Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_27/HUG1661
Victor HUGO
DERNIÈRE GERBE
1902
CIII
Le sort s'est acharné | sur cette créature. 6+6 a
C'était peu que cet être | eût la prunelle obscure, 6+6 a
L'œil éteint, le front bas, | le cri rauque, et des nœuds 6+6 b
D'opprobre et de misère | à ses genoux cagneux ; 6+6 b
5 Qu'il fût difforme, abject, | vil ; il fallait encore 6+6 a
Que, battu, fouetté, maigre, | et marchant dès l'aurore 6+6 a
Sous un fardeau trop lourd | pour sa force, il courbât 6+6 b
Son échine saignante | aux boucles de son bât. 6+6 b
Et cependant l'ortie, | à ses pieds, sur la route, 6+6 a
10 Liée au sol tandis | qu'il va, vient, passe et broute, 6+6 a
Muette, ne pouvant | fuir ni changer de lieu, 6+6 b
Tremblante sous la dent | de l'âne, le croit dieu. 6+6 b
Et plus bas, car la brume | a la nuit pour voisine, 6+6 a
Seul dans la terre aveugle | et noire, sans racine, 6+6 a
15 Sans germe, sans lien | avec quoi que ce soit, 6+6 b
Le caillou, sourd, stérile, | informe, inerte, froid, 6+6 b
Sent au-dessus de lui | la plante frémir, vivre, 6+6 a
Fleurir dans la clarté | dont l'infini s'enivre, 6+6 a
Et croître, et s'abreuver | au souffle universel, 6+6 b
20 Et, dur, triste, envieux, | dit : L'ortie est au ciel ! 6+6 b
Descends ; tu trouveras | des jaloux de la pierre. 6+6 a
Les zones sont sans fin | dans cette fondrière ! 6+6 a
Monte ; monte aussi haut | que peut s'élever l'œil ; 6+6 b
Où l'azur t'apparaît, | tu trouveras le deuil. 6+6 b
25 Vois : ce génie ayant | pour épouse la grâce, 6+6 a
Cet être à qui la femme | en souriant s'enlace, 6+6 a
Cet élu de la force | et de la majesté, 6+6 b
Par l'aigle et le lion | à peine contesté, 6+6 b
Ce front craint des serpents | qui rampent sur leurs ventres, 6+6 a
30 Cet éblouissement | des bêtes dans les antres, 6+6 a
Ce souverain de l'eau, | de la terre et du feu, 6+6 b
Grand, fier, obéissant | pourtant à son milieu, 6+6 b
Pris par la pesanteur, | loi de sa sphère, et chaîne 6+6 a
De son globe qui passe | avec un bruit de haine, 6+6 a
35 L'homme, avec ses besoins | de la chair et des sens, 6+6 b
Avec ses appétits | du fumier renaissants, 6+6 b
De la honte secrète | incurable piqûre, 6+6 a
Rappel perpétuel | à la bassesse obscure, 6+6 a
Avec son sang fatal, | âcre et noir, dont ses mœurs, 6+6 b
40 Ses croyances, ses dieux, | ses lois sont les tumeurs, 6+6 b
Avec le doute affreux | que son regard reflète, 6+6 a
Et ses fièvres, ses maux, | ses pleurs, et son squelette, 6+6 a
Spectre qui vaguement | se dessine à son flanc, 6+6 b
Et son vil alambic | d'entrailles, distillant 6+6 b
45 Le cloaque, et, hideux, | souillant même la fange, 6+6 a
L'homme, roi pour la brute, | est un forçat pour l'ange. 6+6 a
De là toutes vos soifs | d'idéal et de beau, 6+6 b
Et l'aspiration | des jtistes au tombeau. 6+6 b
Et l'ange, ce gardien | des races planétaires, 6+6 a
50 Lumineux visiteur | de lunes et de terres ; 6+6 a
Comme vous d'une terre, | habitant d'un soleil, 6+6 b
Ayant pour vol l'éclair | de son rayon vermeil, 6+6 b
Pour domaine l'azur | qu'il échauffe, et pour borne 6+6 a
Le point où ce rayon | s'éteint dans l'éther morne, 6+6 a
55 L'ange, errant dans vos cieux | comme dans une mer, 6+6 b
Est lui-même la nuit, | l'inférieur, l'enfer, 6+6 b
Pour l'immense archange ivre | et ruisselant d'aurore, 6+6 a
Espèce d'aigle monde | et d'oiseau météore ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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