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F = "e" féminin
| = césure
HUG_27/HUG1705
Victor HUGO
DERNIÈRE GERBE
1902
CXLVII
À UNE STATUE
Non, tu n'es pas la grande et sainte République ! 6+6 a
Celle que l'homme attend, que l'évangile explique, 6+6 a
Qui se composera de tous les bons instincts 6+6 b
Allumés et vivants, et des mauvais, éteints ; 6+6 b
5 Qui s'enveloppera d'une paix magnifique, 6+6 a
Fera sortir des cœurs un hymne séraphique, 6+6 a
Pénétrera les lois de lumière et de jour, 6+6 b
En ôtera la mort pour y mettre l.'amour, 6+6 b
Fera, sur les versants même les plus contraires, 6+6 a
10 Libres tous les esprits et tous les peuples frères, 6+6 a
Nous réchauffera tous autour du même feu, 6+6 b
Sera sur tous les fronts comme un ciel toujours bleu, 6+6 b
Et qui, comme si Dieu, dans sa bonté profonde, 6+6 a
Rendait visible aux yeux la grande âme du monde, 6+6 a
15 Mettra, vaste et sublime épanouissement, 6+6 b
Toute l'humani dans son rayonnement ! 6+6 b
Tu n'es pas même, non, tu n'es pas la déesse, 6+6 a
La déesse terrible, étrange, vengeresse, 6+6 a
Qui tua le vieux monde et créa le nouveau, 6+6 b
20 Broya peuples et rois sous son fatal niveau, 6+6 b
Vainquit l'Europe armée, et qui, dans la fournaise, 6+6 a
Après quatrevingt-neuf jeta quatrevingt-treize, 6+6 a
Comme en son moule ardent le fondeur souverain 6+6 b
Mêle le plomb à l'or quand il fait de l'airain ! 6+6 b
25 Non, tu n'es pas la grande et sainte République ! 6+6 a
O fantôme à l'œil louche, à l'attitude oblique, 6+6 a
Tu n'as pas su donner l'honneur à nos drapeaux, 6+6 b
Au peuple le travail, au pays le repos ; 6+6 b
Tu n'as point reconnu le droit des misérables ; 6+6 a
30 Tu n'as point su toucher à leurs maux vénérables ! 6+6 a
Tu pouvais, en suivant un élan immortel, 6+6 b
De l'échafaud bri te bâtir un autel, 6+6 b
Et tu ne l'as point fait. Tu n'as rien su comprendre 6+6 a
Au peuple qui, pour être heureux, superbe et tendre, 6+6 a
35 Ne veut qu'un peu de gloire avec un peu de pain. 6+6 b
Tu n'as, comme les rois, qu'un tréteau de sapin, 6+6 b
Et tu n'as su montrer, triomphante et rapace, 6+6 a
Que la voraci d'un étranger qui passe. 6+6 a
Tu troublas les palais sans calmer les greniers ; 6+6 b
40 Tu n'as point eu pitié des pauvres prisonniers, 6+6 b
Et tu n'as pas eu même un instant de clémence. 6+6 a
Tes pères, nains chétifs, qui mesuraient ; démence ! 6+6 a
La pensée à l'équerre et le cœur au compas, 6+6 b
T'ont faite à leur image avec ce qu'ils n'ont pas ; 6+6 b
45 Des sourds t'ont dit : entends ! des boiteux t'ont dit : marche ! 6+6 a
La patrie est un temple et tu n'en es point l'arche ; 6+6 a
Car l'éclair d'en haut manque à ton code impuissant, 6+6 b
Car Dieu n'est pas visible où le peuple est absent ! 6+6 b
Fille des courts instants et des heures troublées, 6+6 a
50 Éclose au dur cerveau des sombres assemblées, 6+6 a
Parmi les rires vains, les rumeurs, les refus 6+6 b
Des sages, et les cris dans les groupes confus, 6+6 b
Qui donc t'a mise ici, dans un jour d'ironie, 6+6 a
Près de la pierre auguste où revit le génie 6+6 a
55 Des temps évanouis et des peuples anciens ; 6+6 b
Énigme dont rêvaient les sphinx égyptiens, 6+6 b
Sinistre et du manteau des siècles revêtue ? 6+6 a
Qui donc ainsi t'adosse, ô fragile statue, 6+6 a
A l'obélisque empreint du doigt de Sésostris ? 6+6 b
60 La pluie âpre et chassant les feuillages flétris, 6+6 b
Inonde le quai morne et les Champs Élysées, 6+6 a
Et ce pavé, témoin des royautés brisées ; 6+6 a
Que viens-tu faire, à l'heure où l'automne finit, 6+6 b
Spectre de plâtre au pied du géant de granit ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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