Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_24/HUG1304
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
V
XV
JE TRAVAILLE
Amis, je me remetsà travailler ; j'ai pris 6+6 a
Du papier sur ma table,une plume, et j'écris ; 6+6 a
J'écris des vers, j'écrisde la prose ; je songe. 6+6 b
Je fais ce que je puispour m'ôter du mensonge, 6+6 b
5 Du mal, de l'égoïsmeet de l'erreur ; j'entends 6+6 a
Bruire en moi le gouffreobscur des mots flottants ; 6+6 a
Je travaille. Ce mot,plus profond qu'aucun autre, 6+6 b
Est dit par l'ouvrieret redit par l'apôtre ; 6+6 b
Le, travail est-devoiret droit, et sa beauté 6+6 a
10 C'est d'être l'esclavageétant la liberté. 6+6 a
Le foat du devoiret du travail, est libre. 6+6 b
Mais quoi ! penseur, tu vasremettre en équilibre 6+6 b
Au fond de ton esprit,qu'occupaient d'autres soins, 6+6 a
L'idée avec le mot,le plus avec le moins ! 6+6 a
15 De la prose ! pourquoi ?des vers ! pourquoi ? des rimes ! 6+6 b
Des phrases ! À quoi bon ?À quoi bon les abîmes, 6+6 b
Les mystères, la vieet la mort, les secrets 6+6 a
De la croissance étrangeet sombre des forêts 6+6 a
Et des peuples, et l'ombre croulent les empires, 6+6 b
20 Et toute cette énigmehumaine les Shakspeares 6+6 b
Plongeaient, et que fouillaient,les yeux tout grands ouverts, 6+6 a
Tacite avec sa proseet Dante avec son vers ! 6+6 a
À quoi bon la beauté,l'art, la forme, le style ? 6+6 b
Lucrèce et le spondée,Horace et le dactyle, 6+6 b
25 Et tous ces arrangeursde rhythmes et de mots, 6+6 a
Pindare, Eschyle, Job,Plaute, Isaïe, Amos ! 6+6 a
À quoi bon ce qui faitl'homme grand sur la terre ? 6+6 b
Ceux qui parlent ainsiferaient mieux de se taire ; 6+6 b
Je connais dès longtempsleur vaine objection. 6+6 a
30 L'art est la roue immenseet j'en suis l'Ixion. 6+6 a
Je travaille. À quoi ? Maisà tout ; car la pensée 6+6 b
Est une vaste porteà chaque instant poussée 6+6 b
Par ces passants qu'on nommeHonneur, Devoir, Raison, 6+6 a
Deuil, et qui tous ont droitd'entrer dans la maison. 6+6 a
35 Je regarde là-hautle jour éternel poindre. 6+6 b
À qui voit plus de ciella terre semble moindre ; 6+6 b
J'offre aux morts, dans mon âmeen proie au choc des vents, 6+6 a
Leur souvenir accrude l'oubli des vivants. 6+6 a
Oui, je travaille, amis !oui, j'écris ! oui, je pense ! 6+6 b
40 L'apaisement superbeétant la récompense 6+6 b
De l'homme qui, saignantet calme néanmoins, 6+6 a
Tâche de songer plusafin de souffrir moins. 6+6 a
Le souffle universelm'enveloppe et me gagne. 6+6 b
Le lointain avenir,lueur de la montagne, 6+6 b
45 M'appart, par-dessustous les noirs horizons. 6+6 a
C'est par ces rêves-làque nous nous redressons. 6+6 a
O frisson du songeurqui redevient prophète ! 6+6 b
Le travail, cette choseinexprimable ; faite 6+6 b
De vertige, d'effort,de joug, de volonté, 6+6 a
50 Vient quand nous l'appelons,nous jette une clarté 6+6 a
Subite, et verse en noustous les généreux zèles, 6+6 b
Et, docile, ardent, fier,ouvrant de brusques ailes ; 6+6 b
Écartant les douleursainsi que des rameaux, 6+6 a
Nous emporte à traversl'infini, loin des maux, 6+6 a
55 Loin de la terre, loindu malheur, loin du vice, 6+6 b
Comme un aigle qu'on adans l'ombre à son service. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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