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| = césure
HUG_26/HUG1547
Victor HUGO
LES ANNÉES FUNESTES
1898
LII
MISÈRE
Partout la force au lieu du droit. L'écrasement 6+6 a
Du problème, c'est là l'unique dénment. 6+6 a
Partout la faim. Roubaix, Aubin, Ricamarie. 6+6 b
La France est d'indigence et de honte maigrie. 6+6 b
5 Si quelque humble ouvrier réclame un sort meilleur, 6+6 a
Le canon sort de l'ombre et parle au travailleur. 6+6 a
On met sous son talon l'émeute des misères. 6+6 b
L'Afrique agonisante expire dans nos serres. 6+6 b
Là tout un peuple râle et demande à manger. 6+6 a
10 Famine dans Oran, famine dans Alger. 6+6 a
— Voilà ce que nous fait cette France superbe ! 6+6 b
Disent-ils. — Ni maïs, ni pain. Ils broutent l'herbe. 6+6 b
Et l'arabe devient épouvantable et fou. 6+6 a
On rencontre, une femme au fond de quelque trou, 6+6 a
15 Accroupie, et mangeant avec un air étrange. 6+6 b
— Qu'est-ce que tu, fais là ? — Hé bien, j'ai faim, je mange. 6+6 b
— Ton chaudron sur le feu fume, qu'as-tu dedans ? 6+6 a
Ces os, que l'on entend crier entre tes dents, 6+6 a
Cette chair qu'en grondant ronge ta bouche amère, 6+6 b
20 Qu'est-ce ? C'est un enfant que j'avais, dit la mère. 6+6 b
Les déclamations ne prouvent rien ; soyons 6+6 a
Impartiaux ; cette ombre est-elle sans rayons ? 6+6 a
Vous passez votre temps à dire que l'on souffre 6+6 b
Partout, et que partout on pleure, et qu'en un gouffre 6+6 b
25 On gémit, comme un tas d'affamés sur l'écueil, 6+6 a
Et vous criez : Tout est misère et tout est deuil 6+6 a
Tout est misère et deuil ? Quelle erreur est la vôtre ! 6+6 b
Ah çà, vous ne voyez qu'un côté ! Voyez l'autre. 6+6 b
Jouissance et splendeur. Doit-on, en vérité, 6+6 a
30 Montrer l'adversi sans la prospérité ? 6+6 a
Ce contrepoids ô fausse votre balance. 6+6 b
Oui la détresse là, mais ici l'opulence. 6+6 b
Soyons justes. Voyez. Plaisirs, bals, volupté, 6+6 a
Luxe, et l'hiver le Louvre, et Compiègne l'été. 6+6 a
35 Oui, faites approcher vos vers les plus féroces. 6+6 b
Oseront-ils nier ces palais, ces carrosses, 6+6 b
Ces festins ? Est-ce de la misère enfin ? 6+6 a
Est-ce qu'en cette fête éternelle on a faim ? 6+6 a
En ne montrant jamais que l'indigence, on triche. 6+6 b
40 Vous étalez le pauvre, eh bien, voyons ce riche. 6+6 b
Qu'en dites-vous ? Parlez. Est-il assez complet ? 6+6 a
Il a ce qu'il convoite, il fait ce qui lui plaît. 6+6 a
Ses désirs sont noyés dans le faste lyrique. 6+6 b
Ah ! je voudrais bien voir que votre rhétorique 6+6 b
45 Contestât cette aisance auguste, et s'escrimât 6+6 a
À prouver que ce luxe est d'un mince format, 6+6 a
Que cette argenterie est reprochable, et manque 6+6 b
Du poids qui la ferait recevoir à la banque, 6+6 b
Que ces, cochers ne sont point gras, que ces jockeys 6+6 a
50 Montent, mal galonnés, des chevaux peu coquets, 6+6 a
Et que ces millions, ruisselant sur ces tables 6+6 b
En ivresses sans fin, ne sont pas véritables ? 6+6 b
Reconnaissez qu'ici l'on ne manque de rien. 6+6 a
On s'est fait tout-puissant pour être épicurien. 6+6 a
55 On est un homme heureux. C'est doux. Pas de rebelles. 6+6 b
On est le Jupiter d'un Olympe de belles. 6+6 b
On a Biarritz ; veut-on varier le tableau ? 6+6 a
Après la mer, les bois ; on a Fontainebleau. 6+6 a
Chasses, danses, galas, petits jeux sous les treilles, 6+6 b
60 Rougissantes beautés sous les grappes vermeilles ; 6+6 b
Puis course au bois ; on fut en décembre vainqueur, 6+6 a
Et l'on rêve, et l'on sent pénétrer dans son cœur 6+6 a
Le pur soleil des champs, des fleurs, des prés, des vignes, 6+6 b
L'azur des clairs étangs et la blancheur des cygnes. 6+6 b
H. H.
mètre profil métrique : 6+6
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