Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_24/HUG1457
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
LA CORDE D'AIRAIN
À LA FRANCE DE 1872
Ô France, un ,de tes filsdevant toi s'agenouille. 6+6 a
L'humble prêtre de l'artdivin que rien ne souille 6+6 a
T'apporte sa tristesseet son austère amour. 6+6 b
Quand toutes les grandeursd'un pays tour à tour, 6+6 b
5 Sous l'acharnement vildu sort opiniâtre, 6+6 a
S'écroulent, dans les joursténébreux, le théâtre, 6+6 a
Qui jadis, riant, grave,orageux ou serein, 6+6 b
Parlait aux nationspar deux masques d'airain, 6+6 b
Doit, quand saigne la plaiehorrible des frontières, 6+6 a
10 Ne dire au peuple émuque des choses altières. 6+6 a
Quand la Patrie en deuilbaisse les yeux devant 6+6 b
Sa vieille histoire en cendre,à terre, éparse au vent, 6+6 b
Quand le fier Capitolea fait place au Calvaire, 6+6 a
Nous avons pour devoirle souvenir sévère ; 6+6 a
15 Et l'homme est par les chantsde la muse avili, 6+6 b
S'il y puise une ivresseallant jusqu'à l'oubli. 6+6 b
Désormais, après tantd'angoisse, après les fuites, 6+6 a
Les camps cernés, les mursvendus, les tours détruites, 6+6 a
Et la captivitédes sombres légions, 6+6 b
20 Quand l'Europe nous hait,nous qui la protégions, 6+6 b
Ces hymnes qu'on appelleOde, Drame, Épopée, 6+6 a
Devront ressembler tousà des fourreaux d'épée ; 6+6 a
Si le tigre en ses dentsemporte la brebis, 6+6 b
Des resplendissementsfurieux et subits 6+6 b
25 Sortiront tout à coupde ces puissants poèmes ; 6+6 a
Leurs vers seront grondants,menaçants et suprêmes ; 6+6 a
On y sentira sourdreun souffle de combat, 6+6 b
On y verra la gloireen pleurs sur son grabat, 6+6 b
Et ces grandes clameursauront des voix hautaines 6+6 a
30 Remuant l'âpre honteau cœur des capitaines 6+6 a
Et leur donnant la rageet la soif de plonger 6+6 b
Leur honneur dans ce flotsublime, le danger ; 6+6 b
Et c'est ainsi qu'on sauveun peuple, et que l'on fonde 6+6 a
Dans toi, Paris, dans toi ;Rome, une âme profonde. 6+6 a
35 Ne venez pas icichercher d'autre plaisir 6+6 b
Que d'entrevoir un glaiveet de le ressaisir ; 6+6 b
L'art ne doit aux espritsque des fêtes viriles ; 6+6 a
Ayons d'affreux jours, soit,mais pas d'instants stériles. 6+6 a
Plus le bonheur décrt,plus le cœur doit grandir ; 6+6 b
40 L'astre accepte la nuitpour y mieux resplendir. 6+6 b
L'étoile, dédaigneuseau fond des cieux funèbres, 6+6 a
A l'augmentationde l'ombre et des ténèbres 6+6 a
Répond par la croissanceauguste des rayons. 6+6 b
C'est pourquoi tous ici,tous, qui que nous soyons, 6+6 b
45 Fils de ceux qui de prèsvirent Berlin et Vienne, 6+6 a
Ne trouvant pas qu'il soitjuste et qu'il nous convienne 6+6 a
D'avoir de tels aïeuxet de n'y point songer, 6+6 b
Et de laisser leur gloireen gage à l'étranger, 6+6 b
Ayant le sombre ennuid'hommes sur qui l'on marche, 6+6 a
50 Nous souvenant que c'està nous de porter l'arche 6+6 a
Et d'être à l'avant-gardealtière du progrès, 6+6 b
Nous pensons qu'il est bond'aiguiser nos regrets, 6+6 b
Et qu'avec un fer rougeil faut toucher nos plaies ; 6+6 a
Et que, puisque déjàreverdissent les haies, 6+6 a
55 Puisque voici venirle mois de mai charmant, 6+6 b
Nous devons regarderle sacré firmament, 6+6 b
Les bois, les champs, le lys,la rose, la pervenche, 6+6 a
Avec cette penséeau cœur : notre revanche ! 6+6 a
Si nous nous laissions mettreaux fers par le destin, 6+6 a
60 Si, tournés vers le soiret non vers le matin, 6+6 a
Nous pouvions, prisonniers,continuer de vivre, 6+6 b
Si nous ne rêvions pas,l'âme de colère ivre, 6+6 b
Chacun de nous ayantsur le front la rougeur 6+6 a
De n'être pas celuiqu'on attend, le vengeur ; 6+6 a
65 Ah ! si nous n'étions paspensifs devant tout homme 6+6 b
Qui flétrit son bourreau,se redresse et se nomme, 6+6 b
Et lui prend son épéeafin de le tuer, 6+6 a
Si nous pouvions nous taireet nous habituer 6+6 a
A l'opprobre, et montrer,transformation vile, 6+6 b
70 Qu'on peut être Thersiteaprès qu'on fut Achille, 6+6 b
Si nous donnions raisonaux rois riant entre eux, 6+6 a
Si nous découvrionsen nous des cœurs affreux 6+6 a
Prêts aux consentementsinfâmes de la chute, 6+6 b
Si devant le vainqueurcriant : Cessons la lutte, 6+6 b
75 Paix ! et restons-en là !nous disions : J'y pensais ! 6+6 a
Ah ! tout serait fini !de sa tête, ô français, 6+6 a
La France arracherait,sous ses mains indignées, 6+6 b
Ses lauriers, et, parmises cheveux, des poignées 6+6 b
D'étoiles, qui s'iraientéteindre dans la nuit ! 6+6 a
80 Non, nous ne serons pasce qui s'évanouit ; 6+6 a
Non, nous ne serons pasle fils qui dégénère, 6+6 b
Et nous saurons hâterle réveil du tonnerre. 6+6 b
Non, nous n'acceptons pasnotre honneur obscurci. 6+6 a
Car ce qui fait un peupleillustre, le voici : 6+6 a
85 C'est le théâtre, c'estla tribune, c'est l'âme 6+6 b
De tout homme alluméeà toute pure flamme, 6+6 b
C'est l'essor pour l'esprit,le travail pour le corps, 6+6 a
C'est l'art, c'est la penséeet l'ennemi dehors. 6+6 a
Tant qu'ils sont en Alsaceet qu'ils sont en Lorraine, 6+6 a
90 Ils sont chez nous. Sur toi,France, leur sabre trne. 6+6 a
Ils t'ont pris ton bien, France ?Eh bien, on le reprend. 6+6 b
Ah ! même le plus granddes siècles n'est pas grand 6+6 b
Si quelque ombre de honteest mêlée à sa gloire. 6+6 a
Avec une aile blancheavoir une aile noire, 6+6 a
95 Non, France, non ! jamaisainsi tu n'as vécu. 6+6 b
Et la paix n'est la paixqu'après qu'on a vaincu. 6+6 b
Ô Grèce ! ô Périclès !jours fiers ! âge splendide ! 6+6 a
Pindare d'un côté,de l'autre Thucydide ; 6+6 a
L'idéal du réeldevenait le vrai nom, 6+6 b
100 Et Phidias sculptaitle mur du Parthénon ; 6+6 b
Hippocrate tâtaitle pouls de Démosthènes ; 6+6 a
Les peuples s'abreuvaientde lumière aux fontaines 6+6 a
Qu'on nomme Apollodore,Euripide, Platon ; 6+6 b
Le dur Solon, levantsur Thespis son-bâton, 6+6 b
105 Était mort, et Socrateôtait les dieux à l'homme ; 6+6 a
Athènes vaguementsemblait éveiller Rome 6+6 a
Qui répondait du fondde l'ombre à son appel, — 6+6 b
Et les perses étaientchassés de l'Archipel ! 6+6 b
 Qui donc a dit : La France tombe ! 8 a
110  Demain, on verra tout à coup 8 b
 La grande pierre de sa tombe 8 a
 Se lever lentement debout. 8 b
 Oui, demain, oui, l'heure est prochaine. 8 a
 Voyez. Elle se dresse, ayant 8 b
115  Dans ses deux poings pend sa chne, 8 a
 Un tronçon d'épée effrayant. 8 b
 Oui, l'avenir nous le ramène, 8 a
 Ce puissant glaive Dieu clément 8 b
 A remplacé la lame humaine 8 a
120  Par le céleste flamboiement. 8 b
 Oh ! souhaitons la bienvenue 8 a
 À ce glaive prodigieux ! 8 b
 Qu'il nous fasse voir dans la nue 8 a
 Le groupe étoilé des aïeux ! 8 b
125  Que son éclair montre à notre âme 8 a
 Toutes ces faces deants, 8 b
 Martel qui terrasse Abdérame, 8 a
 Jeanne qui délivre Orléans ; 8 b
 Et ces preux, beaux dans leur croyance, 8 a
130  Bayard qui ne plia jamais, 8 b
 Marceau qui mourut sous Mayence, 8 a
 Hoche qui fut mort devant Metz ! 8 b
 Qu'on écoute leurs voix bruire, 8 a
 Et qu'on ne puisse deviner 8 b
135  Si c'est Kléber qu'on entend rire, 8 a
 Ou le ciel qu'on entend tonner ! 8 b
 Que ce fier glaive de la France 8 a
 Soit le glaive du genre humain ; 8 b
 Qu'il abolisse la souffrance, 8 a
140  Épée aujourd'hui, soc demain ; 8 b
 Qu'il soit pour tous la délivrance, 8 a
 Qu'il perce le nuage obscur, 8 b
 Et qu'il nous rende l'espérance 8 a
 Ici-bas, et là-haut l'azur ! 8 b
145  Que ce glaive crée et foudroie, 8 a
 Qu'il sème à coups d'éclairs le jour, 8 b
 Et qu'il en sorte de la joie, 8 a
 Et qu'il en sorte de l'amour. 8 b
 Sur toute la terre ravie, 8 a
150  Qu'il allume avec sa clarté 8 b
 Un sublime orage de vie, 8 a
 De victoire et de liberté ! 8 b
 Qu'il fauche, le mal comme l'herbe ; 8 a
 Qu'on dise : il a fondé nos droits ; 8 b
155  Et qu'il soit à jamais superbe 8 a
 Par l'immense fuite des rois ! 8 b
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