Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_24/HUG1314
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
V
XXV
LETTRE DE L'EXILÉ
ARRIVANT DANS LE DÉSERT
Tu me dis : Que fais-tu ? Rien. Je suis seul. Je rêve. 6+6 a
Je vais voir si quelqu'un me connaît sur la grève. 6+6 a
Je cherche à rencontrer dans ces rudes forêts, 6+6 b
Dans ces monts, quelque ami tragique que j'aurais, 6+6 b
5 Quelque bon vieil écueil bien battu de l'abîme, 6+6 a
Quelque sapin cassé d'une façon sublime ; 6+6 a
Un roc ayant le deuil et n'ayant pas l'effroi. 6+6 b
Je parle à l'océan, et je lui dis : C'est moi. 6+6 b
Alors nous nous mettons à causer, lui plein d'ombre, 6+6 a
10 Mêlant un conseil grave à ses rumeurs sans nombre, 6+6 a
Et redisant toujours dans l'écume et les vents 6+6 b
La même phrase : Aimez, car vous souffrez, vivants ! 6+6 b
Moi, songeur et distrait par la barque qui vogue. 6+6 a
Le tonnerre souvent prend part au dialogue ; 6+6 a
15 Cette interjection, l'éclair, tombe du ciel. 6+6 b
La mer me plaît ; on sent sa vertu dans son fiel. 6+6 b
Elle assainit la terre à force d'amertume. 6+6 a
Je l'aime. Aussi l'aller trouver est ma coutume 6+6 a
Quand je sens dans mon cœur monter sous le ciel bleu 6+6 b
20 L'âpre indignation qui questionne Dieu. 6+6 b
Elle me calme avec son souffle de nuée. 6+6 a
Ma douleur dans ses flots s'endort diminuée. 6+6 a
On médite en voyant des prodiges entiers. 6+6 b
Je fraternise avec le gouffre volontiers… 6+6 b
25 Les proscrits sont des gens qui content leurs affaires 6+6 a
Aux vagues dans l'orage et dans la nuit aux sphères ; 6+6 a
Nous ouvrons nos cœurs fiers et forts, quoique mouvants, 6+6 b
À ces premiers venus farouches, tous les vents ; 6+6 b
Et l'on finit par prendre une altière habitude 6+6 a
30 De tutoiement avec la sombre solitude. 6+6 a
De là l'apaisement. O vastes cieux vainqueurs ! 6+6 b
L'autan passe, arrachant l'écume de nos cœurs ; 6+6 b
Et quand sur notre haine et sur notre colère 6+6 a
S'est d'en haut répandu l'immense bruit polaire, 6+6 a
35 Quand la foudre nous a regardés dans les yeux, 6+6 b
Que reste-t-il d'un homme honnête et furieux ? 6+6 b
Un sage. On sonde mieux le mystère où nous sommes 6+6 a
Devant ces grands flots noirs, moins troubles que les hommes ; 6+6 a
On sent qu'en ce chaos un monde est à l'essai ; 6+6 b
40 On confronte, attentif, le faux gouffre et le vrai, 6+6 b
La trahison dé l'homme et l'embûche de l'onde ; 6+6 a
On contemple les plis de l'eau rauque et profonde, 6+6 a
On s'ouvre à la candeur comme eux à l'alcyon, 6+6 b
Et l'on devient pensif dans la proportion 6+6 b
45 Du prodige, et l'on sent que le courroux s'efface 6+6 a
Sous ce flot calme au fond et fauve à la surface. 6+6 a
On croit voir dans son âme obscure le lever 6+6 b
D'un astre ; et c'est cela qui vient de m'arriver. 6+6 b
J'ai vu tant de néants, tant d'hommes et de choses, 6+6 a
50 Tant d'immobilités, tant de métamorphoses, 6+6 a
Que je suis las. Après tous ces chiens, tous ces loups, 6+6 b
Dupin, Montalembert, Veuillot, Proudhon, Falloux, 6+6 b
Après l'oison qui glousse, après le chat qui grince, 6+6 a
Après ce reître, après ce juge, après ce prince, 6+6 a
55 Après ces nains, ces fous, ces gueux, ces intrigants, 6+6 b
J'ai le goût des éclairs, j'aime les ouragans, 6+6 b
J'entre dans cette énorme et formidable fête, 6+6 a
L'onde, et je me repose, ami, dans la tempête. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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