Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_24/HUG1393
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
VI
L
— Ah çà mais ! quelle idée as-tu, capricieuse, 6+6 a
De vouloir qu'à cette heure où, sous la verte yeuse, 6+6 a
L'herbe s'offre à nos pas dans le bois attiédi, 6+6 b
Je te parle d'Eylau, d'Essling et de Lodi ! 6+6 b
5 Parlons de notre amour et non de la bataille. 6+6 a
Oui, nos aïeux régnaient par la guerre, et leur taille 6+6 a
Était haute, et mon père était un des géants ; 6+6 b
Et nous, s'il faut demain braver les flots béants, 6+6 b
Et subir les cieux noirs après les jours prospères, 6+6 a
10 Nous, les fils, nous ferons comme faisaient nos pères ; 6+6 a
Nous combattrons comme eux, dût-on être engloutis, 6+6 b
Avec un cœur égal et des bras plus petits ; 6+6 b
Et le monde entendra notre clairon sonore ; 6+6 a
Mais aujourd'hui je t'aime et tu m'aimes ; l'aurore 6+6 a
15 Emplit les champs, emplit les cieux, emplit nos cœurs ; 6+6 b
Les moineaux aisément sont d'Horace moqueurs 6+6 b
Lorsqu'il a près de lui Barine émue et rose 6+6 a
Et qu'il passe son temps à parler d'autre chose. 6+6 a
Vais-je donc étonner ces prés,ces bois, ces eaux, 6+6 b
20 Par un homme ayant moins d'esprit que les oiseaux ? 6+6 b
C'est pour le jeune amour que les, forêts sont faites. 6+6 a
Belle, ne me rends pas ridicule aux fauvettes. 6+6 a
Sois clémente, et comprends qu'en de si charmants lieux 6+6 b
C'est plutôt aux enfants qu'on pense qu'aux aïeux. 6+6 b
25 Veux-tu fâcher les fleurs par nos façons moroses ? 6+6 a
Veux-tu nous mettre mal avec toutes ces roses ? 6+6 a
Si j'ai dit que je suis discret ; je te trompais. 6+6 b
Belle, ici, tout est joie, accord, silence, paix ; 6+6 b
Les champs et les vallons sont des choses calmées. 6+6 a
30 Vois ces grottes où rit l'ondine aux mains palmées, 6+6 a
Vois ces halliers qu'un dieu mystérieux bénit ; 6+6 b
La branche n'a qu'un but, c'est de cacher un nid ; 6+6 b
C'est l'amour qui ravit les rossignols, doux chantres ; 6+6 a
Les poursuites d'amants aboutissent aux antres ; 6+6 a
35 La nature n'est qu'une alcôve ; et c'est Vénus 6+6 b
Dont on distingue au fond de l'ombre les seins nus ; 6+6 b
Janvier part, floréal accourt ; le dialogue 6+6 a
De l'hiver qui bougonne avec la vive églogue 6+6 a
Tourne en querelle, et l'air est plein d'un vague chant 6+6 b
40 Qui fait que la beauté n'a point le cœur méchant. 6+6 b
Les arbres ont besoin, belles, de-votre rire ; 6+6 a
Une joie espiègle est mêlée au zéphyre ; 6+6 a
La pomme d'Ève aux mains de Galatée atteint 6+6 b
Virgile ; et tout serait manqué, maussade, éteint, 6+6 b
45 Si Chloé, que les nids couvrent de gais murmures, 6+6 a
Ne barbouillait le vieux Silène avec des mûres ; 6+6 a
Et, si Phyllis entre eux n'était comme un démon, 6+6 b
Ménalque ne saurait que dire à Palémon. 6+6 b
— Aime, et baigne en chantant tes pieds nus dans la source ; 6+6 a
50 Les rires étouffés, belle, sont la ressource 6+6 a
Des taillis ténébreux et des cœurs palpitants. 6+6 b
O profondeur sauvage et fraîche du printemps ! 6+6 b
On entend alterner des flûtes sous les chênes. 6+6 a
Quel est — le maître ? Éros. Et quelles sont les chaînes ? 6+6 a
55 Les rayons, les parfums, lés soupirs, les chansons, 6+6 b
Et l'entrelacement des fleurs dans les buissons. 6+6 b
Cette nature au flanc sacré n'est pas contente 6+6 a
Si vous êtes chez elle et que rien ne vous tente. 6+6 a
Belle, vois cette idylle immense, l'horizon ; 6+6 b
60 Vois la-fougère et l'herbe et ses bancs de gazon ; 6+6 b
Crois-tu que de cette ombre ; et de ce paysage 6+6 a
Il sorte le conseil insensé d'être sage, 6+6 a
D'être froid ; de ne point s'approcher de trop près, 6+6 b
D'être sourd aux instincts, d'être aveugle aux attraits, 6+6 b
65 De refuser d'entrer dans l'amour, douce école, 6+6 a
Et de substituer Wagram, Jemmape, Arcole, 6+6 a
Les révolutions, la patrie en péril, 6+6 b
Et la rauque bataille, au tendre hymen d'avril ? 6+6 b
Belle, ayons pour affaire unique l'arrivée 6+6 a
70 Du premier souffle tiède échauffant la couvée, 6+6 a
L'éclosion du lys des étangs, les rameaux 6+6 b
Où le nid et le vent jasent à demi-mots, 6+6 b
La pénétration du soleil dans les feuilles, 6+6 a
Le clair-obscur des eaux, le bouquet que tu cueilles, 6+6 a
75 Le parfum qui te plaît, la clarté que tu vois, 6+6 b
L'herbe et l'ombre, et l'amour, mélodie à deux voix. 6+6 b
Ici, Pan cherche Astrée et Faune guette Flore. 6+6 a
Ne mêlons pas la guerre à toute cette aurore, 6+6 a
À moins que ce ne soit la guerre des baisers. 6+6 b
80 Soyons des cœurs ardents l'un par l'autre apaisés. 6+6 b
Aimons. Le mois de mai, c'est la saison lucide. 6+6 a
Kléber pas plus qu'Ajax, Marceau pas plus qu'Alcide, 6+6 a
N'ont que faire en ces champs pleins de molles faveurs 6+6 b
Où le printemps chuchote au fond des bois rêveurs ; 6+6 b
85 Car Homère ne peut qu'effarer Théocrite ; 6+6 a
Moschus craint l'épopée avec le glaive écrite, 6+6 a
Et le groupe dansant et chantant des bergers 6+6 b
Fuit devant le divin Achille aux pieds légers. — 6+6 b
Alors elle me dit dans la saison des roses : 6+6 a
90 — Ami, ne croyez pas que j'écoute ces choses ; 6+6 a
Je ne vous en veux pas ; je sais que c'est ainsi 6+6 b
Qu'on parle à sa maîtresse, à son esclave aussi ; 6+6 b
Oui, l'aube au fond des bois ébauche un frais sourire, 6+6 a
Le doux avril accourt avec un bruit de lyre ; 6+6 a
95 Les oiseaux sur qui rien ne pèse sont contents ; 6+6 b
Oui, ce qui doit emplir nos cœurs, c'est le printemps, 6+6 b
C'est l'idylle, c'est Flore et Maïa, c'est Astrée, 6+6 a
C'est l'éden ; c'est aussi la tristesse sacrée. 6+6 a
Toutes les fleurs ont beau me fêter à l'envi, 6+6 b
100 Je songe au noir clocher de Strasbourg asservi, 6+6 b
Et je vois à travers l'églogue pleine d'ombre 6+6 a
Au fond de l'horizon la grande flèche sombre. 6+6 a
Ah ! parlez-moi de guerre ! Où sont les fiers défis ? 6+6 b
Penser à ses aïeux, c'est penser à ses fils. 6+6 b
105 C'est pour faire un héros qu'il est beau d'être femme ; 6+6 a
Tâchons de repriser aux cieux quelque vieille âme ; 6+6 a
Scellons un grand hymen ! Je vous aime pourtant ; 6+6 b
Mais, dans cet obscur bois farouche et palpitant, 6+6 b
C'est l'indignation, non l'amour, qui me dompte ; 6+6 a
110 On n'a pas de pudeur quand on a de la honte ; 6+6 a
Je le dis, mon pays est ma seule rougeur, 6+6 b
Je ne veux d'un baiser que s'il crée un vengeur ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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