Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_24/HUG1472
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
LA CORDE D'AIRAIN
XV
Un grand sabre serait d'utilité publique : 6+6 a
Est-ce qu'il n'est pas temps d'exterminer la clique 6+6 a
Des songeurs, des rêveurs, des penseurs, des savants, 6+6 b
Et de tous ces semeurs jetant leur graine aux vents, 6+6 b
5 Et de mettre au pavois celui qui nous fait taire, 6+6 a
Et de souffler sur l'aube, et d'éteindre Voltaire ! 6+6 a
Qu'attendez-vous ? Oh ! comme il serait beau de voir 6+6 b
Quelque bon vieux tyran faire enfin son devoir, 6+6 b
Couper, tailler, trancher et mettre à vos Molières, 6+6 a
10 A vos Dantes, à vos Miltons, des muselières ! 6−6 a
Nous en avons assez de tous ces bavards-là. 6+6 b
Le mal des hommes vient du premier qui parla. 6+6 b
On va criant : Progrès ! Fraternité ! Courage ! 6+6 a
Quel besoin avons-nous de tous ces mots d'orage ? 6+6 a
15 Jadis tout allait bien pourvu qu'on,se tînt coi. 6+6 b
On veut être à présent libre et maître. Pourquoi ? 6+6 b
Liberté, c'est tempête. Il faut qu'un bon pilote 6+6 a
Ramène au port, la barque et le peuple à l'ilote. 6+6 a
Il faut qu'un belluaire ou qu'un homme d'état 6+6 b
20 Bride, ce peuple osant commettre l'attentat 6+6 b
De naître, et s'égarant jusqu'à la convoitise 6+6 a
Que montre au lys l'abeille et la chèvre au cytise. 6+6 a
Les révolutions continueront, le bruit 6+6 b
Et le vacarme iront grossissant dans la nuit, 6+6 b
25 Tant que nous n'aurons pas trouvé ce politique. 6+6 a
Reprenons l'ancien temple et l'ancienne boutique ; 6+6 a
Revivre le passé nous suffit. Que veut-on ? 6+6 b
A quoi sert Diderot ? à quoi rime Danton ? 6+6 b
Pourquoi Garibaldi trouble-t-il la Sicile ? 6+6 a
30 Votre progrès n'est rien que fatigue imbécile ! 6+6 a
Quelle rage avez-vous de marcher en avant ? 6+6 b
Trop de tumulte sort de l'homme trop vivant. 6+6 b
L'esprit humain ; longtemps calme et sombre, s'agite ; 6+6 a
Ne serait-il pas bon qu'on fît rentrer au gîte 6+6 a
35 Et qu'on remît sous clefs et qu'on paralysât 6+6 b
Ce monstre, secouant sa chaîne de forçat ? 6+6 b
Quoi ! la.mouche, autrefois loyale et résignée, 6+6 a
Manque au respect qu'on doit aux toiles d'araignée ! 6+6 a
Elle tente d'y faire un trou pour s'échapper ! 6+6 b
40 La plèbe ose exister, gouverner, usurper ! 6+6 b
Quoi ! la vérité sort ! la raison l'accompagne ! 6+6 a
Vite ! Rejetons l'une au puits, et l'autre au bagne ! 6+6 a
Pour quiconque ose aller, venir, briser l'écrou, 6+6 b
L'enfer est un cachot avec Dieu pour verrou. 6+6 b
45 Qu'on y rentre. O révolte affreuse ! Quel désordre 6+6 a
Que tous ces ouragans lâchés, tâchant de mordre, 6+6 a
Se ruant sur l'autel, sur la loi, sur le roi ! 6+6 b
Oh ! quel déplacement tragique de l'effroi ! 6+6 b
L'inexorable pleure et les terribles tremblent ; 6+6 a
50 Les vautours effarés aux passereaux ressemblent. 6+6 a
Deuil ! horreur ! regarder surgir de tous côtés 6+6 b
Un tas de vérités et de réalités, 6+6 b
Voir leur flamme, et songer que peut-être chacune 6+6 a
Apporte on ne sait quelle effrayante rancune, 6+6 a
55 Et, rayonnante, vient au monde reprocher 6+6 b
Le sceptre, l'échafaud, le glaive et le bûcher ! 6+6 b
Oh ! tant qu'on n'aura pas mis hors d'état de nuire 6+6 a
Tout ce qui veut créer, chauffer, féconder, luire, 6+6 a
Tant que le vieux bon ordre encourra le péril 6+6 b
60 De voir brusquement naître un formidable avril, 6+6 b
Tant qu'il sera permis aux folles plumes ivres 6+6 a
De porter les oiseaux et d'écrire les livres, 6+6 a
Tant qu'un homme qui dit j'ai faim ! pâle, priant, 6+6 b
Pensif, fera blanchir vaguement l'orient ; 6+6 b
65 Tant que le ciel complice aura la transparence 6+6 a
Qui laisse distinguer aux pauvres l'espérance, 6+6 a
Tant que le va-nu-pieds se croira citoyen, 6+6 b
Je suis de votre avis, bourgeois, aucun moyen 6+6 b
De dormir en repos, et nul coin de navire 6+6 a
70 Où l'on puisse être seul sauvé quand tout chavire. 6+6 a
Quoi ! pas un prêtre, pas un juge, pas un roi, 6+6 b
Qui, tandis que frémit le livre de la loi, 6+6 b
S'il regarde la nuit le ciel noir, ne se sente 6+6 a
Troublé par la lueur du zénith grandissante ! 6+6 a
75 Ceci, c'est l'utopie, et ceci, le calcul, 6+6 b
Ceci, c'est le progrès sans terme et sans recul, 6+6 b
Voici le beau, le vrai, l'idéal qui prend forme, 6+6 a
Et le juste, et voici la conscience énorme ! 6+6 a
Qui donc pourrait, parmi les enfants de Japhet, 6+6 b
80 Conjurer le mystère inquiétant qui fait 6+6 b
Que nous voyons tomber dans l'ombre pêle-mêle 6+6 a
Tant de gouttes de lait de l'immense mamelle ? 6+6 a
O terreur ! tout s'éclaire ! il est temps d'en-finir. 6+6 b
Qui sauvera le monde en péril d'avenir ? 6+6 b
85 Caïn pleure, Judas gémit, Phalaris souffre. 6+6 a
Oh ! qu'il serait urgent d'arrêter net le'gouffre 6+6 a
En pleine éruption de lumière ; et la paix, 6+6 b
Le progrès, s'évadant des nuages épais, 6+6 b
La science, et, montant là-haut vers le solstice, 6+6 a
90 L'âme, et cette blancheur céleste, la justice ; 6+6 a
Et comme on ferait bien de mettre à la raison 6+6 b
Les astres se levant en foule à l'horizon ! 6+6 b
H. H.
mètre profil métrique : 6−6
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