Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_27/HUG1581
Victor HUGO
DERNIÈRE GERBE
1902
XXIII
Ce que j'ai sous les yeuxet quel est ce pays, 6+6 a
Jugez-en :
Des terrainspar la vase envahis, 6+6 a
Des saules, des carrésde chanvre, des passages 6+6 b
De voiles couleurs d'ocreau fond des paysages, 6+6 b
5 Des chariots à foinpeints, sculptés et dorés, 6+6 a
Des bois, et la senteurimmense des grands prés ; 6+6 a
Des essaims que la nuitmême ne fait pas taire ; 6+6 b
Des canaux à plein bordcoulant à fleur de terre ; 6+6 b
De frais enfants à quil'on jette des gros sous 6+6 a
10 Des massifs d'arbres verts ;l'eau s'enfonce dessous. 6+6 a
Le jonc fléchit, l'amarreondule, le jonc plie, 6+6 b
Et la nature est molleà ce point qu'on oublie 6+6 b
Utrecht et ses tocsins,Ruyter et ses combats, 6+6 a
Et Delft ensanglantée,et qu'Amsterdam là-bas 6+6 a
15 Montre au pâle Océance que c'est que Venise. 6+6 b
La charrue est si prèsdu mât qu'on fraternise ; 6+6 b
L'aviron parle au socet lui dit : Travaillons. 6+6 a
L'heure en prenant son volrit dans les carillons ; 6+6 a
Chaque beffroi secoueune grappe de cloches ; 6+6 b
20 D'instant en instant passe,avec ses larges poches, 6+6 b
Un vieux coche d'osiersous sa coiffe de cuir ; 6+6 a
De grands oiseaux de lacset d'étangs qu'on voit fuir, 6+6 a
Ont les plumes du bout' des ailes espacées, 6+6 b
Et l'on dirait des mainsouvertes et dressées. 6+6 b
25 Le houleux Zuyderzéeest jaune à l'horizon. 6+6 a
Les villes sur leur porteont un grand écusson ; 6+6 a
Jadis leur libertéblasonna leur richesse ; 6+6 b
Rotterdam est marquise,Amsterdam est duchesse ; 6+6 b
Ce qui n'empêche pasces cités et ces champs, 6+6 a
30 Et tous ces blasons, d'êtreen somme des, marchands, 6+6 a
Et d'avoir à Ceylan,au Brésil, en Syrie, 6+6 b
Des comptoirs se tientdebout leur Seigneurie. 6+6 b
Pays riche, paysjoyeux ; les gras troupeaux, 6+6 a
L'herbe, l'homme, l'oiseau,le travail, le repos, 6+6 a
35 Tout rit, les paradissuccèdent aux cocagnes. 6+6 b
Le Rhin, ce noir seigneurdescendu des montagnes, 6+6 b
N'est plus qu'un bon bourgeoisqui se retire aux champs ; 6+6 a
L'humble fumée éparseautour des toits penchants 6+6 a
Rampe et monte à traversles frênes et les ormes ; 6+6 b
40 Et d'effrayants moulinsaux vastes plate-formes, 6+6 b
Qui tournent éperduset sombres dans le vent 6+6 a
Avec on ne sait quoid'énorme et de vivant, 6+6 a
Frappant l'espace avecleurs bras de sauterelles, 6+6 b
Mêlent l'azur, la nueet l'ombre à leurs quatre ailes. 6+6 b
45 À coup sûr ces géants,ces pourfendeurs de l'air, 6+6 a
Toujours enveloppéspar un quadruple éclair ; 6+6 a
Feraient mettre en arrêtla lance à don Quichotte. 6+6 b
Dans la cuve au houblonGouda vide sa hotte ; 6+6 b
Telle ville a son lait,telle autre ses fraisiers ; 6+6 a
50 Telle autre sa balanceà peser les sorciers. 6+6 a
On vogue ; on reconntles cantons catholiques 6+6 b
Aux mendiants pieds nusqui baisent des reliques ; 6+6 b
Car la châsse est doréeaux dépens des sillons ; 6+6 a
La madone à bijouxfait la femme en haillons. 6+6 a
55 Le taillis noyé sembleun miroir sous des branches ; 6+6 b
Des marmots blonds, mordantleur pain aux larges tranches, 6+6 b
Regardent les bateauxdans le canal glisser. 6+6 a
La langue, c'est l'étang ;on entend coasser 6+6 a
Dans le mot la consonne,et dans l'eau la grenouille. 6+6 b
60 A travers une vitreon voit une quenouille ; 6+6 b
C'est l'aïeule au front blancqui guette et se tapit. 6+6 a
L'eau, qui devrait courir,est barrée, et croupit 6+6 a
On cultive le miasme,on récolte le gtre ; 6+6 b
L'affreux tabac pullule le blé devrait crtre ; 6+6 b
65 Dieu fait l'endroit du mondeet l'homme en fait l'envers. 6+6 a
L'église est jaune, l'orgueest bleu, les murs sont verts ; 6+6 a
Ce pays est repeintpar l'homme à la détrempe ; 6+6 b
On peint le toit, le seuil,l'escalier et la rampe ; 6+6 b
L'arbre peut-être est peint ;la grue et le pigeon 6+6 a
70 Volent, de peur d'avoirleur part du badigeon. 6+6 a
Un démon gouailleursouffle en ces joncs fantasques. 6+6 b
Les meuniers ont des tours,les femmes ont des casques, 6+6 b
Les enfants ont leur pipeavant d'avoir leurs dents. 6+6 a
donc as-tu trouvéton soleil, ô Jordaens ? 6+6 a
75 Ce pauvre soleil grisque le brouillard fait fondre, 6+6 b
Et qui ne serait pasmême accepté par Londre, 6+6 b
Clignote, et ses longs jetsde lumière blafards 6+6 a
Entrent dans l'eau rayonset sortent nénuphars. 6+6 a
Les jardins, côtoyéssans bruit par le pilote, 6+6 b
80 Sont pleins de dieux mouillés,et l'Olympe y grelotte ; 6+6 b
Virgile frémissaitde voir l'airain suer, 6+6 a
On tremble ici de voirle marbre éternuer, 6+6 a
Et l'on serait tentéd'emmailloter Pomone, 6+6 b
D'offrir un châle à Flore,et de faire l'aumône 6+6 b
85 D'un rayon de soleilà Phébus enrhumé. 6+6 a
Ici le plein midicraint le grand jour ; en mai 6+6 a
On a novembre ; avrilmeurt de froid ; juin s'embourbe, 6+6 b
Et juillet en toussantsouffle le feu de tourbe. 6+6 b
Mais qu'importe ! le rireest roi dans la maison ; 6+6 a
90 L'âtre est gai. Bon visageà mauvaise saison. 6+6 a
Le brouillard blême emplitles champs ; mais la kermesse 6+6 b
N'en fait pas moins, aprèsle prêche, après la messe, 6+6 b
Tournoyer, jupe au vent,Goton dont le jarret, 6+6 a
Par moments entrevu,tient Gros-Pierre en arrêt. 6+6 a
95 Car Gretchen est Gotonet Pieter est Gros-Pierre. 6+6 b
Cette Ève et cet Adamsont partout ; et la terre 6+6 b
N't point fait et meublé,sans Gros-Pierre et Goton, 6+6 a
Éden pour nos aïeuxet pour nous Charenton. 6+6 a
On passe d'un méandreà l'autre ; et la patache, 6+6 b
100 Chaque soir, aux poteauxdes berges se rattache. 6+6 b
L'aubergiste, bonhommeà l'air vague et chinois, 6+6 a
Croque le voyageurcomme un singe une noix ; 6+6 a
Lesage dans Drikasaluerait Léonarde. 6+6 b
On boit ; les pots sont grands.La Gueldre goguenarde 6+6 b
105 Fait ses cruches avecdes ventres d'échevin, 6+6 a
Dè même que la Grèceau sourire divin, 6+6 a
Fait des bras de Phrynéles anses de son vase. 6+6 b
Cependant le bateauglisse, le roseau jase, 6+6 b
Les nids parlent tout bas,l'eau chuchote, on s'endort ; 6+6 a
Et voilà la Hollande.
110 Ami, ce peuple est fort : 6+6 a
N'en rions pas. C'est vraiqu'il ouvre aux vents d'automne 6+6 b
Une plaine sans fin,âprement monotone ; 6+6 b
Certe, ailleurs, j'en conviens,l'aube a plus de clarté, 6+6 a
Et ce ne sont point làde ces champs l'été, 6+6 a
115 Splendide et glorieux,jette à pleines corbeilles. 6+6 b
Les fleurs, les fruits, les blés,les parfums, les abeilles ; 6+6 b
Sans doute quelque ennuisort de cet horizon ; 6+6 a
Mais c'est le sol qui futl'abri de la raison ; 6+6 a
C'est la terre des gueuxqui brisèrent les princes ; 6+6 b
120 On referait l'Yssel,l'Amstel, les sept Provinces, 6+6 b
Pourvu que, sous un cielde pluie, on accouplât 6+6 a
L'herbe au jonc, et l'eau morteavec, le pays plat ; 6+6 a
Mais ce qu'on ne sauraitrefaire, c'est la flamme 6+6 b
Qui dans ce petit peuplea mis une grande âme. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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