, 6+6 a
Qu'on croyait délivrés de l'abîme, s'y dressent, 6+6 b
1040 Mais noirs, et, lentement effacés, disparaissent. 6+6 b
Toutes les vérités se montrent un moment, 6+6 a
Puis se voilent, le verbe avorte en bégaiement ; 6+6 a
Le jour, si c'est du jour que cette clarté sombre, 6+6 b
N'a l'air de se lever que pour regarder l'ombre ; 6+6 b
1045 On ne voit plus le phare ; on ne sait que penser ; 6+6 a
Vient-on de reculer, ou vient-on d'avancer ? 6+6 a
Oh ! dans l'ascension humaine, que la marche 6+6 b
Est lente, et comme on sent la pesanteur de l'arche ! 6+6 b
Comme ceux qui de tous portent les intérêts 6+6 a
1050 Ont l'épaule meurtrie aux angles du progrès ! 6+6 a
Comme tout se défait et retombe à mesure ! 6+6 b
Pas de principe acquis ; pas de conquête sûre ; 6+6 b
A l'instant où l'on croit l'édifice achevé, 6+6 a
Il s'écroule, écrasant celui qui l'a rêvé ; 6+6 a
1055 Le plus grand siècle peut avoir son heure immonde ; 6+6 b
Parfois sur tous les points du globe un fléau gronde, 6+6 b
Et l'homme semble pris d'Un accès de fureur. 6+6 a
L'Européen, ce frère né, joute d'horreur 6+6 a
Avec le caraïbe, avec le malabare ; 6+6 b
1060 L'Anglais civili passe l'Indou barbare ; 6+6 b
O pugilat hideux de Londre et de Delhy ! 6+6 a
Le but humain s'éclipse en un infâme oubli, 6+6 a
Il est nuit du Danube au Nil, du Gange à l'Èbre. 6+6 b
L'antique continent est sanglant et funèbre, 6+6 b
1065 L'ancien monde est hagard ; mais dans l'autre, ô clarté, 6+6 a
Du moins je vois venir à moi la Liberté. 6+6 a
Qu'est-ce que tu me veux, ô marchande d'esclaves ? 6+6 b
Quoi ! de ses fers brisés, l'homme fait des entraves ! 6+6 b
La tache qui flétrit Stamboul à son déclin 6+6 a
1070 Souille l'aube du monde auguste de Franklin ! 6+6 a
Sur la terre de Penn les chiens chassent aux hommes, 6+6 b
Néron et Borgia, ces spectres des deux Romes, 6+6 b
Entendent sur leur tombe un bruit toujours grossi 6+6 a
De fers et de carcans ; et Washington aussi. 6+6 a
1075 Ah ! l'esclavage au front abject, aux yeux obliques, 6+6 b
Deuil pour les royautés, est honte aux républiques. 6+6 b
Derrière un nègre aux fers il ne reste plus rien. 6+6 a
Quand un est paria, qui donc est citoyen ? 6+6 a
Le droit, le plus sacré de tous les noms qu'on nomme, 6+6 b
1080 Est entier ; il suffit qu'il soit absent d'un homme 6+6 b
Et qu'un seul n'en ait pas pour que nul n'en ait plus. 6+6 a
O genre humain, malgré tant d'âges révolus, 6+6 a
Ta vieille loi de haine est toujours la plus forte, 6+6 b
L'Évangile est toujours la grande clarté morte. 6+6 b
1085 La fraternité râle et l'amour est proscrit, 6+6 a
Et tu n'as pas encor décloué Jésus-Christ. 6+6 a
N'importe. Allons au but, continuons. Les choses, 6+6 b
Quand l'homme tient la clef, ne sont pas longtemps closes. 6+6 b
Peut-être qu'elle-même, ouvrant ses pâles yeux, 6+6 a
1090 La nuit, lasse du mal, ne demande pas mieux. 6+6 a
Que de trouver celui qui saura la convaincre. 6+6 b
Le devoir de l'obstacle est de se laisser vaincre. 6+6 b
L'obscurité nous craint et recule en grondant. 6+6 a
Regardons les penseurs de l'âge précédent, 6+6 a
1095 Ces héros, ces géants, qu'une même âme anime, 6+6 b
Détachés par la mort de leur travail sublime, 6+6 b
Passer, les pieds poudreux et le front étoilé ; 6+6 a
Saluons la sueur du relai dételé ; 6+6 a
Et marchons. Nous aussi, nous avons notre étape. 6+6 b
1100 Le pied de l'avenir sur notre pavé frappe ; 6+6 b
En route ! Poursuivons le chemin commencé ; 6+6 a
Augmentons l'épaisseur de l'ombre du passé ; 6+6 a
Laissons derrière nous, et le plus loin possible, 6+6 b
Toute l'antique horreur, de moins en moins visible. 6+6 b
1105 Déjà le précurseur dans ces brumes brilla ; 6+6 a
Platon vint jusqu'ici, Luther a monté là ; 6+6 a
Voyez, de grands rayons marquent de grands passages ; 6+6 b
L'ombre est pleine partout du flamboiement des sages ; 6+6 b
Voici l'endroit profond où Pascal s'est penché, 6+6 a
1110 Criant : gouffre ! Jean-Jacque où je marche a marché ; 6+6 a
C'est là que, s'envolant lui-même aux cieux, Voltaire, 6+6 b
Se sentant devenir sublime, a perdu terre, 6+6 b
Disant : Je vois ! ainsi qu'un prophète ébloui. 6+6 a
Luttons, comme eux ; luttons, le front épanoui ; 6+6 a
1115 Marchons ! un pas qu'on fait, c'est un champ qu'on révèle ; 6+6 b
Déchiffrons dans les temps nouveaux la loi nouvelle ; 6+6 b
Le cœur n'est jamais sourd, l'esprit n'est jamais las, 6+6 a
Et la route est ouverte au fiers apostolats. 6+6 a
Qu'est-ce que ce cercueil déposé sur deux chaises ? 6+6 b
1120 C'est Charles premier, roi. Les communes anglaises 6+6 b
Ont fait ce monument de justice. Et quel est 6+6 a
Cet homme à l'œil sévère, au rude gantelet, 6+6 a
Qui s'avance pensif vers la bière hagarde, 6+6 b
Soulève le couvercle effrayant, et regarde ? 6+6 b
1125 C'est Cromwell. Il fut grand ; tout devant lui trembla. 6+6 a
Soit ; nous ne voulons plus de ces spectacles-là. 6+6 a
C'est grand dans le passé ; c'est mauvais dans notre âge. 6+6 b
Quoiqu'un reste de nuit nous souille et nous outrage, 6+6 b
Désormais, ô vivants, nous avons fait ce pas, 6+6 a
1130 Il faut aux nations un sauveur qui n'ait pas 6+6 a
De curiosi pour les têtes coupées ; 6+6 b
Nous rejetons la hache au tas noir des épées ; 6+6 b
Nous l'abhorrons ; il faut aux hommes maintenant 6+6 a
Un libérateur pur, apaisé, rayonnant, 6+6 a
1135 Qui ne soit pas vampire en même temps qu'archange, 6+6 b
Et qui n'ait pas au front, en tirant de la fange 6+6 b
Les peuples de misère et d'opprobre couverts, 6+6 a
La sinistre lueur des cercueils entr'ouverts. 6+6 a
Non ! Jamais d'échafauds ! C'est par d'autres répliques 6+6 b
1140 Que doivent s'affirmer les saintes républiques. 6+6 b
Ce siècle, le plus grand des siècles, l'a compris. 6+6 a
Le jour où Février se leva sur Paris, 6+6 a
Il fit deux parts de l'œuvre immense de nos pères, 6+6 b
Et, grave, agenouillé devant les grands mystères, 6+6 b
1145 Ne gardant que le droit, rendit à Dieu la mort. 6+6 a
Notre doigt n'est pas fait pour presser le ressort 6+6 a
De ce fer monstrueux qui tombe et se relève ; 6+6 b
La liberté n'est pas un outil de la Grève ; 6+6 b
Elle s'emmanche mal au couperet hideux ; 6+6 a
1150 Carrier, Le Bas, Hébert, sont des Philippes deux ; 6+6 a
Fouquier-Tinville touche au duc d'Albe, Barrière 6+6 b
Vaut de Maistre, et Chaumette a Bâville pour frère ; 6+6 b
Marat, Couthon, Saint-Just, d 'où la vengeance sort, 6+6 a
Servent la vie avec les choses de la mort ; 6+6 a
1155 Ce qu'ils font est fatal ; c'est toujours la vieille œuvre, 6+6 b
Et l'on y sent le froid de l'antique couleuvre. 6+6 b
Non, le bien ne doit point avoir de repentirs. 6+6 a
Au nom de tous les morts et de tous les martyrs, 6+6 a
Non, jamais de vengeance ! et la vie est sacrée. 6+6 b
1160 L'aigle des temps nouveaux, planant dans— l'empyrée, 6+6 b
Laisse le sang rouiller le —bec du vieux vautour. 6+6 a
Le peuple doit grandir, étant maître à son tour, 6+6 a
Et c'est par la douceur que la grandeur se prouve. 6+6 b
Vie et Paix ! Nos enfants ne tettent plus la louve ; 6+6 b
1165 Notre avenir n'est plus dans un antre, allai 6+6 a
Par l'affreux ventre noir de la fatalité. 6+6 a
Ce patient tr dans un tombeau qui roule, 6+6 b
Ces prunelles de tigre éclatant dans la foule, 6+6 b
Ce prêtre, ce bourreau, tout ce groupe fatal, 6+6 a
1170 Ce tréteau, pilori s'il n'est pas piédestal, 6+6 a
Ce panier, cette fosse infâme qui se creuse, 6+6 b
Cette hache, c'était de l'ombre malheureuse ; 6+6 b
Cela cachait le ciel, le vrai, l'astre éclipsé ; 6+6 a
C'était du crépuscule et c'était du passé ; 6+6 a
1175 Le peuple sent en lui sa nouvelle âme éclore, 6+6 b
Et ne veut rien de l'ombre et veut tout de l'aurore. 6+6 b
Avançons. Le progrès, c'est un besoin d'azur. 6+6 a
Certes, Danton fut grand ; Robespierre était pur ; 6+6 a
Jadis, broyant, malgré les cris et les menaces, 6+6 b
1180 Les mâchoires de l'hydre entre ses poings tenaces, 6+6 b
Gladiateur géant du cirque des fléaux, 6+6 a
Mordu par toute l'ombre et par tout le chaos, 6+6 a
Ce grand Quatrevingt-treize a fait ce qu'il dut faire ; 6+6 b
Mais nous qui respirons l'idéale atmosphère, 6+6 b
1185 Nous sommes d'autres cœurs ; les temps fatals sont clos ; 6+6 a
Notre siècle, au-dessus du vieux niveau des flots, 6+6 a
Au-dessus de la haine, au-dessus de la crainte, 6+6 b
Fait sa tâche ; il construit la grande Babel sainte ; 6+6 b
Dieu laisse, cette fois l'homme bâtir sa tour. 6+6 a
1190 La république doit s'affirmer par l'amour, 6+6 a
Par l'entrelacement des mains et des pensées, 6+6 b
Par tous les lys s'ouvrant à toutes les rosées, 6+6 b
Par le beau, par le bon, par le vrai, par le grand, 6+6 a
Par le progrès debout, vivant, marchant, flagrant, 6+6 a
1195 Par la matière à l'homme enfin libre asservie, 6+6 b
Par le sourire auguste et calme de la vie, 6+6 b
Par la fraterni sur tous les seuils riant, 6+6 a
Et par une blancheur immense à l'orient : 6+6 a
Après le dix août superbe, où dans la brume 6+6 b
1200 Sous le dernier éclair le dernier trône fume, 6+6 b
Après Louis, martyr de son hérédité, 6+6 a
Roi que brisa la France en mal de liberté, 6+6 a
Après cette naissance, après cette agonie, 6+6 b
Toute l'œuvre tragique et farouche est finie. 6+6 b
1205 L'ère d'apaisement suit l'ère de terreur. 6+6 a
Le droit n'a pas besoin de se mettre en fureur, 6+6 a
Et d'arriver les mains pleines de violences, 6+6 b
Et dejeter'un glaive au plateau des balances. 6+6 b
Il paraît, on tressaille ; il marche ; on dit : C'est Dieu. 6+6 a
1210 Mort à la mort ! Au feu la loi sanglante ! au feu 6+6 a
Le vieux koran de fer, l'affreux code implacable 6+6 b
Qui tord l'irrémissible avec l'irrévocable, 6+6 b
Qui frappe, qui se venge, et qui se trompe ! À bas, 6+6 a
Croix qui saisis Jésus et lâches Barrabas ! 6+6 a
1215 A bas, potence, avec toutes tes branches noires ! 6+6 b
Fourche que Vouglans mêle à ses réquisitoires, 6+6 b
Solive épouvantable où Tristan s'accouda, 6+6 a
Machine de Tyburn et de la Cébeda, 6+6 a
Démolis-toi toi-même, et croule, mutilée, 6+6 b
1220 Avec le saint-office et la chambre étoilée, 6+6 b
Et tourne contre toi la mort que tu contiens ! 6+6 a
Charpente.que l'enfer fait lécher à ses chiens, 6+6 a
Va pourrirdans la terre éternelle et divine 6+6 b
Qui ne te connaît point, toi l'arbre sans racine, 6+6 b
1225 Qui t'exclut de la sève et qui ne donne pas 6+6 a
La vie au bois féroce où germe le trépas ! 6+6 a
Fuis, dissous-toi ; perds-toi dans la grande nature ! 6+6 b
Engins qu'a maniés le meurtre et la, torture, 6+6 b
O monstrueux outils de la tombe, assassins, 6+6 a
1230 Rappelez-vous les bons, les innocents, les saints, 6+6 a
Et, demandez-vous-en compte les uns aux autres ! 6+6 b
Tous les crimes du faible ont pour source les vôtres. 6+6 b
Poutre, ébrèche la hache et brise le couteau ! 6+6 a
Hache, deviens cognée et frappe le poteau ! 6+6 a
1235 Frappe ! Exterminez-vous, ô ténébreux complices ! 6+6 b
Et tombe pêle-mêle, ô forêt des supplices, 6+6 b
Roue, échelle, garrot, gibet, et glaive et faulx, 6+6 a
Sous le bras du progrès, bûcheron d'échafauds ! 6+6 a
Non, non quoi que ce soit qui ressemble à la haine. 6+6 b
1240 N'est pas le dénouement, et l'aurore est certaine ; 6+6 b
C'est au bonheur que doit, quoi qu'on fasse, aboutir 6+6 a
L'effort humain, ce sombre et souriant martyr ; 6+6 a
La vie aux yeux sereins sort toujours de la tombe ; 6+6 b
Tout déluge a pour fin le vol d'une colombe 6+6 b
1245 Jamais l'espoir sacré n'a dit : Je me trompais. 6+6 a
Oh ! ne vous lassez point, penseurs ; versez la paix, 6+6 a
Versez la foi, versez l'idée et la prière, 6+6 b
Et sur ces flots de nuit des torrents de lumière ! 6+6 b
Gloire à Dieu ! nul progrès ne se fait à demi… 6+6 a
1250 Le malheur du méchant, le deuil de l'ennemi, 6+6 a
Non, ce n'est pas le but, sous le Ciel qui déborde 6+6 b
De bonté, de pardon, d'extase et, de concorde. 6+6 b
Vivants, toutes les fois que ce globe de fer, 6+6 a
Ébauche un peu d'éden, ruine un peu d'enfer, 6+6 a
1255 Et qu'un écueil s'écroule, et qu'un phare, flamboie, 6+6 b
Et que les nations font des pas vers la joie 6+6 b
En luttant, en cherchant ; en priant, en aimant 6+6 a
Le ciel rayonne et semble un grand consentement. 6+6 a
Ô tous ! vivez, marchei, croyez ! soyez tranquilles. 6+6 b
1260 — Mais quoi ! le râle sourd des discordes civiles, 6+6 b
Ces siècles de douleurs, de pleurs, d'adversités, 6+6 a
Hélas ! tous ces souffrants, tous ces déshérités, 6+6 a
Tous ces proscrits, le deuil, la haine universelle, 6+6 b
Tout ce qui dans le fond des âmes s'amoncelle, 6+6 b
1265 Cela ne va-t-il pas éclater tout à coup ? 6+6 a
La colère est partout, la fureur est partout ; 6+6 a
Les cieux sont noirs ; voyez, regardez ; il éclaire ! 6+6 b
Qu'est-ce que la fureur ? qu'importe la colère ? 6+6 b
La vengeance sera surprise de son fruit ; 6+6 a
1270 Dieu nous transforme ; il a pour tâche en notre nuit 6+6 a
L'auguste avortement de la foudre en aurore. 6+6 b
Dieu prend dans notre cœur la haine et la dévore ; 6+6 b
Il se jette sur nous des profondeurs du jour ; 6+6 a
Et nous arrache tout de l'âme, hors l'amour ; 6+6 a
1275 Avec ce bec d'acier, la conscience, il plonge 6+6 b
Jusqu'à notre pensée et jusqu'à notre songe, 6+6 b
Fouille notre poitrine et, quoi que nous fassions, 6+6 a
Jusqu'aux vils intestins qu'on nomme passions ; 6+6 a
Il pille nos instincts mauvais, il nous dépouille 6+6 b
1280 De ce qui nous tourmente et de ce qui nous souille ; 6+6 b
Et, quand il nous a faits pareils au ciel béni, 6+6 a
Bons et purs, il s'envole, et rentre à l'infini ; 6+6 a
Et, lorsqu'il a passé sur nous, l'âme plus grande 6+6 b
Sent qu'elle ne hait plus, et rend grâce, et demande : 6+6 b
1285 Qui donc m'a prise ainsi dans ses serres de feu ? 6+6 a
Et croit que c'est un aigle, et comprend que c'est Dieu. 6+6 a
Pour atteindre à ce but, l'amour, tous les contraires, 6+6 b
Désarmés, attendris, calmés, deviendront frères ; 6+6 b
Nous verrons se confondre en douces unions 6+6 a
1290 Ce que nous acceptons et ce que nous nions ; 6+6 a
Les parfums sortiront à travers les écorces ; 6+6 b
L'idée éclairera l'aveuglement des forces ; 6+6 b
L'antique antagonisme entre l'âme et le corps 6+6 a
Sera comme une lyre aux célestes accords ; 6+6 a
1295 Le souffle baisera l'argile, et la matière 6+6 b
Plongera dans l'esprit sa farouche frontière ; 6+6 b
La charrue aidera l'hymne, et les travailleurs 6+6 a
Auront aux mains la gerbe et sur le front des fleurs ; 6+6 a
Car pour le verbe saint nulle voix n'est muette ! 6+6 b
1300 La pioche du mineur, la strophe du poète, 6+6 b
Creusent la même énigme et cherchent le même or. 6+6 a
Qu'importe les chemins où l'homme marche encor 6+6 a
Tantôt mouillé de pluie et tantôt blanc de poudre ! 6+6 b
C'est en fraterni que tout doit se dissoudre ; 6+6 b
1305 Et Dieu fera servir le calcul, la raison, 6+6 a
L'étude et la science, à cette guérison. 6+6 a
Peuples, Demain n'est pas un monstre qui nous guette 6+6 b
Ni la flèche qu'Hier en s'enfuyant nous jette. 6+6 b
Ô peuples ! l'avenir est déjà parmi nous. 6+6 a
1310 Il veut le droit de tous comme le pain pour tous ; 6+6 a
Calme, invincible, au champ de bataille suprême, 6+6 b
Il lutte ; à voir comment il frappe, on sent qu'il aime ; 6+6 b
Regardez-le passer, ce grand soldat masqué ! 6+6 a
Il se dévoilera, peuples, au jour marqué ; 6+6 a
1315 En attendant il fait son œuvre ; la pensée 6+6 b
Sort, lumière, à travers sa visière baissée ; 6+6 b
Il lutte pour la femme, il lutte pour l'enfant, 6+6 a
Pour le peuple qu'il sert, pour l'âme qu'il défend, 6+6 a
Pour l'idéal splendide et libre ; et la mêlée, 6+6 b
1320 Sombre, de ses deux yeux de flamme est étoilée. 6+6 b
Son bouclier, où luit ce grand mot : Essayons ! 6+6 a
Est fait d'une poignée énorme de rayons. 6+6 a
Il ébauche l'Europe, il achève la France ; 6+6 b
Il chasse devant lui, terrible, l'ignorance, 6+6 b
1325 Les superstitions où les cœurs sont plongés, 6+6 a
Et tout le tourbillon des pâles préjugés. 6+6 a
Oh ! ne le craignez pas, peuples ! son nom immense 6+6 b
C'est aujourd'hui combat et c'est demain clémence. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
logo du CRISCO logo de l'université